Paul Gauguin et l’atelier des tropiques

Paul Gauguin et l'atelier des tropiques

Week-end à Paris, plutôt qu’à Rome – comme le chantait encore Etienne Daho, samedi soir, à la Star Academy (c’est fou quand même, d’être à Paris et de se colleter la télé, le soir, dans sa chambre d’hôtel, non ?) – car la Ville Lumières accueille mon peintre préféré sous les verrières monumentales du Grand-Palais. Je me suis donc enfuie vers la ville de l’Art.

J’avais tenté l’aventure parisienne dès vendredi, puisque les week-ends sont déjà trop court. Alors pourquoi ne pas s’offrir un jour supplémentaire ? Arrivée très tôt à la Gare de Lyon, j’ai déposé mes petites valises griffées dans la Grand Standing du Méridien de Montparnasse, puis hélé un taxi pour me rendre au Grand-Palais.
Quelle erreur de timing ! Nous avions oublié la cérémonie du 4 décembre. Aucune information n’avait prévenu quiconque. Pas plus les professionnels que les pauvres hères qui se le gelaient en battant la semelle devant les arrêts dans l’attente d’un hypothétique bus.
4 décembre. Kézako ?
La commémoration de la guerre d’Algérie, une parodie de cérémonie que les associations d’anciens combattants et les Arkkis dénoncent de concert car la date ne correspond à rien …
Mais la France étant ce qu’elle est, on fête donc la défaite de la guerre d’Algérie, un 4 décembre, à neuf heures du matin, quai Branly, et l’on paralyse la moitié de la ville pour satisfaire à l’orgueil de certains et à la nostalgie des autres. En oubliant les milliers de salariés qui doivent se rendre à leur travail. Et les touristes qui fulminent dans leur taxi, bloqués dans un embouteillage dantesque !
A plus de onze heures je pu enfin mettre le pied sur l’escalier qui mène à l’exposition, avec une heure de retard (envolée ma réservation) après plus de deux heures de voiture pour faire cinq kilomètres, et une facture, même réduite en francs suisses, qui dépasse la décence …

Mais Paul Gauguin me fit tout oublier.
L’exposition qui se déroule au Grand-Palais, présente des peintures, des sculptures, des manuscrits et des photographies de mon héros ; toute la vie extraordinaire que Gauguin vécut à Tahiti, puis aux Marquises, est ainsi détaillée.
Cet éternel absent qui mena un périple extraordinaire nous a laissé des toiles magnifiques. Malgré le dénuement, malgré la solitude, Gauguin a relevé l’incroyable défi auquel il était confronté. Ce paradis qu’il cherchait – et qu’il n’a pas trouvé –, il l’a imaginé, il lui a donné vie et forme sur ses toiles incendiées par la couleur, nimbées de songe et de mystère.

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J’ai marché ainsi toute la journée sur les pas de Paul Gaugin, qui aimait à répéter : « J’ai voulu savoir. »

Cinquante tableaux, plus de trente sculptures et objets d’art donc … qui font que cette expo n’est pas la simple présentation d’une série d’œuvres axées sur la période polynésienne. Elle est plus que cela. Elle est interactive, aussi. Car elle met en scène. Donc elle instaure un jeu de rôle(s) avec le spectateur en lui présentant des éléments qui, d’une manière ou d’une autre, ont soutenu ou accompagné la phase créative de l’artiste. La présence de nombreuses pièces marquisiennes – les fameux tikis, mais aussi des ornements d’oreille, des objets usuels – vient attester, en regard de certains tableaux, de l’influence que cet art exerça sur le peintre.
Idem pour les photos qui apportent, pour les unes un témoignage sur le paysage tahitien, pour d’autres la preuve de l’utilisation que Gauguin a pu faire de certaines d’entre elles.
J’avoue un petit faible pour Te nave nave fenua (Terre délicieuse), D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Qui sommes-nous ? et Vahine no te vi (La Femme à la mangue, musée de Baltimore) qui arrive tout droit du musée Pouchkine, de Moscou. Gauguin reste donc un infatigable voyageur. Ses toiles continuant à faire le tour de la terre. Célébration de la flamboyance des couleurs et reconnaissance de la trempe du maître.

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manuscrit original

« J’allai ce soir fumer une cigarette sur le sable au bord de la mer. Le soleil arrivait rapidement à l’horizon, commençant à se cacher derrière l’île de Morea que j’avais à ma droite. Par opposition de lumière les montagnes se dessinaient noires puissamment sur le ciel incendié, toutes ces arêtes comme d’anciens châteaux crénelés. Tandis que toutes ces terres croulent dans le déluge, il reste encore de toute cette féodalité disparue pour toujours ce cimier protecteur, celui-là plus près des cieux regardant les eaux profondes et, majestueusement l’ironie à la fissure, compatissant peut-être à cette foule engloutie pour avoir touché à l’arbre de la Science s’attaquant à la tête-Sphinx. Vite la nuit arrivé. Morea dormait encore cette fois. Je m’endormis plus tard dans mon lit. Silence d’une nuit tahitienne. »
Extrait de Noa Noa, par Paul Gauguin.

Je n’ai pas pu quitter le Grand-Palais sans acquérir le Catalogue de l’Exposition, 320 pages, Réunion des Musées Nationaux, 45 euros.
Pour conserver un peu magie …

Annabelle

Gauguin-Tahiti, l’atelier des Tropiques est à admirer jusqu’au 19 janvier 2004.
Entrée square Jean-Perrin, 75008 Paris, tous les jours, sauf le mardi, de 10 à 20 heures (le mercredi de 10 à 22 heures).

Gauguin-Tahiti, l’atelier des Tropiques est à admirer jusqu’au 19 janvier 2004.
Entrée square Jean-Perrin, 75008 Paris, tous les jours, sauf le mardi, de 10 à 20 heures (le mercredi de 10 à 22 heures).