A la verticale de la Suisse

A la verticale de la Suisse

En ces temps de crise, profitez d’un franc suisse dévalué par rapport à l’euro et offrez-vous des vacances de Noël dans l’un des plus beaux pays de montagnes à moins de deux heures d’avion. Souvent mal connu et coincé dans des clichés, le panorama suisse est l’un des plus riches et des plus variés d’Europe. Pour vous en convaincre, un très très bel album qui vous démontrera, en 400 photos, que la verticalité prononcée des montagnes, les bucoliques vallées et les paisibles étendues ponctuées de multiples lacs valent bien un détour …

Premières pages, premières émotions – un classique chez White Star dont les albums vous cueillent toujours dès l’ouverture par des photos doubles pages – page 4-5 avec le sommet enneigé du plus célèbre pic de l’Oberland bernois, le Jungfrau (4158 m), puis page 6-7 avec la cathédrale gothique Saint-Nicolas qui s’élève dans le paysage architectural dense et linéaire de la ville de Fribourg, page 8-9 par le splendide lac entouré de montagnes de Saint-Moritz …
Puis la page 11 vous montre le magnifique château de Gruyères, bourg médiéval fondé au XIe siècle, suivie par le page 13 et le versant ouest du Cervin illuminé par un coucher de soleil …
Vous êtes prévenus : vous entrez dans le sublime, à la découverte d’un pays d’une rare beauté, d’un calme et d’une sérénité exemplaires.

Commenté par Bertrand Piccard, pionnier du vol libre – il fut en 1999, avec le britannique Brian Jones, le premier a effectuer un tour du monde en ballon sans escale – et Erwin Dettling, écrivain originaire de la Suisse centrale, actuellement correspondant de presse à l’étranger, cet ouvrage allie l’art de la mise en page à des images à couper le souffle, pour vous inciter à ne plus jamais voir un paysage sous le même angle. En tournant les pages vous êtes déjà ailleurs, vous êtes en voyage parti découvrir ce qui se cache derrière les apparences.
Comprendre que la Suisse n’est pas qu’un petit pays de montagnards mais qu’elle a su, depuis le XIXe siècle, se développer en ouvrant des voies auxquelles personnes n’avait encore pensé. Avec à sa tête, le premier d’entre eux, Henry Dunant, qui fonda le Comité International de la Croix-Rouge et inventa l’action humanitaire tout en propulsant la Confédération helvétique sur la scène internationale. La Suisse – et sa neutralité – appelées au secours dans tous les coins du globe, devinrent rapidement un partenaire incontournable de toutes les parties en conflit. Ainsi, les bons Offices politiques, la Genève internationale avec la Société des Nations en premier lieu, puis l’un des sièges européens des Nations Unies et de tant d’autres institutions internationales n’en furent que les conséquences logiques.

Des habitants impliqués dans les affaires du monde, donc, mais néanmoins farouches défenseurs de leur liberté : les Suisses refusèrent d’être Français, Prussiens, Autrichiens, Italiens et allèrent jusqu’à créer leur propre nation et imposer cet esprit de tolérance qui permis le regroupement des minorités linguistiques et religieuses. Tout un art du compromis …
Sachant se jouer des obstacles naturels et en tirer bénéfices (barrages hydroélectriques, voies de communication, sécurité) la Suisse a aussi participé à la marche en avant du monde dans des domaines aussi variés que l’éducation, la recherche et l’innovation.

Un pays que l’on vous invite ici à découvrir depuis le ciel car cette nouvelle perspective (voir en trois dimensions au lieu de deux) ouvre une vision nouvelle : révéler et dissimuler en même temps. Ces photos dévoilent champs et routes, glaciers et névés, maisons et châteaux ; mais elles peuvent aussi cacher l’histoire du site.
Mais si l’on se penche attentivement sur ces photos-là, il est possible de lire les paysages comme l’on déchiffrerait un portrait … Prenez la forteresse de Chillon, accrochée sur un îlot du lac Léman, non loin de Montreux (photo de la couverture) : elle se caractérise par ses cinq cours intérieures que domine un puissant donjon haut de vingt-cinq mètres. Imaginez la vie avant l’instauration de la Confédération fondée en 1848 …
Un système politique fédéral qui limite les pouvoirs centraux de l’Etat et imposent une organisation gérée par les organismes de base, commune et villes.

Ces images montrent une Suisse atemporelle, des centres historiques inaltérés aux neiges éternelles du mont Rose, mais aussi les divers visages de la Swiss Metro en projet, l’urbanisation galopante qui phagocyte le pays en se glissant entre les restes de forêts isolées et les nouveaux échangeurs autoroutiers, irradiant autour des grands centres commerciaux …
Mais la Suisse est avant tout la reine des Alpes avec plus de 48 sommets qui culminent à plus de 4000 mètres ; sans parler des 1800 glaciers qui recouvrent plus de 1200 kilomètres carrés. En majesté, le Cervin, le mont mythique le plus photographié (p. 41).

Mais la Suisse, c’est aussi des villes historiques – Zurich, Bâle, Genève … – qui abritent un tiers de la population. Un voyage en photos, de la cathédrale Saint-Pierre, à Genève (p. 190) au palais des Nations ; avec l’extraordinaire Kapellbrücke de Lucerne, ce pont couvert, en bois, qui fut construit en 1333, et orné de cent douze peintures, a été détruit par un incendie dans la nuit du 17 au 18 août 1993 ; mais huit mois plus tard il été reconstruit à l’identique (p. 214-215). La très belle cathédrale de Fribourg (prise en contre-jour en fin de journée) située au cœur des terres protestantes, ville jumelle de Berne car également fondée par les Zähringen en 1157 (p. 219).

Et pour finir en beauté ce voyage, les doux paysages de la Suisse vous rappellent que si l’on explore ce petit pays du Tessein jusqu’à Bâle, on peut respirer en Ascona des parfums subtropicaux, avant que le fœhn, ce vent chaud, ne vienne siffler à vos oreilles dans les vallées alpestres du canton d’Uri. Une fragilité et des couleurs que les clichés rendent à merveille … Les vignobles près de Sierre (p. 254) ou les collines près de Martigny dessinent des arabesques qui se teintent de bronze et d’or en automne. Les paysages en terrasse du Valais s’illuminent alors le temps des vendanges … Le Jura, qui a généré un paysage de type nordique, se découvre entre les strates de brouillard qui font apparaître des forêts de sapins entrecoupées de clairières où se sont installées de petites agglomérations.
Côté italien, l’incontournable lac Majeur avec les îles de Brissago où se dresse un luxueux palais, la Villa Emden, qui abrite un jardin botanique : une pure merveille ! Tout aussi incroyable, la série de photos (p. 314) sur les routes de montagnes aux tracés des virages qui montent vers les cols dans des succession de lacets très rapprochés : col de Maloja, col du Saint-Bernard, col du Grimsel …
Et les très belles demeures du canton de Vaud, en bord de lac, à Prangins (p. 370) où le domaine impérial acquis par le prince Jérôme Bonaparte en 1859 qui accueille aujourd’hui l’un des 91 terrains de golf de Suisse. Ou encore à Dully, près de Nyon, qui présente une luxueuse résidence de campagne art-déco … ou Gstaad sous la neige … ou Davos au printemps …

Vue du ciel, la Suisse respire une harmonie, de ses paysages ruraux ordonnés à la façon d’un parc, à ses forêts ou ses pics vertigineux, voire ses villes médiévales ; mais de plus prés la donne change. Un paradoxe que ce petit pays a su transcender pour que l’enchantement soit toujours au rendez-vous.

Erwin Dettling, Suisse, coll. "émotions du ciel", 400 photographies couleur d’Antonio Attini, préface de Bertrand Piccard, 285 x 335, relié sous jaquette, Editions White Star, novembre 2008, 408 p. – 38,00 €