Jean-Pierre Lledo : "Algérie, histoires à ne pas dire" ("Unspoken Stories")

Jean-Pierre Lledo : "Algérie, histoires à ne pas dire" ("Unspoken Stories")

« 43 ans après l’exode massif des Juifs et des Pieds-Noirs, consécutif à l’avènement de l’indépendance de l’Algérie en 1962, que reste-t-il de cette cohabitation dans la mémoire des Algériens d’origine berbéro-arabo-musulmane ?
Des personnages en quête d’une vérité sur leur propre vie, reviennent sur leur enfance durant les années de guerre qui furent aussi les dernières décennies de la colonisation française ».

A travers l’interview qui suit, Jean Pierre LIedo, réalisateur de « Algérie, histoires à ne pas dire », documentaire de 2 h 40 min qui a été censuré en Algérie, nous livre des éléments de compréhension de sa toute dernière réalisation cinématographique.

Tu es né en Algérie où tu as grandi et vécu. Ton nom a une consonance européenne. Qui est Jean-Pierre Lledo ?

Je suis né à Tlemcen en 1947. Six mois après ma naissance, ma famille est allée vivre à Oran. En 1957, nous avons rejoint mon père à Alger. Il était interdit de séjour dans le département d’Oran, en raison de ses activités politiques. Il était communiste et pro-indépendantiste.
Ma mère est issue d’une très vieille famille de Tlemcen, d’origine berbèro-juive, implantée dans cette région bien avant l’arrivée des Arabes et de l’Islam. Elle a quitté l’école à l’âge de onze ans pour travailler dans l’usine de tapis (MTO). Attia est son patronyme, un nom répandu aussi bien chez les musulmans que chez les juifs. Sa famille était ancrée dans la société tlemcénienne. Son oncle et son cousin jouaient dans l’orchestre de cheikh Larbi Bensari, le grand maître de la musique arabo-andalouse. C’est d’ailleurs aux sons de cet orchestre que le mariage de mes parents fut célébré.
Ma famille paternelle est d’Oranie. Elle a des origines catalanes. Lledo, mon nom de famille, signifie le micocoulier, un arbre de la Méditerranée. Ses branches servent à fabriquer des badines dont se servent les jockeys. Selon les récits de mon père, c’est une arrière grand-mère qui a migré à Oran à la recherche d’un travail. Une fois installée, elle a fait venir sa famille. Mes deux grand- pères étaient ouvriers.

Une enfance partagée entre Oran et Alger. Dans quelle ambiance ?

Mon père était athée. Et ma mère très peu pratiquante. Je ne connais ni les rites de la religion juive ni ceux des chrétiens. Avec regret, je dois avouer, car ces deux religions font partie du patrimoine de l’humanité.
Mon père était ouvrier, membre du parti communiste algérien (PCA) et responsable syndical à la CGT., organisation où se regroupaient sans distinction aucune des musulmans, des chrétiens et des juifs communistes. Il était partisan de l’indépendance de l’Algérie. Cette position était mienne également. Et dans ma logique d’enfant, je rétorquais à tous ceux qui soutenaient le contraire que « l’Algérie devait être algérienne, comme la France était française, l’Italie italienne, l’Allemagne allemande ! ». A la maison, c’était le mélange. Le Parti communiste algérien se distinguait des autres mouvements politiques par le fait que sa composante était multi-ethnique. Des juifs, des musulmans et des chrétiens s’y côtoyaient pour lutter ensemble. Ils prenaient des coups de bâton et allaient en prison ensemble. J’ai baigné dans cette ambiance pendant toute mon enfance et mon adolescence. Comment peut-on plus de cinquante années plus tard, me traiter de « nostalgérique » ? Je suis plutôt nostalgique de cette période où prédominait un esprit fraternel et solidaire. D’ailleurs, de nos jours, le mot « nostalgie » a tendance à prendre une signification passéiste ou culpabilisante. Pourquoi n’aurait-on pas le droit de revenir sur son passé ? Notamment quand on n’a rien à se reprocher !

1962. L’indépendance de l’Algérie. Ta famille a fait le choix de rester dans ce pays.

Dès l’indépendance, la situation change. Les juifs et les Pieds noirs qui représentaient plus d’un million soit un dixième de la population algérienne totale quittent l’Algérie subitement. En 1962, la nouvelle Assemblée constituante adopte la première Constitution algérienne qui institue l’Islam comme religion d’Etat. Puis le Code de la nationalité est adopté. Il stipule que l’on est automatiquement Algérien si l’on a un grand-père et un père nés en Algérie… musulmans... Ces deux textes fondateurs instituent l’exclusion des populations non musulmanes. Les Pieds-noirs et les juifs deviennent ainsi des étrangers et ce, malgré leur enracinement sur cette terre. Pour obtenir la nationalité algérienne, il fallait faire la demande au ministère de la Justice. Certains l’ont obtenue au titre de l’article 8, (participation à la lutte pour l’indépendance de l’Algérie). C’est le cas de mon père. Mais beaucoup de communistes qui ont risqué leur vie pour l’Algérie, qui ont été emprisonnés et torturés ont pourtant vu leur demande refusée ! Ils ont quitté l’Algérie. Humiliés !
Avec le départ de ces populations, nous n’étions plus que « quelques particules » comme l’a si bien dit le peintre algérien d’origine espagnole, Denis Martinez dans mon film l’ »Oasis de la Belle de Mai ». En juillet 1962, je n’avais pas encore 15 ans. Malgré le fait que ma famille soit restée en Algérie, j’ai vécu le départ de ces populations comme un profond traumatisme que j’ai refoulé pendant de très longues années. Et c’est en quittant l’Algérie en 1993 pour des raisons essentiellement sécuritaires que j’ai pu me libérer de ce lourd fardeau en réalisant des films dont les personnages principaux sont d’origine européenne : Denis Martinez, Lisette Vincent, Henri Alleg, Eliette Loup, Maurice Baglietto, Vincent Ivorra, Jean-Pierre Saïd, Yvette Maillot, Lucette Hadj Ali née Larribère, Juliette et Georges Acampora, Denise et Renée Duvallet … A travers eux, je retrouvais mes constituants identitaires. Jean Pelegri disait avant sa mort : « On m’a refusé la nationalité algérienne. Mais j’espère au moins qu’on me considérera comme un écrivain algérien… ». La question d’une nouvelle société sur des bases multiethniques qui aurait pu permettre aux différentes communautés de vivre ensemble n’a jamais été pensée ni envisagée. Le nationalisme algérien repose sur des critères de nature ethnique et religieuse. Et à travers mes films, je tente de défendre l’idée toute simple selon laquelle « l’algérianité » ne se limite pas à être arabe ou/et musulman.

« Algérie, histoires à ne pas dire » est un film documentaire qui semble s’inscrire dans une logique de continuité de tes réalisations cinématographiques.

 »Algérie, histoires à ne pas dire » est le troisième film d’une trilogie qui a un lien avec ma trajectoire biographique. « Algéries, mes fantômes » a été tourné en France. Caméra sur l’épaule, j’ai sillonné la France pendant une année. J’ai ainsi filmé une vingtaine de personnes qui avaient un lien avec l’Algérie. « Un rêve algérien » a été construit sur la base d’un personnage principal : Henri Alleg. Ensemble, nous avons fait un voyage en Algérie afin qu’il y retrouve les copains qu’il n’avait pas revus depuis plus de 40 ans. Ce sont ces rencontres que j’ai filmées. Je souhaitais tourner » Algérie, histoires à ne pas dire » en Algérie sur le modèle du premier film mais pour des raisons sécuritaires, j’ai dû y renoncer pour adopter le modèle narratif d »’Un rêve algérien ».

Quel est le thème central de ce documentaire d’une durée de 2h40 ?

Algérie, histoires à ne pas dire est un film sur la manière dont l’Absent, c’est-à-dire les Pieds-noirs et les juifs, est représenté dans la mémoire collective en Algérie. Il n’a pas la prétention d’être un documentaire d’historien. C’est une immersion dans la mémoire des hommes et des femmes âgés de plus de cinquante ans vivant en Algérie et qui ont vécu la période coloniale. L’objectif était de recueillir leurs récits relatifs à leur cohabitation avec les juifs et les Pieds-noirs et d’essayer de comprendre au travers de ces récits les raisons de leur l’exode.

Quelle est la genèse de ce film ?

Je voulais avant tout aller à l’encontre des idées dominantes. Et dans le cas des rapports entre les Pieds noirs, les juifs et les musulmans, l’idée qui prévaut aussi bien en France qu’en Algérie, c’est que les relations entre les trois communautés étaient essentiellement conflictuelles. Les musulmans étaient des « colonisés » et les seconds, des « colonisateurs » ! Je voulais rompre avec ces stéréotypes. Et cela ne pouvait se faire qu’en allant recueillir la parole de ceux et celles qui ont vécu cette période et qui ont côtoyé cet « Absent ». Deux idées puisées dans la pensée de l’écrivain pied-noir Jean Pélegri ont inspiré ma démarche. D’une part, l’idée de la complémentarité des mémoires qui consiste à dire qu’on n’a jamais la mémoire de soi-même mais que le Berbéro-Arabe a la mémoire du Pied-noir et du juif, et vice versa. La seconde étant que sous l’histoire apparente et cruelle car faite de guerres et de conflits, il y a l’histoire souterraine qui foisonne de rapports amicaux, de bon voisinage, de connivence, voire d’amour. Et du point de vue de cet écrivain, l’histoire souterraine est complètement occultée, voire niée par l’histoire apparente. A travers mon film, j’ai voulu mettre en lumière ces deux histoires.

Le documentaire est structuré en quatre parties. Il se décline sous forme d’enquête menée par quatre personnages dans quatre régions d’Algérie. Pourquoi le choix de ces personnages et de ces régions ?

Le documentaire s’est fait en tandem car dans chacune des quatre parties, la caméra et moi-même suivons le personnage principal dans sa quête personnelle. Cette démarche met en lumière deux idées. Il s’agissait, d’une part, de montrer symboliquement que l’union entre Musulmans et non-Musulmans était possible même si l’Histoire en a décidé autrement. Et que d’autre part, notre génération est capable quarante années après de revenir sans œillère vers un passé qui avait opposé les communautés. Ces personnages devaient répondre à trois critères. Ils devaient avoir côtoyé « l’Absent ». Leur problématique devait être forte afin que le public ait envie de les suivre. Leur histoire familiale devait servir de porte d’entrée dans la grande Histoire. Ce dernier critère a servi de base pour la mise en place d’un « contrat moral » entre les personnages principaux et moi-même.


Aziz. Premier personnage. Hameau de Béni Malek. Skikda (ex Philippeville). Insurrection du 20 août 1955.

Aziz avait habité le hameau de Béni Malek sur les hauteurs de Skikda (ex-Philippeville). Comment l’ai-je connu ? En 1998, à Grenoble, après la projection du film « Lisette Vincent, une femme algérienne », je rencontre Roger Balestriéri, un Pied-noir qui avait été agriculteur à Béni Malek. Cet homme avait voulu rester en Algérie après l’indépendance mais ses terres furent nationalisées. C’est alors qu’il me raconte les circonstances de son départ d’Algérie. Un soir, on lui demande de quitter sa ferme. Il a fallu que ses ouvriers interviennent pour qu’il reste passer la nuit. Le matin, il n’avait même pas pu prendre les draps brodés par sa mère. Il semblait être traumatisé par cet événement. C’est alors qu’il m’a montré une lettre que lui avait envoyée le fils de l’un de ses anciens ouvriers. En la lisant, il s’arrête sur la phrase suivante "ce pays qui est le nôtre mais aussi le vôtre… ». IA l’évocation de cette phrase, il n’ a pas pu s’empêcher de pleurer.
L’auteur de cette lettre était facilement identifiable car il était professeur à Mostaganem. Au fil des discussions, il me raconte que le 20 août 1955, l’ALN avait donné l’ordre d’attaquer les civils européens et que dans ce hameau aucun pied noir n’avait été touché. Son oncle Lyazid qui était membre de l’ALN. avait demandé que la population des pieds noirs du hameau soit épargnée. Le 23 août 1955, les parachutistes français attaquent le hameau, brûlent les maisons et embarquent tous les hommes, laissant femmes et enfants complètement démunis. Roger Balestriéri leur apporte du pain et de l’eau et leur offre l’hospitalité dans sa ferme, et ce, jusqu’à l’indépendance. Il veille à ce que les enfants aillent à l’école et suit leur scolarité. Il devient en quelque sorte leur père.
Aziz accepte donc de participer au film pour rendre hommage à Roger Baliestriéri. Il voulait également en savoir plus sur la mort suspecte de son oncle Lyazid.

Katiba. Second personnage. Bab El Oued. Alger. « La Bataille d’Alger », 1957.

Afin que le film ne soit pas exclusivement masculin, il me fallait trouver un personnage féminin qui ait grandi à Bab El Oued, symbole du quartier pied-noir et juif. Il fallait également que cette femme ait eu un lien avec la Casbah afin qu’elle puisse parler de « la Bataille d’Alger ». C’est vers la fin du tournage qui a duré 10 mois que j’ai pu trouver celle qui correspondait à mes critères. De plus, elle était journaliste et animait à la radio une émission sur le thème de la Mémoire. Une chance !

X. Troisième personnage. Constantine. Assassinat de Raymond Leyris. 22 juin 1961.

Je nommerai ce troisième personnage X car il a demandé à ne plus apparaître dans le film à la suite des interdictions de juin 2007. Dans mon scénario, il était important que chaque histoire représente une communauté de « l’Absent ». Et comme il fallait parler des Juifs, j’ai tenu à situer la troisième histoire à Constantine, ville où vivait et a été assassiné Cheikh Raymond, le maître de la musique andalouse. C’était en 1961, une année avant l’indépendance. Dans ce contexte, le personnage devait avoir eu une relation avec Cheikh Raymond. Et X m’avait raconté que son père avait été marié par Cheikh Raymond et que pendant toute son enfance, à la maison, ils n’écoutaient que ce chanteur au point qu’il croyait qu’il était le seul chanteur au monde !

Kheireddine. Quatrième personnage. Oran. 5 juillet 1962.

Kheireddine est metteur en scène. Il a 30 ans. Il n’avait pas mon âge mais c’était une exception à la règle. J’ai rencontré ce personnage par hasard à la mairie d’Oran où nous étions en quête de soutien. Il travaillait à la mise en scène de la pièce d’Albert Camus « Les Justes ». Encore une chance ! Le thème de cette pièce faisait écho à l’une des questions posées dans mon film : la violence révolutionnaire peut-elle s’exercer sans limite ? Kheireddine n’avait pas vécu la guerre mais il m’avait raconté que dans sa famille, on lui avait souvent parlé de massacres de non-Musulmans, le 5 juillet 1962, à Oran et des cadavres jetés dans la Sebkha du Petit Lac.
Cette partie a été tournée à Sidi El Houari anciennement « La Marine », quartier où il avait une forte concentration de populations d’origine espagnole et arabe. Les enfants de pêcheurs, marins, ou dockers étaient presque tous sœurs ou frères de lait ! Et Kheireddine a accepté ma proposition de devenir le personnage principal de cette quatrième partie car cette plongée dans la mémoire était pour lui vitale et allait lui servir pour son travail théâtral.

Comment dans un contexte de colonisation, deux populations, l’une indigène sous domination, et la seconde, française, bénéficiant de la protection et des privilèges du système colonial, pouvaient-elles vivre en harmonie ?

En Algérie, le thème de la cohabitation entre les trois communautés durant la période coloniale relève du tabou. Lorsque ce thème est abordé, il est fait de manière caricaturale. Les rapports humains sont dépeints en fonction d’une grille de lecture binaire : colonisateur/ colonisé. Or la mémoire populaire, lorsqu’elle reste proche du vécu, elle nous restitue les mille et une nuances et contradictions.
Depuis quelques années, de plus en plus de Pieds noirs et de Juifs retournent en Algérie. J’ai assisté par hasard à Mers El Kebir à une scène de retrouvailles après plus de 40 ans de séparation. Ils n’arrêtaient pas de s’embrasser, de se toucher et de se remémorer les souvenirs du temps ancien. Par le biais du net et à travers les sites des villes et des lycées, des enfants de toutes origines devenus sexagénaires tentent de renouer des liens. Personne ne tient compte de cette réalité. Ni la presse. Ni la télévision. Encore moins les cinéastes et les historiens. Pourquoi ? Sans doute parce que cette démarche ne correspond pas aux schémas dominants de pensée.

Le retour au passé se fait sur la base de témoignages d’hommes et de femmes ayant soit assisté soit entendu parler des exactions commises à l’encontre des populations des Pieds noirs et des Juifs. N’y a-t-il pas risque de problème de fiabilité et de crédibilité des informations recueillies ?

Non, vous ne pouvez pas dire ça ! Dans mon film, il n’y a pas que les exactions. Il y a aussi les connivences, les solidarités et l’amour ! Rappelez-vous Aziz et Balestrieri, Katiba et Tata Angèle, Darsouni et Raymond, Tchi Tchi et ses copains d’origine espagnole.
Quant à la fiabilité et la crédibilité des informations, je peux donc vous garantir que lorsqu’un témoin raconte ce qu’il a vu ou lui-même fait, j’en ai eu la confirmation par des dizaines d’autres recueillis et souvent filmés avec ma petite caméra de repérage. Cette technique de recoupement a permis de limiter les risques de la reconstruction mémorielle. Que les journalistes aillent interviewer les Skikdis et les Oranais de plus de 60 ans. Ils en sauront autant que moi sur ce qui s’y est passé en 1955 et en 1962.

Ce film ne préconise-t-il pas une vision manichéenne ? D’un côté, les nationalistes musulmans qui apparaissent comme des « tueurs » ? Et de l’autre côté, les civils non musulmans, victimes des exactions commanditées par l’ALN. ?

C’est la question qui est manichéenne, pas le film ! Car à l’inverse de l’histoire officielle, la mémoire populaire n’est pas univoque. Dans le film, il y a aussi des nationalistes qui épargnent des Européens comme l’oncle d’Aziz ! Idem pour Tchi Tchi à Oran. Quant à l’Oranaise en haïk blanc, elle pousse des youyous de joie en voyant défiler les moujahidines le matin du 5 juillet 1962, mais pleure aussi en voyant partir les Européens de son quartier car elle di : « Ils ne nous ont fait que du bien ». A Constantine, un violoniste qui se présente comme un fidaï, affirme bien que « Raymond ne valait même pas la balle qui l’a tué ». Mais on voit aussitôt Cheikh Darsouni quitter la loge du théâtre en guise de désapprobation. Et dans la séquence qui suit, il nous décrit Raymond avec beaucoup d’amour.

En mettant en lumière la responsabilité des nationalistes algériens dans les exactions contre les civils européens, n’y-a-t-il pas risque de démystifier voire de « désacraliser » la lutte nationaliste algérienne ?

Sacralité et vérité sont deux choses bien différentes. Mohamed Harbi, qui a tenu à défendre mon film a témoigné qu’il y avait eu « des dirigeants nationalistes partisans du nettoyage ethnique ». Le témoin d’El Alia affirme bien que ses chefs leur ont expliqué qu’il : « fallait tuer femmes et enfants, pour que les gouars s’en aillent en France ». Tout en sachant que Balestrieri ravitaillait l’ALN, celui de Skikda a bien affirmé que : « Si je l’avais trouvé sur mon chemin, je l’aurais tué. C’étaient les ordres ! ». Celles d’Alger : « les bombes visaient la population étrangère ». Celui de Constantine : « l’assassinat de Raymond visait à faire partir la communauté juive d’Algérie ». Et ceux d’Oran : « Si il n’y avait pas eu le 5 Juillet 1962, les Européens seraient restés ».
Ces témoignages et tous ces termes qui désignent l’autre en religion, l’étranger « gaouri », « roumi », « yahoud » indiquent bien qu’il y a eu à l’œuvre une pensée de type ethnique fondée sur une idée de pureté de l’identité et de la « race ».
Après des décennies « d’héroïcisation » de l’Histoire, et après les deux décennies « noires », n’est-il pas temps que l’on s’habitue à l’idée que tous les pays ont leurs histoires sombres et que l’Algérie ne fait pas exception ?

Une production algero-française Naouel Films (Algérie), ENTV (Algérie) Rachida Lledo, Jean-Pierre Lledo Mille et Une Productions (France) Edouard Mauriat, Anne Cécile Berthomeau Avec le soutien du FONDS SUD CINEMA Ministère de la Culture et de la Communication -CNC- Ministère des Affaires étrangères (France) de la REGION ILE DE FRANCE et du CONSEIL DU VAL DE MARNE Aide à la création cinématographique et audiovisuelle Ce film est soutenu par l’ACID