Des Tickets de "Millionnaire" pour nos Chefs d’Œuvre en Péril

Des Tickets de "Millionnaire" pour nos Chefs d'Œuvre en Péril

Nicolas Sarkozy a promis 100 millions d’euros mardi pour la restauration des monuments historiques. Mais en ces temps de crise, il doit faire appel à la générosité du public plutôt qu’à de nouvelles ponctions fiscales. Christine Albanel a donc planché sur un nouveau jeu de grattage, dont les bénéfices iront garnir le budget du ministère de la Culture. Le problème est que La Française des Jeux subit également une baisse de ses recettes.

La relance de l’économie française passe également par la Culture, et le chef de l’État, en visite à Nancy mardi, a décidé d’inscrire 100 millions d’euros de plus au budget du ministère de la Culture, ce qui fait que, rien qu’en 2009, le ministère de la Culture consacrera 400 millions d’euros à l’entretien de notre patrimoine ; cet effort sera maintenu pendant les années suivantes, et les professionnels du bâtiment spécialisés dans l’entretien et la restauration des monuments historiques ont applaudi des deux mains. Il est vrai que leurs métiers font preuve d’un savoir-faire inégalé, mais ils sont trop souvent en queue de peloton dans le secteur du bâtiment.

N’oublions pas que la France est l’une des destinations touristiques les plus prisées au monde, et les chefs d’œuvre en péril font tout autant mauvais effet auprès des étrangers qui les découvrent que de mal au cœur des amateurs d’art qui les fréquentent ou des gens qui vivent à proximité. Comment y faire face tout en évitant d’alourdir encore les finances publiques ? Je voudrais aussi que soit autorisée sans condition l’application du régime fiscal du mécénat aux apports des citoyens et des entreprises aux restaurations de monuments publics et privés, a également déclaré Nicolas Sarkozy, avant de souhaiter que soit examinée la possibilité de concéder l’exploitation de monuments publics à des entrepreneurs et des collectivités publiques, en veillant à la qualité du projet culturel.

Des hommes d’affaires sont bien sûr prêts à investir dans des placements parmi les plus durables qui puissent être. Alors l’État trouve déjà de grandes difficultés pour se défaire d’une grande partie d’un parc immobilier parfois utilisé à mauvais escient, des mécènes trouvent plus de facilités à l’étranger, malgré la qualité des projets qu’ils ont promus en France. Ainsi François Pinault a-t-il acheté le Palazzo Grassi de Venise à la famille Agnelli en 2005, après avoir connu bien des déconvenues dans la réhabilitation des ateliers de Renault-Billancourt sur l’île Seguin. Le risque est également de faire n’importe quoi, comme au XIXème siècle où l’attrait soudain pour les vieilles pierres ont permis à Viollet-le-Duc de prendre bien des libertés avec la réalité historique, et avec la bénédiction des pouvoirs publics.

En tout état de cause, les grandes fortunes, par ailleurs prises au piège de la crise des marchés financiers, n’y suffiront pas. Les hauts fonctionnaires du ministère de la Culture ont donc imaginé de nouvelles recettes pour satisfaire au souhait présidentiel. Parmi eux, le concept d’un nouveau jeu de grattage a retenu l’attention de Christine Albanel, qui espère en tirer 25 millions d’euros. Interrogée lors de l’émission Questions d’Info diffusée sur LCP et France-Info, elle a confirmé : on a pas mal travaillé avec le président de la Française des Jeux et l’idée, c’est d’avoir un jeu à gratter sur le patrimoine.

Mais voilà : le chiffre d’affaires de la Française des Jeux a baissé de 1,1% l’an dernier, comme celui des casinos (-8,4%), victimes de l’interdiction de fumer dans les lieux publics, et plus précisément dans les salles de jeux et les débits de tabac, où s’effectue l’essentiel du commerce des jeux de hasard. Les seconds se tournent à présent vers les jeux en ligne, appelés à une forte croissance, tandis que le successeur de la Loterie nationale est en passe de voir son monopole tomber en désuétude sous la pression de la Commission européenne.

Pourtant, les sommes dépensées tous les jours au jeu par les Français sont ainsi passées de 47,3 millions d’euros à 57,6 millions d’euros en 6 ans. Quelle idiotie les énarques du ministère de la Culture vont-ils nous inventer pour réaliser cette opération avec la Française des Jeux ? Rien n’est encore franchement au point. Surtout si l’on pense que Nicolas Sarkozy a une culture plutôt axée télé et presse people, comme le dit l’adjoint au maire de Paris Christophe Girard, l’idée est bien dans l’air du temps. Mais comment concilier culture et futilité ?

 

 


Quand le trésor public n’est plus assez robuste
Pour supporter les frais de tous les monuments,
Il fait appel aux grands moyens et les serments
Sont tenus grâce à nous, ce qui nous tarabuste !

Et les pouvoirs publics font bien dans la flibuste,
Usant de ruse et de questions dont les tourments
Sont ravissants s’ils nous ont pris aux sentiments,
Grâce aux élans du cœur ils nous refont un buste.

Les jeux d’argent devront prendre un ton culturel
Et pour nous plaire, ils vont tourner leur naturel :
Alors, nous nous prenons au jeu ou c’est l’amende.

Avec bon cœur, gageons que les tickets gagnants
Ont pu mieux que l’impôt répondre à la demande,
Car les prochains budgets seront plutôt saignants.