Jazz magazine ou la fine oreille plaisir des ziziques évolutives et narratives

Jazz magazine ou la fine oreille plaisir des ziziques évolutives et narratives

Dernièrement, je me suis plongée dans deux numéros décapants de la revue Jazz magazine qui consacrent un dossiers à Frank Zappa. Ce versant de l’Océan Atlantique et les relents des talents qui ont révolutionné les phrases des ondes musicales, de ces quatre dernières décennies. On en ressent encore le tsunami et c’est tellement bon que j’en croque pour ces musiques !

Le Bartos me racontait comment il avait invité un jour Guy Darol à conférencer dans le cadre d’une association d’échanges de savoirs où le Franckos sévissait sur fond d’atelier d’écritures style Papous dans la Tête (France Culture), au fin du fin fond de la Brie (77), il y a déjà bien longtemps. Et comme de bien entendu, déjà à l’époque Frank Zappa déroula la mécanique de ses fluides musicaux par la voix de Guy. Le public bonnard et ouvert d’esprit se découvrit une appétence musicale peu banale. Encore merci Guy !

Dernièrement, quelle ne fut pas ma surprise à peine feinte lorsque je lus que le Guy avait participé et même animé un débat entre grosses pointures, pas moins du 46 guitarme de charme éclectique pour la revue Jazz magazine !

À poil le jazz !, ça débutait très fort l’édito de Franck Bergerot qui connaît la musique et ne se contente pas d’un rot comme maintes rédacteurs de revue spécialisées qui n’acceptent aucun pet de travers au cul de leurs sujets Dès 1967 en concerts le Zappa avait de l’apostrophe à l’attention de son public : Retire tes vêtements quand tu danses. Quelle est la partie la plus horrible de ton corps ? C’est donc à poil dans ma tenue de prédilection telle la bête fauve que je suis durant les 12 mois de l’année, que je tournais les pages de ce numéro et me régalais les mirettes à déchiffrer l’intention de cette revue qui titrait en couverture provocatrice sus aux puristes : Zappa Faux rockeur ou vrai jazzman ?

Octobre 69, année érotique, tu m’es stone, et Charden à la poubelle. Ils étaient fous ces belges d’inviter sur la scène du festival d’Amougies, des groupes comme Pink Floyd, l’Art Ensemble of Chicago, Ten Years After, Archie Shepp, Gong, Don Cherry, The Pretty Things, Soft Machine et j’en passe des meilleurs du rock / jazz et autres déjà inclassable à cette époque riche en épopées musicales. De ce grand cirque des décibels à ciel ouvert, Frank Zappa en personne soufflait sur les braises des notes rebelles en présentant les groupes et en jammant avec eux comme un amant exquis. Rien de tel pour que les frontières des genres et des styles escamotent leurs réverbérations et bastonnent les géographies physiques des alchimies musicales en vigueur.

Sous le titre Un rockeur qui fait jaser, Guy Darol excellent animateur de la table ronde, donne le la aux voix majestueuses et connaisseuses du sujet (Glenn Ferris / Jean-Luc Rimey-Meille / Pierrejean Gaucher et Christophe Delbrouck). Je vous livre un florilège allégé des propos tenus : Mais sa première rencontre avec un jzzman date de 1962. À la fin d’un concert de Miles Davis, Zappa va dans les loges pour le féliciter et Miles lui tourne le dos. Il en déduit qu’il n’a plus rien à faire avec les jazmen. / Ce qui l’ennuie dans le jazz, c’est son côté académique. Zappa a toujours préféré les musiciens qui cassaient les barrières. / Il adorait le jazz, s’entourait de musiciens de jazz, mais c’était un rocker doublé d’un génie, ce qui le poussait à aller toujours au-delà. / Il faut toujours se souvenir de cette phrase qu’il aimait répéter : Je suis un compositeur de musique sérieuse qui joue de la guitare avec un groupe de rock pour gagner ma vie. Zappa est très proche de Miles Davis quand il veut faire réagir ses musiciens dans le feu de l’action. / Il veut une chose au fond : ne pas jouer sérieusement une musique rigoureusement sérieuse. / Zappa était un guitariste qui improvisait comme un jazzman, mais qui n’avait pas la culture du jazz à la guitare (…) en pages 22 à 29.

Guy exhorte aussi de sa discothèque ces bruits jazz. Il analyse et passe sous la grande roue du jazz les morceaux qui peuvent dépasser voir dépayser la somme amère de ce carcan.

Le tromboniste Glenn Ferris nous raconte sa participation au Grand Wazzo et le violoniste Jean-Luc Ponty nous relate la découverte de l’univers de Zappa et son épopée avec Frank. King Kong vibre toujours aussi fort dans mes tripes simiesques, mon cher Jean-Luc !

Jazz Magazine : Zappa faux Rockeur ou vrai Jazzman ? (n°593, juin 2008)