Théâtre : LA CAGNOTTE… EUGENE LABICHE – ADEL HAKIM

Théâtre : LA CAGNOTTE… EUGENE LABICHE – ADEL HAKIM

LA CAGNOTTE ? D’emblée, avec la mise en scène d’Adel Hakim - malicieuse et efficacement rythmée -, nous sommes entraînés dans le grand tourbillon jubilatoire d’Eugène Labiche (1815-1888), un des maîtres du vaudeville français du XIXe siècle, caractérisé à la fois par une drôlerie acerbe et une férocité contenue.

Cette curieuse histoire de LA CAGNOTTE débute sous le signe du jeu et de l’argent. Un groupe d’amis, se réunissant tous les jeudis depuis des années, décide de casser leur fameuse cagnotte. Récoltant l’argent – et quelques boutons -, ils se mettent d’accord pour une fabuleuse épopée : un voyage d’une journée à Paris…

Cette « journée historique à Paris » par les personnages cocasses de La Ferté-sous-Jouarre ne revêt-elle pas d’une certaine façon la forme d’une découverte initiatique ? Car cette bande de Pieds Nickelés insipides – mais pas trépanés - part à la découverte des plus pittoresques représentants de la mythologie parisienne, des géants ayant comme noms : Garçon de café, Commissaire de police, Entremetteur… « A ces ‘créatures’, précise Adel Hakim, l’on doit respect et révérence ; elles inspirent crainte et fascination ; on s’incline forcément devant elles puisqu’elles détiennent les clés (les codes) d’un monde inconnu, lointain et gigantesque. »

Personnages de bédés, marionnettes, hommes-sandwichs (!), les créatures de Labiche surfent littéralement sur la grande scène burlesque de l’art grinçant et quasi simiesque de la représentation de la vie tels Charlot, Buster Keaton et autres Marx Brothers. Remarquablement, Hakim fait bouger les protagonistes de ce petit théâtre à un rythme diablement cinématographique, qui rappellera à certains la verve burlesque du metteur en scène dans « Mesure pour Mesure » ([drame de Shakespeare, adapté et mis en scène par Hakim en 2007 au Théâtre Antoine Vitez d’Ivry].

Le mouvement est là inexorable, non pas hystérique mais continu. Il s’agit de suggérer une certaine étrangeté, certaine prédisposition aux univers étriqués, ceux des « petits-bourgeois » de sieur Labiche… A ces fameux béotiens Hakim insuffle un rythme cinématographique continu ou si l’on veut un traitement de choc. Evoquant l’art de la caricature chez Labiche, Hakim précise : « Les personnages [ceux de Labiche] ne sont pas des êtres humains, ce sont des marionnettes. » Des « marionnettes délirantes » ayant des opinions sur tout et rien – un des constants sujets de raillerie de Labiche à l’encontre des petits-bourgeois.

Cette Cagnotte, finement mise en scène, s’avère une pièce rythmée, marrante en sa forme virevoltante, une redoutable horlogerie comme « Un chapeau de paille d’Italie » (1851) ou « Le Voyage de M. Perrichon » (1860), autres œuvres persuasives du même Labiche. Même si l’aigreur perce, c’est surtout la virtuosité fantaisiste de ce vaudeville-farce qui nous séduit. Et avec cette Cagnotte, pleine de rebondissements, Hakim - et ses comédiens terriblement allumés - rend là un bel hommage à ce créateur de caractères universels qu’était Eugène Labiche.

A voir urgemment !

Durée : 2 h 10 sans entracte

La Cagnotte d’Eugène Labiche
Le Théâtre Antoine Vitez accueille Le Théâtre des quartiers d’Ivry
Du jeudi 6 novembre au mercredi 3 décembre Grande salle
Théâtre

Mardi, mercredi, vendredi et samedi 20 h
Jeudis 13, 20, 27 novembre à 19 h (sauf le 6 novembre 20 h)
Dimanches 9, 16, 23, 30 novembre à 16 h
Relâche tous les lundis

Théâtre d’Ivry Antoine Vitez
1, rue Simon Dereure – 94200 Ivry – métro ligne 7 : Mairie d’Ivry

A signaler : « Le Voyage de M. Perrichon » au Théâtre du Vieux-Colombier (Paris) du 19 novembre 2008 au 10 janvier 2009