Jean-Louis Étienne a Peur de rompre la Glace au Pôle Nord

Jean-Louis Étienne a Peur de rompre la Glace au Pôle Nord

L’initiative de Jean-Louis Étienne pour sauver la banquise est mal partie ! Notre principal objectif est de faire de l’Arctique une réserve de ressources pour la Russie du XXIème siècle, a déclaré mercredi le président russe Dimitri Medvedev lors d’une réunion du Conseil de Sécurité russe consacrée aux questions polaires. Les 5 pays riverains ne cessent de se disputer sur la question du partage de cette région aux richesses encore inexploitées, mais les Russes ont pris une longueur d’avance…

Après avoir planté son drapeau pendant l’été 2007 par quelque 4.000 mètres de profondeur sous le Pôle Nord pour étayer ses revendications, la Russie demande une extension de sa zone économique en Arctique, affirmant que la dorsale de Lomonossov, une chaîne de montagnes sous-marine qui s’étend du Groenland à la Sibérie, est une extension de son plateau continental. Mais le Groenland et le Canada expriment des revendications identiques. Si l’Antarctique est protégé des appétits de l’homme, seules ses conditions extrêmes offrent un abri précaire au Pôle Nord. Une convention des Nations-Unies datant de 1982 permet à un pays ayant une façade maritime d’étendre ses droits pour l’exploitation des ressources naturelles de 200 milles à 350 milles s’il peut prouver que cette extension constitue la prolongation naturelle du plateau continental.


La région polaire représente déjà près de 20% du PIB et 22% des exportations russes, a fait valoir Dimitri Medvedev, avant d’ajouter : selon les évaluations des experts, le plateau continental de l’Arctique pourrait contenir un quart de toutes les ressources d’hydrocarbures off-shore dans le monde. Les prétentions russes apparaissent donc bien compréhensibles, mais il faut également les mesurer à l’aune de la demande mondiale en énergie… Les craintes qui pèsent actuellement sur l’économie mondiale seraient bien pires en prenant une raréfaction des ressources énergétiques en compte. Alors que les pays producteurs de pétrole du Golfe persique ont bien du mal à se résoudre à augmenter leur capacité d’extraction pour atténuer les fluctuations de prix conjoncturelles, la tendance haussière des cours du baril se ressent désormais avec une résonance particulière dans les pays consommateurs : les Français ont ainsi réduit de 12% leurs achats en carburant au mois de juin dernier, alors que le baril de pétrole avait atteint les 150 dollars !

L’immensité polaire est vitale pour la planète


Si la réserve énergétique constituée par l’Arctique est scrutée par tout le monde, les régions polaires sont hélas vitales pour l’équilibre climatique du globe terrestre. La fonte de la banquise a déjà de graves conséquences locales sur la vie des peuples autochtones et l’écosystème polaire, notamment sur l’ours blanc, son plus emblématique représentant. Mais au-delà des conséquences locales, la disparition de la banquise au Pôle Nord va nous conduire inévitablement vers une période de chaos climatique, notamment dans l’hémisphère Nord, observe Jean-Louis Étienne.


En 2008, la surface des glaciers de l’Arctique s’est réduite en deçà du niveau minimum relevé pour l’année 2005 et pourrait battre le record absolu de fonte des glaces à l’ère de l’observation par satellite, qui remonte à 2007, annonce le National Snow and Ice Data Center. Le record de la plus faible surface de glace, établi en 2007 sera-t-il battu ? Nous le saurons au cours des semaines à venir, quand s’achèvera la saison de fonte des glaces, lit-on sur le site de l’organisme américain. Le niveau minimum de l’année 2005, quand la superficie des glaciers avait atteint 5,32 millions de Km², avait été relevé le 21 septembre. Le record absolu, établi en 2007, avait été fixé le 16 septembre, quand les glaciers ne s’étendaient plus que sur une surface de 4,13 millions de Km².


Malheureusement, c’est le signe que les changements climatiques dans l’Arctique évoluent rapidement, et nous devons impérativement examiner le problème du réchauffement au niveau international, observe Christopher Krenz, directeur des projets arctiques de l’organisation écologique Oceana. Selon lui, la glace, qui reflète les rayons solaires, est remplacée en fondant par de l’eau plus sombre qui piège la chaleur. En outre, en fondant, la glace libère de grandes quantités de gaz à effet de serre, ce qui accélère le phénomène de réchauffement climatique.


Les Russes, qui possèdent un des littoraux les plus longs de la zone arctique, n’en sont pas moins attentifs à la préservation des ressources écologiques. La réserve arctique a rejoint le projet Patrouille des Ours du World Wildlife Fund (WWF) censé contrôler le nombre d’ours blancs, rapporte le service de presse de l’organisation. Pour conserver la population d’ours blancs dans l’Arctique russe, il est nécessaire de prendre en considération les informations en provenance du village de Dikson, le seul foyer de peuplement sur le littoral arctique de Taïmir, indiquent les écologistes. Compte tenu du changement climatique, le rôle du littoral arctique de Taïmir augmente, ainsi que celui de l’archipel Terre du Nord, estime le coordinateur du projet Patrouille des Ours Viktor Nikiforov. Selon lui, les chercheurs disposent de très peu d’informations sur le sort des ours blancs dans ces latitudes. On dénombre environ 1.500 ours blancs le long de la mer de Karsk et 800 à 1.200 spécimens près de la mer de Laptev.

Le Pôle Nord n’appartient pas à Jean-Louis Étienne


L’attention portée à la banquise est également une préoccupation russe. Une station dérivante a transmis ses 1ères données météorologiques, a relevé lundi la porte-parole de l’Institut de l’Arctique et de l’Antarctique russe à Saint-Pétersbourg. La position de la banquise était de 82°13’N et 174°20’E au moment où ont commencé les relevés scientifiques. La station est installée sur une banquise de 6x6 Km, dérivant vers le Pôle Nord et le secteur canadien de l’Arctique. À l’heure actuelle, elle se trouve entre le Pôle Nord et l’île Wrangel, au-dessus du bassin Podvodnikov situé entre les dorsales Lomonosov et Mendeleev. Les travaux d’aménagement de la station SP-36 ont débuté le 3 septembre dernier. 18 chercheurs ont débarqué du navire laboratoire russe Akademik Fedorov sur un bloc de glace choisi à l’avance où ils comptent passer environ un an.


Avec le réchauffement climatique, les côtes de l’Océan Arctiques sont de plus en plus libres de glace. La navigation sur les passages du NE et du NW est actuellement possible 20 à 30 jours par an. À l’horizon 2030, elle pourrait l’être 90 à 100 jours, voire 150 pour les brises-glace. D’importantes infrastructures portuaires sont en construction en Norvège et au Canada sur ces futures routes maritimes, les plus courts chemins entre l’Europe et l’Asie. Moscou entend aussi contrôler la voie maritime dans le Grand Nord, qui relie l’Atlantique au Pacifique via l’Arctique et permettrait de réduire de milliers de kilomètres le trajet entre l’Europe et l’Asie. La voie maritime du Nord est très importante pour nous ; ce sont nos compatriotes qui l’ont découverte et nous considérons qu’elle est à nous, a prétendu le chef du Conseil de Sécurité Nikolaï Patrouchev.


Le Canada, les Etats-Unis, le Groenland, qui demeure un territoire danois d’outre-mer, la Norvège sont, en plus de la Russie, riverains du Pôle Nord. Tous les marins se sont toujours passionnés pour la difficulté que constitue le passage au nord de l’océan arctique… Les 1ers explorateurs modernes du passage du Nord-Ouest étaient autrichiens : Julius von Payer et Karl Weyprecht ont permis à l’Empire austro-hongrois de devenir le pays le plus septentrional d’Europe jusqu’à sa dissolution, le 31 octobre 1918. Aujourd’hui, la plupart des vols intercontinentaux empruntent la route du nord pour passer au-dessus du pôle ! Jean-Louis Étienne a obtenu le concours de la Russie et des États-Unis pour entreprendre sa prochaine expédition, Total Pole Airship, qui doit survoler la région polaire de part en part en ballon dirigeable, au printemps 2008. Lui aussi s’inscrit dans la ruée vers l’or blanc, quoi qu’il nous laisse en penser…

 

 


L’air y est pur, mais trop peut-être à nos nez sales,
Qu’il faut que nous allions salir ce blanc manteau,
Le pôle est nôtre, et nous voulons ce grand gâteau
Pour lui soustraire un jour l’or de nos succursales.


Les passions pour lui prendre ici sont colossales !
Mais les moyens qu’il faut puiser sont un étau
Qui nous serre et lui sert à nous nier un château
D’eau et de vent, geôle aux profusions abyssales.


L’espace est toujours vierge et l’est depuis toujours,
Qui songe y vivre ? Il vaut moins que tant de séjours,
Point de terre et des trous : ce lieu n’est pas pratique.


L’homme a pourtant mission de s’y rendre au plus tôt
Pour qu’un nouveau comptoir soit dans la zone arctique
Le lieu de voir notre œuf comme un grand paletot…