Pourquoi le Chômage augmente en France et baisse en Allemagne

Pourquoi le Chômage augmente en France et baisse en Allemagne

Le chômage a augmenté de 2,4% au mois d’octobre, et le nombre de demandeurs d’emploi est passé au-dessus du seuil symbolique des 2 millions. La courbe du chômage est donc remontée au niveau où elle se situait dans les dernières semaines de la campagne présidentielle de l’année dernière : une pierre dans le jardin de celui qui nous proposait de travailler plus !

Ces chiffres sont surtout inquiétants pour l’économie française parce que le chômage continue sa décrue en Allemagne, notre principal partenaire… En novembre, le marché du travail allemand a montré une résistance supérieure aux prévisions des économistes. Le taux de chômage brut y est passé à 7,1%, contre 7,2% le mois dernier, et le nombre de chômeurs s’est établi à 2,988 millions à la fin du mois. Selon les statistiques de la Bundesbank, le nombre total des chômeurs en données corrigées des variations saisonnières, qui a baissé de plus d’un tiers depuis début 2005, a atteint son niveau le plus bas depuis décembre 1992.

Pour la France, l’OCDE avait prédit au début de cette semaine que le taux de chômage devrait atteindre 7,5% de la population active à la fin de l’année, 8,2% en 2009 et 8,7% en 2010, contre 7,2% au deuxième trimestre 2008. La tendance est en complète inversion par rapport à l’Allemagne, qui s’oppose en tout point aux options mises en avant par le gouvernement Fillon. Qu’il s’agisse de la mise en commun des ressources et des plans pour faire face à la crise, de la monnaie commune, de la gestion des déficits publics ou de la fiscalité, Angela Merkel n’a jamais caché tout ce qui la sépare de Nicolas Sarkozy. Les chiffres paraissent lui donner raison.

Dans les faits, l’Élysée n’est pas franchement hostile à la politique menée par le gouvernement de coalition allemand. Le président de la République y a sans doute remarqué la réelle possibilité de gouverner avec des adversaires politiques, une opportunité que son prédécesseur n’a saisi que contraint et forcé en 1997. Ce qui l’a privé d’un consensus suffisant ensuite, après la formation du premier gouvernement Raffarin. Comme en Allemagne cependant, les points de vue économiques des deux grands partis de gouvernement ne sont pas très éloignés.

La pression mise en France par les pouvoirs publics sur les chômeurs a été accentuée par le gouvernement Fillon. Ses fondamentaux sont directement inspirés par la politique du social-démocrate Gerhard Schröder alors qu’il était aux affaires, mais la chancelière et adversaire qui lui a succédé, ne les ont pas remis en cause. Par exemple, un chômeur refusant plus de trois offres se voit amputé de 50% la première tranche, puis 40% et enfin du solde. L’initiateur et le représentant de la grande réforme du traitement du chômage est Peter Hartz, par ailleurs ancien patron de l’entreprise Volkswagen. Il est à présent pris dans le tourbillon d’un scandale de corruption.

Le plan Hartz IV, qui a apporté pauvreté, précarité et diminution des droits fondamentaux de millions de chômeurs, a montré ses limites après avoir offert à l’économie allemande une main d’œuvre docile et corvéable à merci. Des chercheurs ont démontré à quel point le calcul du besoin vital d’un allocataire Hartz IV est éloigné de la réalité de la vie. Dans les entreprises et les administrations, les salariés sont confrontés au fait que les employeurs se servent délibérément de la peur de devoir vivre avec le Harz IV pour imposer des baisses de salaire et la démolition sociale. Comme en France avec le RMI ou maintenant le RSA, le sigle Harz IV fait partie du langage courant, tel un spectre au nom barbare…

En Allemagne et pendant 10 ans, les salariés ont fait sans cesse l’expérience que la mondialisation de la production a transformé de fond en comble le contexte politique et qu’elle a coupé l’herbe sous les pieds de la politique de consensus social. Si la rigueur acceptée par les gens a permis de retrouver la compétitivité, le climat social a basculé. Les conducteurs de train ont l’année dernière engagé des grèves d’avertissement, les plus dures depuis 15 ans, et menées par un syndicat résolu qui réclame 30% de plus sur la feuille de paie.

Dans le privé, les organisations de la métallurgie, de la chimie et du commerce ont déjà arraché des hausses de salaire substantielles. Les petits boulots que les réformes de Gerhard Schröder ont générés ont également créé de nouveaux pauvres, ce qui choque en Allemagne, où le souvenir des années trente est toujours vif et provoque un large débat. C’est pourquoi l’Agenda 2010, ce corpus réformateur mis en place en 2003 par Gerhard Schröder, est mis en pièces, morceau par morceau, aussi bien par le Parti social-démocrate (SPD) que par la droite chrétienne (CDU), dans un mouvement d’ensemble.

Des projets sont dans les cartons à Berlin, qui visent à l’allongement de la durée de versement des allocations de chômage et à des correctifs sur la retraite à 67 ans, qui vont à l’encontre de l’objectif de hausse du nombre de salariés âgés… En France, nos dirigeants ont encore un train de retard. Ils songent encore à déréglementer, à privatiser, tandis que les Allemands ont déjà compris que l’État devait avant tout conserver un rôle de gendarme et de régulateur des grands équilibres économiques et sociaux. Quand les membres du gouvernement français cherchent à se cacher derrière leur petit doigt pour feindre la surprise ou la déception face aux mauvais résultats, la grande coalition allemande avance à pas résolus vers l’avenir. Et c’est tout ce qui les sépare.

 

 


Le nombre des chômeurs n’est pas une surprise
Pour les pouvoirs publics et ceux qui ont appris
Leur tout récent revers de fortune ont compris
Qu’un tel fiasco n’a pas trop lâché son emprise.


S’ils font tous le dos rond en rêvant de reprise,
Ils vont vouloir garder cette affaire à tout prix :
Le chômage a de bien qu’il les tient au mépris
De faire un peu de place au sein de l’entreprise.


Ceux qui sont à la rue ont eu pour choix de voir
Ailleurs un bon travail, et n’ont plus ce pouvoir
Depuis la crise ; ils font avec la mort dans l’âme.


Ceux qui ont de la chance ont dû payer pour eux
Pendant que des patrons diserts font leur réclame
Mais ce système, en fin de compte, est onéreux !