Une photothèque pour résister

Une photothèque pour résister

En novembre 2004, Patrice Leclerc annonçait sur Bellaciao la naissance de la Photothèque du mouvement social. Quatre ans plus tard, plus de onze mille photos militantes sont disponibles.

Régulièrement, Patrice Leclerc envoie des mails à de nombreux militants de toutes sensibilités. L’initiateur de la Photothèque du mouvement social informe ainsi un large réseau sur les nouveautés mises en ligne. Dimanche dernier, à 21h50, la livraison offrait des photos de la manifestation de l’après-midi sur l’école, de celle pour les retraites du 16 octobre, de celle face au ministère de la Crise du logement du 11 octobre, de celle contre la guerre en Afghanistan de septembre 2008, de l’université d’été d’Utopia, de la réunion de l’appel Politis du 11 octobre…

Comme le précise la charte du site, la Photothèque du mouvement social est un espace de gratuité. Les photographes professionnels ou amateurs peuvent déposer leurs photos pour les faire circuler librement et gratuitement. Sur la Photothèque, les militants des diverses organisations de gauche, d’extrême gauche ou libertaires peuvent ensuite emprunter des images pour illustrer des tracts, des affiches, des journaux gratuits et sans publicité, des sites web non-marchands. Pour cela, il suffit juste de s’inscrire (toujours gratuitement) pour valider l’acceptation des conditions d’utilisation des photos ou de leur dépôt.

Les rubriques de la photothèque couvrent un très large champ social et constituent un panorama vibrant sur tout ce qui agit et résiste contre le capitalisme. Le nom des rubriques et sous rubriques est parlant : International-Altermondialisme-Paix, Traité de Lisbonne-Europe-Référendum, Sans papiers, Inégalités-Discriminations, Emploi-Chômage-Précaires, Partis-Associations-Syndicats, Fête de l’Humanité, Personnalités, Élections, Régions-Départements-Localités, Éducations, Retraites, Santé-Education-Protection sociale, Logement, Environnement-Urbanisme-Transports, Culture-Médias-Consommation, Justice-Sécurité-Répression… Une rubrique Travail de mémoire permet aussi de retrouver des images de Mai 68, de la Résistance comme du bagne de Guyane. Enfin, la rubrique Portraits et Paroles citoyennes est un projet destiné à collecter des instantanés sur divers lieux et événements. La Fête de l’Humanité 2008 a ouvert le bal. D’autres manifestations politiques, syndicales et associatives vont s’inscrire dans la démarche.

L’ouverture et la générosité des animateurs du site sont à saluer. Bien que Patrice Leclerc soit par ailleurs conseiller général PCF de Gennevilliers, la Photothèque sociale n’est pas l’unique reflet des initiatives communistes. Les séries de photos de manifs s’attardent de la même manière sur les cortèges PCF, LCR, LO, CNT, libertaires… en passant par des reportages sur les déboulonneurs, sur la marche des fiertés homosexuelles, sur les enfants de Don Quichotte, sur la Vélorution, sur la compagnie Jolie Môme, sur le réseau Sortir du nucléaire, sur les Faucheurs volontaires, sur les Intermittents… sans oublier quelques grimaces d’hommes et de femmes politiques sous lesquelles il est possible de glisser des commentaires.

Preuve que le sectarisme n’est pas de mise sur son site, la Photothèque lance un appel permanent aux contributeurs qui permettront de coller fidèlement à la grande diversité du mouvement social. Pour faire plus ample connaissance avec ce site unique, Le Mague a voulu poser quelques questions à Patrice Leclerc.

Comment est venue l’idée de créer une photothèque du mouvement social ?

Patrice Leclerc : J’ai constaté que la rubrique photos sur mon site perso était certainement la plus consultée. Il y a besoin de témoignages par l’image du mouvement social. Par ailleurs, comme militant, j’ai connu la galère pour trouver la bonne photo qui illustre le tract ou le journal écrit la veille. Pour rendre le site plus contributif, je l’ai déconnecté de mon site perso. Un ami, Milos, s’occupe de la mise à jour logiciel du site. Par ailleurs, je suis aidé sur l’administration du site par Gabriel Laurent, qui est plus jeune et d’un autre univers politique que moi (déboulonneurs, antipub, etc…). Son aide depuis deux ans m’est précieuse. La « bonne tenue du site », c’est grâce à lui.

Comme on l’a vu, tu es un élu communiste. Pourquoi, au lieu de créer un site partisan comme tu aurais pu légitimement le faire, as-tu voulu que tous les courants anti-capitalistes soient visibles ?

Patrice Leclerc : Je suis un communiste unitaire et je préfère regarder la réalité en face. Le mouvement social est divers, le mouvement communiste aussi, le courant anti-capitaliste encore plus. Mes convictions ne m’empêchent pas de voir et d’avoir envie de montrer cette diversité même quand elle ne me plait pas. J’ai beaucoup appris en me « frottant » à la diversité politique des collectifs pour une candidature unitaire à la présidentielle. Ce « frottement » produit du neuf dans la pensé et les pratiques. Il faudra bien qu’un jour, nous arrivions ensemble à changer ce monde, alors si la Photothèque peut aider à croiser les regards pour mieux se comprendre : tant mieux ! Sinon, elle aura le mérite d’être un lieu de témoignage et un espace utile pour les militants de tout poil !

Quels sont les journaux et groupes militants qui utilisent la Photothèque ?

Patrice Leclerc : je ne contrôle pas l’utilisation à priori. Je sais pour l’avoir vu que la LCR, le PCF, le PS, le PRS, la JC, le MJS, la JCR, les anarchistes, la CGT, SUD, la CFDT, FO, l’UNSA, la FSU… utilisent régulièrement les photos. Des associations aussi, notamment le CRID (Collectif de 54 associations françaises de solidarité internationale), mais aussi des blogs persos. Pour ce qui est des journaux, Rouge l’utilise régulièrement, rarement l’Humanité, Politis un peu, une ou deux publications anarchistes, des journaux d’Amérique latine de la IVe internationale, Avant Garde et sûrement beaucoup d’autres dont je n’ai pas connaissance.

Combien de photographes alimentent la photothèque et qui sont-ils ?

Patrice Leclerc : Je ne sais pas exactement. Je pense qu’il y a plus de 30 contributeurs dont une dizaine très régulièrement. Il y a deux ou trois photographes professionnels comme Mourad Lafitte, Stéphane Péniguel, Patricia Lejaune, un journaliste comme Michel Soudais, des photographes amateurs comme Romani, Lydie Alain, La Pagoule, Gabriel, Laurent, Georges, Waserg, Spirit, Milos Colic, Sylvain Red, Santa Lucia… et plein d’autres. Nous ne nous connaissons pas et ils sont certainement d’horizon assez divers. Il nous faudrait plus de contributeurs de province et de l’étranger. J’ai d’ailleurs le projet d’organiser le soir d’une grande manifestation nationale, un rendez-vous autour d’un pot pour mieux se connaître, avoir une discussion sur la Photothèque.

Comment fait-on pour déposer des photos sur la Photothèque ?

Patrice Leclerc : C’est presque simple ! Il suffit d’être inscrit et logué avec son identifiant. De cliquer dans la rubrique la plus proche du sujet de la photo, de cliquer sur le bouton rouge « Ajouter » et de remplir ensuite les champs demandés. Avec Gabriel nous validons ensuite les photos. Ce n’est d’ailleurs pas la peine de remplir le champ pour faire la vignette, nous le faisons. C’est un peu fastidieux, car les photos se mettent une par une. Mais cela a aussi le mérite d’obliger à faire des choix.

Pour illustrer cet article sur Le Mague, peux-tu nous donner une photo que tu aimes particulièrement et nous la commenter ?

Patrice Leclerc : Choix difficile. En général, je préfère souvent les photos prises par les autres. Il y a des photos faites par Gabriel Laurent, ou Romani sur lesquelles je me dis « mais pourquoi ce n’est pas moi qui l’ai faite ? ». La photo que j’ai choisie est une photo faite le 18 mars 2006 lors d’une manifestation contre le CPE. Je suis grimpé sur un feu rouge pour prendre la manifestation au téléobjectif. Je vois quelqu’un en rouge au loin qui saute et fait des gestes. Je fais la photo et je m’aperçois plus tard que c’est un copain de lycée, un copain de 20 ans… Ça c’est pour le côté affectif. Et si je fais de la psychologie à deux balles, c’est aussi l’illustration d’un individu au milieu d’une foule, une personne dans la masse, avec la masse. C’est le plaisir d’être en nombre, une invitation à y prendre sa place… Et puis, il est habillé en rouge et il se marre !

Merci Patrice Leclerc. À bientôt dans les manifs… et sur la Photothèque du mouvement social