Mutation industrielle au Mondial de l’Automobile

Mutation industrielle au Mondial de l'Automobile

Le salon de l’automobile aurait 110 ans s’il ne s’était mué en foire d’empoigne commerciale, où le public ne vient que pour faire valoir les professionnels de la profession et offrir de bien belles images qu’on aimerait revoir plus souvent aux chaînes de télévision. Les carrosseries du moment ne sont plus rutilantes, en effet, que sous le feu des projecteurs, car qui, désormais, se retourne pour suivre du regard une belle bagnole ?

À bien scruter la toile ces jours derniers, l’amateur de mécanique s’aperçoit qu’il n’aura pas l’heur de découvrir un nouveau bolide en avant première… Les annonces faites par les constructeurs en prévision du Mondial de l’Automobile 2008 ne concernent exclusivement que des progrès technologiques destinés à rendre les modèles moins chers et moins gourmants en carburant, et les supputations de profits dans une époque où chacun se demande à quelle sauce il risque d’être mangé !


Après l’annonce faite par Renault d’un nouveau plan social, qui devrait finalement porter les suppressions de poste à la hauteur de près de 8.000 personnes, les plus grandes craintes exprimées à propos de coupes claires dans l’outil industriel, le président de la République a prié Carlos Ghosn en début de semaine de lui épargner une autre mauvaise nouvelle en cette période troublée, quand bien même les dés paraissent avoir déjà roulé depuis longtemps en ce qui concerne le Technocentre de Guyancourt, par exemple.


Il n’y a pas que les banques à courir en ce moment après l’argent public : ainsi BMW, nouveau venu sur le continent américain, espère pouvoir prétendre au plan de 25 milliards de dollars de l’administration Bush dans le cadre de la loi sur l’indépendance énergétique. Or, ce programme ne concerne que les fabricants présents industriellement depuis au moins 20 ans sur le sol américain. La firme bavaroise s’y est installée en 1994. Si la question n’est plus vraiment de désespérer Billancourt, Carlos Ghosn a tenu des propos plutôt alarmistes sur la situation de l’automobile dans le monde, en généralisant à l’ensemble du secteur les difficultés rencontrées par les Big Three de Detroit depuis 3 ans. La crise financière s’ajoutant aux restructurations industrielles, il affirme benoîtement : rassurer sur l’activité des prochains mois, je ne sais pas faire


Les amateurs de belles mécaniques devraient donc être déçus en se rendant à l’ouverture, Porte de Versailles, samedi. Quand les silhouettes des véhicules sont peaufinées, c’est seulement pour assurer un bon coefficient de pénétration dans l’air, et quand les moteurs sont auscultés, ce n’est plus pour y trouver des chevaux, mais des économies d’énergie ! Le carrossier Pininfarina s’est ainsi associé avec le tycoon breton Vincent Bolloré pour produire une voiture électrique aux faux airs d’utilitaire bas de gamme, tandis que l’indien Tata poursuit le développement en France d’une voiture équipée du moteur à air comprimé dont on nous prédit monts et merveilles depuis 10 ans.


Aucune marque ne veut plus être en reste, et qu’il s’agisse de Renault ou de sa rivale tricolore Peugeot, en passant par les asiatiques tels Hyundai, toutes annoncent la sortie d’un véhicule hybride ou tout électrique pour l’année prochaine… Des concept-cars seront donc bien sûr présents dans les stands parisiens, mais ils sacrifieront volontiers aux bourses plates des automobilistes français les cylindrées généreuses et les calandres agressives. C’est la tendance verte qui l’emporte sur toutes les autres, annonce avec plaisir Thierry Hesse, commissaire général de la manifestation : les grands constructeurs exposeront de nombreux prototypes utilisant des énergies renouvelables, mais aussi des voitures concrètes, que l’on retrouvera bientôt dans nos rues, et qui pourront se passer de carburant pour avancer.


Les amateurs de style sauront toujours se rabattre sur une exposition des 40 taxis de 20 villes différentes à travers le temps, du légendaire taxi de la Marne, le Renault AG de 1913, au yellow cab V8 Checker en passant par la Coccinelle de Mexico ou le Tuk Tuk de Bangkok… Au moins pourront-ils rêver de voyage, avant de s’en retourner par le métro !

 

 


Vous n’irez pas plus loin qu’au Salon de l’Auto
Risquer de vous leurrer aussi dans l’imposture :
Le futur n’est-il pas plus sympa qu’en voiture ?
Vous savez désormais qu’on nous mène en bateau.


Les meilleurs constructeurs sont coiffés au poteau
Par la rigueur des temps qui leur tend sa facture,
L’énergie est plus chère au puits dans la nature
Quand il se peut qu’on ait plus de chance au loto.


Allez voir, mais sans moi le contour des bolides :
Rien qu’à l’œil nu, ils n’ont plus l’air aussi solides
Qu’un vieux tacot clinquant du bel acier d’antan !


Et ceux qui les ont faits n’ont plus ce regard digne
Qu’ont les seigneurs d’une ère à fourguer au mitan,
Le temps passe et les prix leur ont porté la guigne…