Alerte rouge... ou brune...

Alerte rouge... ou brune...

Chers tous,

Je vous adresse, en bas de ces quelques lignes, le lien vers les premières pages du cahier des charges de l’improbable appel d’offres que viennent d’émettre nos délicieux ministères de l’éducation nationale d’une part, de l’enseignement supérieur et de la recherche d’autre part. De bien belles institutions ma foi, destinées à éveiller nos curiosités et éclairer nos sombres esprits. Force est de constater qu’en la matière notre gouvernement déploie un talent et des méthodes aux délicieux relents de tabac brun... Mais sans le tabac, cherchez l’erreur...

Car l’objet de cet appel d’offres s’intitule très simplement "Veille de l’opinion". Réfléchissez-bien au choix de cette formule : veille, comme pour surveiller, évidemment... mais aussi comme mettre en veille, bref éteindre, chuuuut, silence, que personne ne bouge, que personne ne parle, je veux pas voir une tête dépasser...

Parmi les objectifs de l’appel d’offres, les candidats devront notamment faire l’effort de :
"repérer les leaders d’opinion, les lanceurs d’alerte, leur potentiel d’influence et leur capacité à se constituer en réseau".
"repérer les informations signifiantes (particulièrement les signaux faibles)".
puis il est expliqué que "les informations signifiantes pertinentes sont celles qui préfigurent un débat, un "risque d’opinion"".

Tout le monde est visé : sites commentateurs, sites d’actualités, médias, partis, portails, sites associatifs, blogs, pages persos, appels à pétition, mais aussi les sources formelles, agences, organes de presse...
Repérer les leaders, les lanceurs d’alerte, il faut pas se leurrer, ça fait partie des activités traditionnelles d’un gouvernement, même si celui-ci avait franchi un cap avec son fichier Edvige dont bien sûr on ne parle plus ("mais puisqu’on vous dit qu’on va pas le faire..."). On atteint des nouveaux sommets quand on commence à s’inquiéter de l’idée même qu’il puisse y avoir débat (c’est peut-être pour ça qu’il n’y en a ni au gouvernement, ni à l’UMP), ou plus encore quand on parle d’un "risque d’opinion". Ils ont dû se rendre compte eux-mêmes de leur degré de ridicule, puisque ce sont les auteurs qui ont mis les guillemets. On pouvait déjà craindre pour la liberté d’expression, maintenant c’est presque un délit d’avoir une idée. On n’est bientôt plus seulement interdit de parler, nous voilà interdit de penser...

Je déteste cette brune contagion qui amène notre tendre gouvernement à se lancer dans une surveillance aussi étroite de ce qu’il nous reste de liberté d’opinion.
Je déteste bien plus encore les candidats à cette appel d’offres, prêts pour rafler la mise à venir surveiller la parole de leurs concitoyens, à venir vomir sur les organes d’expression vaguement indépendants, à venir cracher sur ceux qui commettraient le crime infamant d’avoir "une opinion". Je vomis en retour sur cette milice du net dont les collègues ont déjà dû repérer certains de mes écrits. Je vomis sur cette logique du résultat, elle aussi présente dans l’appel, pusiqu’on demande aux concurrents de chiffrer le retour sur investissement. Question : comment chiffrer ce retour quand l’investissement consiste à fliquer, interdire, surveiller ? En baisse du nombre des contestations, des jours de grève ? En part d’audimat de TF1 ? En indice de popularité du Président ? Mystère...

Le tout commandité par nos ministères de l’éducation et de la recherche... ou comment formater notre matière grise...

J’ai reçu cette semaine une alerte du même genre, mais sur un autre registre, intitulée "nos enfants nous accuseront"... Un documentaire à suivre... Personnellement je n’ai pas d’enfants... Mais faites attention aux vôtres...

et dormez, dormez, je le veux...

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