Mon soutien à Eunice Barber

Mon soutien à Eunice Barber

Mon amie Eunice Barber m’a appelé hier pour me dire qu’elle comparaissait mercredi 26 novembre à 9 heures du matin devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour outrage à agent de la force publique et rebellion. Cela m’a un peu étonné car j’avais le souvenir que c’était Eunice Barber la victime et non pas la coupable. Eunice Barber est née il y a tout juste 34 ans en Sierra Leone. Elle est championne olympique (heptathlon et saut en longueur). À l’âge de dix-huit ans, elle est venue vivre et s’entraîner en France.

La nationalité lui a été accordée en 1999. Sept ans plus tard, sa vie a basculé. C’était le samedi 18 mars 2006 à Saint-Denis. Eunice se rendait chez le coiffeur en voiture. En face, un barrage de police. Ensuite, deux versions. Celle des policiers : Eunice Barber est une dangereuse furie qui les a agressés. Elle aurait mordu l’un d’entre eux. Pourquoi les aurait-elle agressés ? Mystère. Pourquoi les aurait-elle mordus ? Sûrement pas pour essayer de défendre sa vie face à des violences policières racistes, mais parce que c’est une "négresse", voyons ! Chacun sait que les "négresses" mordent, comme les animaux. Eunice Barber serait un animal féroce. Eunice Barber soutient, elle, que les policiers l’ont sans raison tirée de sa voiture et molestée, piétinée, giflée, tirée par les cheveux, au motif de la couleur de sa peau.

« Tu as de la chance qu’il y ait du monde, sinon on pourrait te faire pire ! » lui auraient-ils lancé, même après avoir reconnu sa qualité d’athlète. Je connais Eunice. C’est une jeune femme très calme et très posée. J’ai eu l’occasion de la rencontrer par un ami guadeloupéen, Molière Athalys, qui lui donne des cours de chant classique, ce qui montre qu’elle ne s’intéresse pas qu’à l’athlétisme. Peu de temps après l’incident, nous nous sommes vus.

Ses poignets étaient tailladés par la trace des menottes des policiers, ce qui m’a fait frémir d’horreur. Oui tailladés, je suis témoin. Eunice était traumatisée à jamais. Elle m’a dit : « Ce jour-là, j’ai appris par la police que j’étais « notre ». Avant, je ne m’étais jamais posé une question pareille. » Les blessures occasionnées par ces violences ont sérieusement compromis sa carrière au point qu’elle n’a pu se qualifier pour les JO de Pékin. Elle a toutefois remis les pendules à l’heure en déclarant que la France, pays "où l’on torture des noirs et des arabes", n’a pas de "leçons à donner" en matière de respect des droits de l’homme aux autorités chinoises.

La plainte déposée par Eunice pour les brutalités subies n’a pas été retenue. En revanche, les policiers ont obtenu de la faire comparaître devant le tribunal correctionnel. Et pourquoi la version des policiers a-t-elle été suivie ? Parce qu’ils étaient neuf. Oui, neuf hommes. Plus de 600 kg écrasant une femme, lui tordant les poignets. Fût-elle une athlète, le jeu n’était pas égal. Comment peut-on m’expliquer qu’on puisse traiter une femme ainsi, quoi qu’elle ait dit, quoi qu’elle ait fait ? Comment peut-on m’expliquer qu’après une pareille scène, ce soit elle qui comparaisse devant le tribunal ?

Qu’on en juge par la vidéo de l’arrestation d’Eunice.

Faisons confiance à la justice : Il y a des gens d’honneur parmi les policiers. Parmi les magistrats aussi, bien sûr. Mais soutenons Eunice Barber dans cette nouvelle épreuve !

Ah, j’oubliais : Molière Athalys, le professeur de chant d’Eunice, a été un jour, lui aussi, sans raison aucune, embarqué dans un commissariat, molesté, insulté, humilié. Voyez, que ça n’arrive pas qu’aux athlètes...

http://www.claude-ribbe.com