La Communauté juive est prise au Piège avec l’Affaire Madoff

La Communauté juive est prise au Piège avec l'Affaire Madoff

La prochaine victime de l’escroquerie de Bernard Madoff ne sera sans doute pas telle ou telle personnalité fortunée, mais bel et bien l’homme de la rue, vous ou moi ! La communauté juive dénonce un regain d’antisémitisme en raison de l’appartenance de son auteur et d’un grand nombre de ses clients floués à la religion juive, et tout le monde est confronté à ce poison.

Avec le formidable scandale engendré par la carambouille de Bernard Madoff, des représentants de la communauté juive ont fait part de leur crainte de voir fleurir à nouveau tous les clichés de l’antisémitisme, cette fois-ci colportés par les nouvelles technologies de l’information. Le directeur exécutif du Comité juif américain (AJC), David Harris, a critiqué l’accent frappant mis sur la religion de Bernard Madoff. L’affaire est du pain béni pour les fanatiques, estime pour sa part Abraham Foxman, directeur national de la Ligue Anti-Diffamation (ADL) dans un entretien à l’Associated Press : c’est embarrassant et douloureux.

L’ADL fait état de son côté d’une hausse des commentaires antisémites sur Internet après l’arrestation, le 11 décembre dernier de Bernard Madoff. Le scandale exauce les vœux de tout antisémite, déplore un chroniqueur du quotidien israélien Haaretz. Depuis que les juifs ont occupé la fonction de prêteurs dans l’Europe médiévale, où ils n’avaient pas le droit d’exercer de nombreux autres métiers, ils ont souvent été caricaturés sous les traits de personnes avares, cupides et obsédées par l’argent.

Dans une lettre envoyée au Times au sujet d’un article sur Bernard Madoff, David Harris écrit : oui, il est juif. Nous l’avons compris. Mais cela avait-il un lien avec le fait qu’il ait été arrêté pour avoir dupé des investisseurs ou est-ce si important dans son parcours d’homme d’affaires que cela doive être répété sans arrêt ? Dans un communiqué publié mercredi, le Conseil rabbinique d’Amérique souligne qu’il n’y a pas de raison de penser qu’un comportement aussi terrible est plus répandu chez les juifs.

En réalité, de nombreux juifs et organisations de la communauté israélite ont perdu de l’argent dans la vaste fraude pyramidale présumée. 600 millions de dollars sont partis en fumée en Israël, et en plus d’institutions financières de Tel Aviv, une myriade d’associations éducatives et caritatives subventionnées par de généreux donateurs américains ont subi des pertes de plusieurs centaines de millions de dollars qui vont lourdement grever leur budget dans les prochains mois. L’addition est particulièrement salée pour Hadassah, une puissante association féminine qui gère 2 importants hôpitaux à Jérusalem, qui a vu s’évaporer 90 millions de dollars. Quelque 70 autres institutions, universités, collèges qui recevaient des dons gérés eux aussi en partie par l’ancien patron du Nasdaq devraient être touchés dans les prochains mois.

Parmi les autres institutions frappées figure le Technion, l’équivalent israélien de Polytechnique, qui a essuyé des pertes de plus de 8 millions de dollars. Plus grave, les fonds d’investissement détenus par l’American Technion Society, l’association de soutien à cet institut prestigieux, qui étaient contrôlés par Bernard Madoff… Ils ont perdu 72 millions de dollars. Cette association a fourni depuis plus de 60 ans 1,3 milliard de dollars au Technion.

Mais la figure emblématique des victimes de Bernard Madoff demeure la Fondation Élie Wiesel pour l’Humanité, qui a annoncé avoir perdu la quasi-totalité de ses avoirs : 15,2 millions de dollars ! Cette fondation philanthropique a perpétué la mémoire de la Shoah, sensibilisé à l’antisémitisme, notamment auprès des jeunes, en organisant des débats, des concours et des conférences internationales, avec de brillants intervenants : historiens, rescapés, etc.

Les journaux américains rapportent qu’il y a 10 ans, Deborah Colin avait confié 8 millions de dollars à Bernard Madoff pour créer une fondation destinée à soutenir des œuvres juives. Elle a réalisé le 12 décembre que sa fondation n’existait pas ! Toujours selon la presse américaine, les organisations religieuses juives de New-York et les organisations de retraite juives de Floride ont été lourdement flouées. Cet escroc, qui montrait sa silhouette coiffée d’une kippa dans les synagogues pour appâter ses proies, avait démarré sa carrière, en engageant 5.000 dollars gagnées sur les plages de Long Island dans la création d’une société d’investissement dans les années soixante.

Intelligent, féru d’informatique, le jeune juif américain du Queens connaît alors une rare ascension. Président du Nasdaq au début des années quatre-vingr-dix, il devient une légende de Wall Street. Selon le New York Times, Bernard Madoff y était considéré comme un messie après avoir inventé de nouvelles méthodes bon marché pour acheter et négocier des actions. Dans la vie publique, il était le discret membre de clubs de golf très selects à Long Island et en Floride, et généreux donateur pour le Parti démocrate, la communauté juive, les associations d’aide aux malades, ou encore les théâtres de Broadway…

Pas sûr que les petits épargnants français aient un quelconque reproche à formuler à l’endroit de Bernard Madoff… La fraude gigantesque organisée grâce à son génie au 17ème étage d’un immeuble de Manhattan a un côté bluffant qui en a épaté plus d’un, prêt à lui pardonner d’avoir participé à l’érosion de son pouvoir d’achat dans les mois à venir. Car la désinvolture avec laquelle cet escroc de haut vol a berné tous les banquiers de la planète le rend sympathique.

 

 


Ce scandale est plus grand qu’ils ne l’ont redouté
Tant les escrocs et les gens biens ont la dent dure
Et l’on craint comme effet de voir fleurir l’ordure
Fuir dans l’encre et partout sans doute avec fierté.

Dès lors qu’on veut montrer du doigt dans la cité
Avec la crise ici ce qu’un pauvre homme endure,
De bas instincts l’ont pris de franchir la bordure :
Les juifs errants sont morts dans le camp d’à côté.

Quand le larron n’a fait que soustraire à ses frères
Tous ces bons qui ont tant fait parler les confrères,
Faut-il qu’on tourne encore en plus autour du pot ?

Non : c’est sans fin qu’il faut en accepter l’augure,
Car un bouc émissaire est vain pour notre impôt,
Mais celui-ci en somme est vraiment d’envergure !

 


Avec AFP, Reuters, Pif-Gadget et Le Journal de Tintin.