On n’a pas fait mieux à la Télé depuis l’ORTF

On n'a pas fait mieux à la Télé depuis l'ORTF

Le projet de loi sur l’Audiovisuel ne sera pas adopté en temps et en heure, la guerre de tranchées des députés de l’opposition ne permettant plus de mettre l’ensemble des dispositions en œuvre pour le 5 janvier 2009. Les élus du peuple n’ont voté jeudi en fin d’après-midi que 8 des 56 articles de ce texte, incluant la nomination des présidents de télévision et de radio publiques par le président de la République en Conseil des Ministres. Mais le gouvernement pourrait utiliser l’arme réglementaire afin de supprimer la publicité sur l’audiovisuel public dans les temps.

La Caméra explore le Temps est devenue une émission culte du temps de l’ORTF, et les téléspectateurs auront donc bien l’impression d’avoir fait machine arrière après le gui l’an neuf ! Les directeurs des chaînes privées aussi se cassent la tête afin d’ajuster leurs programmes sur la nouvelle donne publicitaire, tandis que tout le monde en aura fini de l’hypocrisie de l’indépendance de la télévision publique, suite au rapport Marceau Long, adopté le 27 février 1974 par le gouvernement Chirac, et souhaitée par le récemment défunt Georges Pompidou…

La grande question du redressement des audiences des chaînes de France Télévision est de nouveau posée, mais en d’autres termes, alors que l’entreprise publique sera privée de publicité, comme c’était le cas avant le 1er octobre 1968… Saura-t-elle fédérer les téléspectateurs autour de ses émissions, comme ce fut le cas pour Les Dossiers de l’Écran ou Thierry la Fronde, cher à Nicolas Sarkozy ? Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, ceux qui les ont regardées s’en souviennent encore avec émotion.

La télévision française a été inventée par de talentueux bateleurs au service des pouvoirs publics, mais toujours soucieux de plaire aux Français. Georges de Caunes, Pierre Sabbagh, Catherine Langeais, Guy Lux, Pierre Desgraupes, mais aussi Denise Fabre, Noël Mammère et Dominique Baudis nous ont émus, ravis, fait rire, et en tout cas divertis pendant 30 ans aux frais du contribuable, et ils n’ont pas démérité. Les émissions qu’ils ont animées nous sont encore en mémoire, et même les plus jeunes d’entre nous en ont entendu parler !

Car enfin, quelle différence y a-t-il entre La Tête et les Jambes et Qui veut gagner des Millions ? Les paillettes et les budgets indécents mis à part, le canevas demeure et si les participants ne s’appellent plus Laurent Fabius, ils sont tout de même avides d’un succès national, et ceux dont nous avons déjà oublié les noms réapparaîtront bientôt sur d’autres programmes, avec un talent qui ne nous laissera pas indifférent. Certaines émissions ne parviennent d’ailleurs pas à quitter nos écrans, telle Intervilles avec ces fameuses courses de vachettes landaises.

L’opposition dénonce un coup d’État audiovisuel et l’Office de Radiodiffusion Sarkozyenne… Le seul à devoir s’en mordre les doigts est peut-être Patrick Poivre d’Arvor, mais s’il est juste trop jeune pour avoir fait partie de ces Grands Anciens de la télévision, sa pérennité derrière les étranges lucarnes le doit à un contorsionnisme courtisan que les jeunes loups ont déjà éprouvé quelle que soit la chaîne et son statut, car c’est une grande réalité humaine. Les rumeurs qui ont couru au sujet de la personne qui l’a remplacé ont trouvé des oreilles indulgentes, et qu’elles soient fausses ou non, leur succès sont un indice de la confiance des téléspectateurs dans l’indépendance d’esprit des patrons de chaîne.

Quoi qu’il en soit, leur problème récurrent et quotidien demeure l’audience. Les successeurs des fondateurs de la télévision publique ont eux, affaire à la concurrence, mais celle-ci n’est pas mieux lotie qu’avant. Les programmes sont regardés lorsqu’ils sont bons, n’en déplaise à ceux qui tentent en désespoir de cause de faire renaître Au Théâtre ce Soir de ses cendres… L’argent de la publicité a tout juste étouffé la création française, et le recyclage permanent des séries américaines a remplacé Les Saintes chéries et Les Chevaliers du Ciel ou Belphégor, qui demeurent à jamais dans les anales de la télévision.

Les difficultés financières devant lesquelles se trouve à présent l’audiovisuel public est donc de bon augure, et les présidents de chaîne auront d’autant plus l’œil sur les revenus de la redevance que les écrans de télévision font de plus en plus place à ceux des ordinateurs. Ils auront désormais plus le souci de plaire au public qu’aux annonceurs, et se trouveront dorénavant pieds et poings liés par le pouvoir. Les polémiques au sujet de la pertinence d’un Julien Courbet ne passeront plus au-dessus de la tête des téléspectateurs, et Christine Albanel n’aura plus besoin de faire semblant de s’émouvoir de sa prestation : il lui suffira de donner un coup de fil. À moins que ce ne soit déjà le cas ?

 

 


C’était au temps de mon enfance et la télé
Avait un écran noir et blanc assez austère,
Mais il donnait aussi du prix à ce mystère
De l’image immédiate au but très contrôlé.

Après, les rois du stade ont eu le teint hâlé
Et il fallait donner aux traits un caractère
Bien plus alerte et plus au fait publicitaire,
Nous avons donc perdu notre écran étoilé !

Et la couleur a tout changé dans notre vie,
Les émissions n’ont plus collé à notre envie
De rêve à voir, et sans avoir le goût du vrai.

Quand le chef de l’État veut la télé d’avant,
Je le comprends, car moi aussi je suis navré
De ce spectacle idiot, hardi, et plein de vent.