Patrick Ollier : "Jacques Mesrine n’est pas un héros populaire" !

Patrick Ollier : "Jacques Mesrine n'est pas un héros populaire" !

L’ancien président de l’Assemblée nationale Patrick Ollier fait partie de ceux qui ont eu affaire à Jacques Mesrine, après son évasion de la prison de la Santé le 8 mai 1978 et jusqu’à sa mort le 2 novembre 1979 Porte de Clignancourt, au cours d’une fusillade qui a mis fin à la traque de l’ennemi public n°1. Conseiller technique auprès du ministre de la Justice Alain Peyrefitte à l’époque de la traque du gangster, l’élu du peuple a bien voulu faire le point sur le personnage controversé qui, 30 ans plus tard, fait de nouveau la Une dans la presse. Il livre aux lecteurs du journal Le MAGue son sentiment sur un mythe popularisé par le cinéma :

Le MAGue : Le type du voyou au grand cœur connaît un grand succès grâce au roman populaire, puis grâce au cinéma grand public, mais a-t-il une réalité ?

Patrick Ollier : Je comprends qu’on puisse prendre des personnages tels que Cartouche ou Robin des Bois pour exemple… Ils étaient des bandits de grands chemins, qui ont pour particularité de distribuer le produit de leurs vols aux déshérités, aux plus démunis. Ils ont eu un rôle social, en transformant le mal qu’ils ont fait par leurs brigandages, en quelque chose de bien. Je n’ai jamais entendu que Jacques Mesrine ait partagé quelque chose avec ses contemporains ! À l’occasion de la sortie de ce film, j’ai vu des titres dans la presse, que je trouve regrettables et dérisoires. Faire de Jacques Mesrine un héros romantique me surprend et me déçoit.

Le MAGue : Le personnage de Jacques Mesrine est-il celui d’un Mandrin, d’un Lacenaire, d’un Ravachol, ou vous a-t-il paru plus complexe ?

Patrick Ollier : Ce n’est certainement pas ce genre d’aventurier romantique… C’est aller beaucoup trop loin d’en faire un Robin des Bois. Jacques Mesrine est un truand et un tueur, il a vécu et il est mort dans la violence. Il faut se souvenir qu’à l’époque, il était l’ennemi public n°1, recherché par toutes les polices. Dans l’une de ses planques, les enquêteurs ont trouvé un bulletin municipal de la ville de Rueil, sur lequel ma tête avait été entourée à l’encre rouge ! Mon fils a failli être kidnappé juste après une partie de tennis, mais il a échappé à ses acolytes grâce à une astuce. Il a pour ça été suivi un certain temps et l’avait remarqué, mais je n’avais pas voulu y accorder trop d’importance. Jacques Mesrine mettait absolument tout en œuvre pour faire pression sur Alain Peyrefitte, avec qui je travaillais au ministère de la Justice. Je le répète, Jacques Mesrine n’est pas un héros : c’est un délinquant ! Il a fini comme il a commencé.

Le MAGue : La société peut-elle espérer composer avec un criminel comme Jacques Mesrine, ou bien n’y a-t-il d’autre solution que de s’en débarrasser ?

Patrick Ollier : L’élimination ne doit pas être la solution sauf en cas d’extrême légitime défense. En ce qui le concerne d’ailleurs, sa mort est la conséquence d’un enchaînement de faits. Jacques Mesrine n’a pas été éliminé. Je veux rendre hommage au travail effectué par le commissaire Broussard, qui demeure l’un des plus grands flics de France. Il savait qu’il était armé. La fusillade qui a eu lieu le 2 novembre 1979 a été commandée par les circonstances. Jacques Mesrine est mort les armes à la main… Depuis que la peine de mort a été abolie en France, la prison est la seule issue. Il arrive toutefois que des repris de justice éprouvent le souhait de se réinsérer, qu’ils y parviennent et c’est heureux.

Le MAGue : Comment voyez-vous sa contribution à la culture populaire ? Le mythe, selon vous, vaut-il la peine d’être perpétué ?

Patrick Ollier : Il y a ce côté anecdotique chez le voyou, qui invite les réalisateurs à faire des films violents. Il y a eu Pierrot le Fou dans le passé, aujourd’hui Jacques Mesrine, et demain ce sera quelqu’un d’autre… Ils font le sujet de bons films d’action comme on en voit sur les Champs ! Mais je trouve regrettable qu’on fasse de ce genre de personnage un héros de cinéma. Jacques Mesrine n’est pas un héros populaire, il n’a pas valeur d’exemple. Je ne comprends même pas que certains puissent avoir l’idée de mettre en scène ce genre de héros. Je m’interroge sur les motivations des producteurs, qui considèrent peut-être qu’ils sont à même de remplir les salles et de gonfler les recettes. Dans ce cas, c’est plutôt de la spéculation financière que la révélation d’un héros !

 

 


Les brigands au grand cœur font juste au cinéma
De bons sujets de films violents à mettre en scène,
On applaudit plus fort si l’ambiance est malsaine
Et sans saisir qu’ils sont du même et plat schéma.


Je voudrais bien me voir dans ces faits, si naît ma
Trouble excitation comme une impulsion obscène,
Ou si ce sont les coups qu’un bon acteur m’assène
Par le biais d’un drap blanc vissé comme un tréma.


J’ai peur du noir, c’est vrai, mais je fuis la romance
Car je sens mieux mon âme au milieu de l’immense
Désarroi qui nous frappe en cherchant du secours !


Mais dans la vie, il n’est pas bon d’avoir la trouille
Et j’ai plus d’affection pour la mienne au long cours
Que de craindre à voir mieux la police en patrouille !