La Rate au Court-Bouillon face à la Piraterie en Mer

La Rate au Court-Bouillon face à la Piraterie en Mer

Le lendemain de la libération mardi des marins capturés sur leur bateau dans les eaux territoriales camerounaises, 2 bâtiments de guerre de la coopération internationale ont repoussé une attaque de pirates somaliens contre un navire marchand danois qu’ils escortent dans le golfe d’Aden, au large de la Somalie…

Par deux fois dans les 6 derniers mois, la libération d’otages français détenus par des pirates a requis une intervention des forces spéciales. Tout le monde a gardé en mémoire la triste aventure des équipages du Ponant et du Carré d’As. La France a montré sa détermination à protéger ses ressortissants en envoyant un signal de fermeté à tous ceux qui peuvent envisager de les prendre pour cible. Mais la menace est toujours présente, et la situation profite aux pirates qui semblent jouir d’une grande impunité, tandis que les nations se retrouvent aux prises avec des problèmes juridiques insurmontables pour mettre au point une riposte adaptée à la situation.


Depuis le début de l’année, 63 bateaux ont été attaqués dans le golfe d’Aden et l’océan Indien, une région qui compte à elle seule la moitié des actes de piraterie dans le monde. Le Nigeria et l’Indonésie arrivent derrière eux dans ce triste palmarès, selon le Bureau maritime international (BMI). 11 navires sont actuellement aux mains de pirates somaliens, dont un cargo ukrainien chargé de matériel militaire. La dégradation de la situation politique en Somalie et la détresse des populations locales sont les facteurs prépondérants de l’essor de la piraterie maritime dans cette zone, quand bien même elle est de notoriété publique une tradition ancestrale. Henri de Monfreid en fut jadis l’un des agents et toujours l’excellent vulgarisateur, grâce à la somme de souvenirs qu’il a rassemblée.


En 2007, le Bureau maritime a répertorié 263 attaques de navires dans les mers du monde, contre 239 en 2006, une hausse de 10%, notamment dans la zone particulièrement sensible au large des côtes du Nigéria et de la Somalie. Le nombre d’attaques de pirates au large de la Somalie est sans précédent, explique le directeur du BMI basé en Malaisie : il est clair que les pirates dans le Golfe d’Aden pensent qu’ils peuvent agir en toute impunité en attaquant des navires. Si dans le temps, pirates et flibustiers étaient pendus haut et court, il semble qu’il existe aujourd’hui un grand vide juridique. L’opération menée par les forces spéciales françaises pour libérer l’équipage du Ponant au printemps dernier n’a pas coulé de source. Outre la difficulté de faire assaut sur un objectif lointain, mal situé et mal identifié, il a fallu poursuivre les pirates à l’intérieur des terres, donc déployer dans le feu de l’action des soldats français un sol étranger. L’accord des autorités locales a été donné a posteriori, éludant toute impasse diplomatique.


Pour le gouvernement malaisien, qui, à cause du détroit de Malacca, connaît fort bien le problème, la piraterie est un crime international, et sa solution est sans doute à chercher du côté d’un tribunal pénal international. Mais avant de les traduire en justice, il convient d’abord de rechercher et de poursuivre les pirates, ce qui s’avère doublement difficile. Poussés par la misère, ils opèrent en général à partir de côtes mal surveillées, où les forces de l’ordre sont souvent plus enclines à s’occuper d’un système étatique à vau l’eau que des populations livrées à un sort peu enviable. La chasse aux pirates est alors l’affaire des nations éloignées qui pourvoient à l’essentiel du transit maritime, mais les rapines, qu’on situe entre 20 et 30 millions de dollars depuis le début de l’année, représentent bien peu par rapport aux quelque 80 milliards de dollars de marchandises transportées sur l’eau.


80% du commerce mondial, soit près de 6 milliards de tonnes de produits, sont acheminés à bord de plus de 46.000 navires desservant près de 4.000 ports. Mais le coût global du fret maritime entre seulement pour moins de 4% dans celui des produits transportés. Depuis 2006, la Lloyd’s impose d’ailleurs aux armateurs dont les navires naviguent dans des eaux considérées comme dangereuses et fréquentées par les pirates, de souscrire des polices d’assurance similaires à celles qui couvrent le risque de guerre. Cette décision aurait été prise après l’attaque, le 5 novembre 2005 d’un bateau de croisière avec plus de 300 passagers à bord, à 100 milles nautiques des côtes de Somalie.


Les pays les plus concernés par les actes de piraterie à répétition au large des côtes somaliennes se sont d’abord tournés vers les Nations Unies. La résolution 1838 du 8 octobre 2008 encourage la communauté internationale à renforcer sa mobilisation contre la menace que représente la piraterie au large des côtes somaliennes. La France appelle tous les États à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour lutter contrer ce fléau. Les États-Unis ne sont pas très chauds pour renouveler une expédition dans un pays où ils ont subi un échec cuisant pendant qu’il sombrait dans un chaos total. Le 25 septembre dernier, un cargo ukrainien a été capturé par des pirates, qui disposent à présent de 33 chars d’assaut T-72 de conception soviétique, 150 lance-roquettes RPG-7, des batteries anti-aériennes, des lance-roquettes multiples et environ 14.000 munitions. L’état-major de la Marine russe s’est alors résolu à dépêcher un escorteur sur zone…


Les ministres des Affaires étrangères des pays de l’Union européenne ont adopté lundi 10 novembre l’action commune concernant l’opération militaire de l’Europe en vue d’une contribution à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie et de vols à main armée au large des côtes de la Somalie. Le vice-amiral Phillip Jones est nommé commandant de l’opération et l’état-major est situé à Northwood, au Royaume-Uni. Son lancement représente une intensification des efforts de l’Union européenne pour lutter contre les actes de piraterie et les vols à main armée au large des côtes de la Somalie, efforts au titre desquels l’Europe a déjà établi en septembre une cellule de coordination militaire à l’appui de la résolution 1816 adoptée en juin par le Conseil de sécurité des Nations Unies pour soutenir le gouvernement de transition en Somalie.


L’opération a pour mandat de fournir une protection aux navires affrétés par le Programme alimentaire mondial, y compris par la présence à bord des navires concernés d’éléments armés, de protéger les navires marchands naviguant dans les zones où elle est déployée, de surveiller les zones au large des côtes de la Somalie présentant des risques pour les activités maritimes et de prendre les mesures nécessaires pour dissuader, prévenir et intervenir afin de mettre fin aux actes de piraterie ou aux vols à main armée qui pourraient être commis dans les zones où elle est présente. Deux frégates françaises et un avion de patrouille espagnol participent actuellement à ce dispositif, mais aucune action d’envergure n’est prévue avant le mois de décembre.

 

 


Les gens de mer sont mal armés face aux pirates,
Dont les moyens sont sans rapport avec les leurs :
Pas de police au large ! Et des gueux, des valeurs
Vont tomber tout à trac dans des mains scélérates.


Les moyens mis en œuvre en mer sont disparates,
Chacun préfère agir au mieux sous ses couleurs,
Et bien trop d’eau reste à courir jusqu’aux voleurs
Qui vont plus loin sans cesse ânonner des sourates.


Au cœur de ce problème où nos marins n’ont rien
Dans les mains, et pas même un secours du terrien,
Pour leur malheur, la mer n’appartient à personne…


Les bras armés d’un peuple ont bien peu de recours
Si c’est au bout du monde hélas, qu’on les rançonne,
La mer reste un lieu libre où les lois n’ont pas cours.