Gaza sera-t-il le Stalingrad de "Tsahal" ?

Gaza sera-t-il le Stalingrad de "Tsahal" ?

Alors que l’armée israélienne s’apprête à investir la bande de Gaza dans les heures qui viennent, le bilan de quatre jours de bombardements aériens et maritimes s’alourdit d’heure en heure, au point que la communauté internationale s’inquiète de la tournure que prennent les évènements et appelle à un cessez-le-feu immédiat et permanent. Quelles sont ses chances de réussite de la diplomatie ? Le MAGue a demandé à François Balland, docteur en Histoire et professeur dans cette discipline, spécialiste des questions de poliorcétique, d’éclairer la problématique : il a étudié plus particulièrement les sièges d’Alésia en 52 av. J.-C., de Jérusalem en 1099, et de Candie pendant 21 ans, au XVIIème siècle.

Le MAGue : Pourquoi la situation à Gaza soulève-t-elle autant d’émotion et aussi peu de réprobation de part et d’autre ?

François Balland : L’émotion est naturellement liée à la poliorcétique : c’est l’art du siège dans les guerres. C’est quasiment une science, déjà étudiée sous l’Antiquité, notamment par Démétrios Poliorcète. La poliorcétique examine un type de combats particulier : le plus souvent la population civile est imbriquée avec les combattants, à cause même du siège qui bloque une ville ou un territoire précisément mesuré. Les civils subissent les attaques des assaillants au même titre que les combattants, et en plus ces attaques sont souvent aveugles, car constituées de jets de projectiles au hasard dans le territoire assiégé. Aujourd’hui la technologie permet de préciser les jets d’armes explosives, mais cela n’épargne pas les civils — qui restent mélangés avec les combattants. On se trouve donc dans une situation très différente de celle d’une bataille rangée entre deux armées, en rase campagne, sans que les civils s’en mêlent. À noter que le siège est une opération qui peut éveiller chez nous Français des souvenirs inconscients, puisque celui d’Alésia est un des événements constitutifs de la mémoire collective de la nation française. Pour revenir au cas précis de Gaza, on se trouve dans une situation encore plus particulière : la population civile, naturellement victime, est imbriquée avec des combattants appartenant à une organisation unanimement crainte, voire rejetée, dans le monde : le Hamas est perçu comme un foyer de renaissance éventuelle du terrorisme islamique, et donc sa destruction par Tsahal serait ressenti comme un soulagement par beaucoup, les morts civils étant le prix à payer pour aboutir à cette destruction.

Le MAGue : Les Palestiniens de Gaza auront-ils un autre choix que celui de mourir les armes à la main ?

François Balland : Des assiégés se trouvent généralement devant trois devenirs : la destruction par l’assiégeant, la capitulation, la tentative de fuite. La fuite hors de Gaza en Égypte supposerait que le gouvernement du Caire accepte la présence du Hamas sur son sol, ce qui est fort improbable. La fuite par la mer, après un
cessez-le-feu, sur des navires de pays tiers, comme ceux de la France, pose deux nouveaux problèmes : d’abord Israël devrait alors reconnaître qu’il ne maîtrise plus le trafic maritime avec Gaza, ensuite et surtout si cette évacuation devait être limitée aux civils, comment faire la distinction avec des combattants du Hamas qui souvent n’ont pas d’uniformes ? Cela rappelle le problème de l’évacuation de Beyrouth par l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), en 1982-83 sur des navires en partie français. Il reste alors l’option de la capitulation : victoire a priori pour Israël, mais en fait un cadeau empoisonné, car que faire des combattants du Hamas ? Les emprisonner à vie, avec tous les risques de représailles que cela engendre ? On est bien là dans une situation différente de celle de la capitulation de von Paulus à Stalingrad début 1943. Cette capitulation était tout bénéfice pour Staline et l’URSS, et le début de la fin pour l’Allemagne hitlérienne. Une capitulation du Hamas ne serait qu’un répit plein d’embûches pour Israël.

Le MAGue : Les miliciens du Hamas apparaissant assiégés dans Gaza, pourquoi Tsahal hésite-t-elle à investir les lieux ?

François Balland : C’est la question du seuil tacite à ne pas dépasser dans les guerres contemporaines. Déjà lors de la guerre de Corée, des Américains ont évoqué l’utilisation de l’arme atomique pour gagner rapidement et nettement la guerre. Lors de la guerre du Vietnam ensuite, le même débat eut lieu : pourquoi ne pas atomiser Hanoï, ou bien au moins bombarder le Nord Vietnam avec des gaz, ou avec des armes conventionnelles si massivement utilisées que Hanoï aurait dû demander grâce ? Utiliser un armement disproportionné contre un ennemi évidemment plus faible se retournerait moralement contre l’utilisateur, et cela légitimerait toutes les réactions dans le monde, même les plus violentes. Si Israël écrase Gaza sous les chars, il n’est plus en position d’autodéfense face aux provocations du Hamas, il devient la brute méchante qui profite de sa supériorité pour détruire le faible.

Le MAGue : Les parties en conflit en viendront-elles à une éventuelle issue à une paix des braves et un règlement négocié ?

François Balland : Certes la diplomatie française, celle de l’Union Européenne, celle du Vatican, ont des rôles à jouer pour trouver une issue à ce conflit. Mais il semble qu’une sortie de crise dépende davantage des trois facteurs politiques suivants : une soumission du Hamas à l’Autorité palestinienne, le résultats des élections en Israël et la formation d’un nouveau gouvernement. Les prises de position de Barack Obama sur la question auront surtout un impact important. La grande hantise d’Israël vis-à-vis des États-Unis a toujours été de voir arriver un président non pas anti-israëlien, mais indifférent quant aux problèmes d’Israël. Or Barack Obama, président en exercice le 20 janvier prochain, n’a pas encore défini de position claire !

 

 


Des morts et des blessés dans ce carré de terre
Sont encore à la une et l’on n’y comprend rien,
La guerre est bien l’issue au penchant vénérien
De l’homme et de son vice, au mieux sectaire !

S’il faut que tout se tienne en plus à ce critère,
Tel jour de fête aura bon goût pour tout terrien
Pour qu’il s’ouvre à la vie en ce froid sibérien,
Et notre an neuf lui donne un curieux caractère.

Ils sont venus aux mains pour un bout de terrain
Qui ne vaut pas grand-chose avec la loi d’airain
Du marché qui s’écroule en minant les affaires !

Leur ruine a fait grand bruit sauf pour le pèlerin
Qui n’a que faire avec des champs carbonifères,
Ils vont pouvoir se battre au fond d’un souterrain.