Les Journalistes vont serrer les Fesses avec Emmanuelle Mignon

Les Journalistes vont serrer les Fesses avec Emmanuelle Mignon

Pressenti depuis quelques semaines, le remplacement d’Emmanuelle Mignon à l’Élysée est désormais chose faite. Les journalistes s’en donnent à cœur joie en relevant ce qu’ils pensent être une sanction, sans s’apercevoir qu’il s’agit d’une promotion pour le cerveau talentueux de l’équipe élyséenne, qui s’occupe à présent des États généraux de la Presse, dont les assises auront lieu au mois d’octobre.

Emmanuelle Mignon, fidèle parmi les fidèles de Nicolas Sarkozy, avait suscité, en février, une polémique, en déclarant, dans VSD, que les sectes étaient un non-problème en France. Réputée pour son caractère entier, souligne Le Monde le 29 juillet, la Directrice de Cabinet entretenait des relations compliquées avec le Secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant. Elle était donnée partante de son poste depuis plusieurs mois. Le chef de l’État, qui souhaitait qu’elle reste à l’Élysée l’a nommée conseillère auprès du président de la République, ce qui constitue en réalité une promotion dans l’ordre protocolaire. Nicolas Sarkozy vient d’opter pour une recomposition moins radicale de son équipe, la 2ème depuis son entrée à l’Élysée. Sera-t-elle suffisante ? s’interroge France-Soir le lendemain… Son côté scout, catholique et ultralibéral crispe le secrétaire général Claude Guéant et le conseiller politique Henri Guaino, plus étatistes. Le second lui vole son rôle de plume, et le bureau attenant à celui du chef de l’Etat. Elle tente de lui interdire de s’exprimer dans les médias. Ambiance !


S’il n’est pas inopportun de rapporter les frictions qui existent au sommet de l’État, il est de bon ton dans les médias de jeter le bébé avec l’eau du bain : à l’étroit dans ses fonctions, Emmanuelle Mignon se voit confier les dossiers de l’audiovisuel, de la laïcité et des institutions, poursuit le quotidien. Le premier patine, elle s’illustre dans le deuxième par le très controversé discours de Latran et ses propos sur les sectes. Cette énarque multi-diplômée, major de sa promotion, est issue du Conseil d’État, tandis que l’entourage du Secrétaire général de l’Élysée est passé par la Préfectorale. Elle a toujours choisi la voie qui lui plaisait en dépit des conventions, et n’hésitait pas à livrer à l’hiver dernier dans un long entretien qui a fait le tour de la Toile : presque toutes les étapes de mon parcours ont été en rupture avec la trajectoire que les autres, qu’il s’agisse de ma famille, de mes amis, de mes supérieurs, avaient tracée pour moi. Je les ai toutes choisies !


C’est donc un nouveau job qui attend la boîte à idées de Nicolas Sarkozy, afin de pallier à la douce errance de Christine Albanel, dont aucun des dossiers que le président de la République a confié à la rue de Valois n’est sorti de l’Élysée : l’éducation culturelle et artistique à l’école, la médiation audiovisuelle des œuvres de l’esprit, le sauvetage de l’industrie musicale, et surtout, la restructuration de la presse française… Vous prendrez les dispositions nécessaires pour permettre à la presse quotidienne de sortir de la crise qu’elle traverse depuis des années, en particulier en ce qui concerne le régime de sa distribution et son adaptation à l’univers numérique, écrivait Nicolas Sarkozy le 1er août 2007 dans la lettre de mission qu’il avait adressé alors à Christine Albanel. De fait, pour toutes ces réformes, on l’a vu, la ministre de la Culture s’est bornée à passer les plats dans les journaux, le plus souvent sans avoir été avertie des mesures envisagées, comme la suppression de la publicité sur le service public de la télévision !

La guerre est déclarée à l’automne :


Ainsi, Danièle Giazzi, Secrétaire nationale en charge des Entreprises pour le compte de l’UMP, s’est vue confier par Nicolas Sarkozy une mission pour établir un état des lieux du paysage médiatique et son adaptation à l’économie numérique. Il m’a donc demandé début juin de faire un état des lieux du secteur des médias et de lui proposer des mesures concrètes pour les aider à affronter ce "big bang" économique et culturel, explique Danièle Giazzi. Les préconisations finales tourneront autour de trois axes : maintenir et favoriser le pluralisme de l’information, préserver les conditions d’une offre des contenus éditoriaux de qualité, assurer la rentabilité et la compétitivité de nos entreprises de médias.


Nicolas Sarkozy a précisé dans une interview au journal Le Monde daté du 17 juillet, ses intentions pour les États généraux de la Presse qui vont se tenir à l’automne : la presse est une industrie stratégique qui mérite d’être développée. Je veux changer la donne pour que ces groupes puissent vivre. Si vous ne pouvez être viable économiquement, c’est la démocratie qui en pâtira, y a-t-il affirmé. Ces États généraux seraient organisés en différents groupes de travail sur les thèmes de la diffusion et de la distribution de la presse, des droits d’auteurs des journalistes, de la sous-capitalisation de la presse, du numérique et, enfin, de la création de groupes multimédias… Il s’agit donc du pendant du Grenelle de l’Environnement qui a tenu l’opinion publique en haleine tout l’automne 2007, mais à destination cette fois-ci d’une profession qui n’entend pas s’en laisser conter !


Déjà, l’intersyndicale des journalistes craint la forme que prend le texte sur les droits d’auteur des journalistes lors de ces États généraux, a-t-elle indiqué mardi lors d’une conférence de presse. Un amendement au projet de Loi de Modernisation de l’Économie visant les droits d’auteur des journalistes avait été annulé la semaine dernière, faute d’avoir été défendu. Cet amendement visait à instaurer un dispositif légal reconnaissant la cession automatique à l’éditeur de droits exclusifs sur les contributions journalistiques pour tous les supports que l’entreprise édite. Les syndicats insistent sur la nécessité de négocier les droits d’auteurs en collectif pour être mieux défendu, et non en individuel. Dans le cadre d’un accord collectif, entre employeur et organisations syndicales, on peut supposer que les syndicats seront plus à même de défendre les intérêts des journalistes, estime le représentant du Syndicat national des Journalistes.

La presse est morte, vive la presse !


La presse écrite est engluée dans une crise latente depuis l’essor des médias audiovisuels, et l’engouement pour l’Internet n’a fait que précipiter la dégradation de ses ventes. L’Humanité, le 2ème quotidien français le plus ancien, le journal de Jean Jaurès, est près de la cessation de paiement de façon chronique, et ne survit que grâce aux publicités institutionnelles. Son siège social dionysien, est mis en vente pour 15 millions d’euros, mais le dernier acquéreur potentiel s’est rétracté devant le prix demandé pour ce somptueux bâtiment dessiné par Oscar Niemeyer… Il reste aux communistes aujourd’hui 2 millions à trouver pour passer les congés d’été tranquilles. Quant au quotidien de référence, sa pérennité passe par le site du monde.fr et la vente de ses actifs par appartements !


Sur celui de la distribution, Nicolas Sarkozy a déclaré : nous avons les journaux les moins bien diffusés du monde… si ce n’est pas un problème, dites-le-moi ! Sur le sujet de la constitution de grands groupes médias français, le chef de l’État prétend qu’il en va de la responsabilité du président de la République que d’essayer de construire un modèle économique qui permettra à des grands groupes français d’être indépendants. Le grand groupe de communication français Lagardère n’a pas de télévision et le grand groupe de télévision français Bouygues n’a pas de presse. Quant au groupe de télévision Canal +, il n’est présent qu’en France, a souligné Nicolas Sarkozy, rappelant qu’il fallait faire face à Murdoch et des géants de cette nature et qualifiant la situation de problème pour la France.


Le système qui régit la structure financière et la distribution de la presse en France date de la Libération, il a été mis en œuvre pour éviter que les puissances d’argent ne s’emparent du débat public et c’est un lieu commun de constater qu’il n’a pas empêché que les mêmes dérives redoutées par le président Eisenhower aux États-Unis ne se produisent également au pays de Voltaire… Le complexe militaro-industriel, où qu’il prospère, est le plus fort ! C’est ainsi que l’empire Hersant s’est effondré à la mort du papivore, avec 1 milliards de francs de dettes en 1996… Il est mis en pièces par Lagardère et Dassault, dont les beaux restes constituent aujourd’hui les plus beaux fleurons de ces marchands d’armes. En constante augmentation depuis la 2ème guerre mondiale, quand la pénurie de papier offrait une excuse aux journalistes soumis à la censure de l’Abwehr, le prix des journaux s’est accompagné d’une réduction parallèle des tirages et de leurs cahiers.


Moins à lire pour plus cher, et toujours plus de titres, alors que pris par segment de marché, journaux et magazines apparaissent de plus en plus équivalents… Ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’affaire Siné révèle un malaise latent où le conformisme le dispute au politiquement correct, selon la géniale trouvaille de Bernard-Henri Lévy : et si "politiquement correct" était aussi le prédicat d’un discours et, en la circonstance, d’un humour qui s’interdirait le racisme, l’antisémitisme, l’appel au meurtre ? Gageons que notre prochain prix Nobel de littérature, si prompt à l’invective et à l’épuration intellectuelle, ne connaît pas de blague juive… La presse écrite, et au premier rang d’infamie de laquelle figurent les quotidiens nationaux, disparaît doucement mais sûrement du paysage français, entraînant dans sa débâcle des centaines d’emplois, des journalistes aux kiosquiers.


Ainsi, les directeurs de magazines en ont assez de payer les Nouvelles Messageries parisiennes (MNPP) pour préserver la spécificité d’un — depuis si longtemps — seul quotidien vespéral, tandis que les ouvriers du Livre s’opposent depuis une vingtaine d’années à la modernisation et à la rationalisation des processus de fabrication et de distribution. Et les journalistes les plus illustres, toujours prêts à défendre une corporation qui se réduit chaque année comme une peau de chagrin, font tout pour discréditer une concurrence indépendante et libre sur Internet… Emmanuelle Mignon va donc plancher pour mettre au pas ce joli petit monde, et elle a fort à faire.

 

 


La presse au goût du jour n’a jamais existé
Ici, sauf pour des gens qui font caricature :
Du papier gras qui tache et qu’on jette en pâture
Au peuple en mal de flair et le temps d’un été !


Les journaux de la veille ont eu plus de doigté,
Ils nous ont bien fait rire et menés en voiture,
Mais ils n’ont plus de sens et le mot de culture
À la bouche alors que leur humour s’est gâté…


Des faits et des photos, mais plus un commentaire
Pour celer au matin ce qu’il vaut mieux nous taire,
Voilà ce qu’on nous sert, voici vos plats du jour !


Rêvez, crétins, mais ne sondez plus nos colonnes,
Vous verriez au travers d’un si triste abat-jour
Que bien des vérités, chers lecteurs, sont félonnes.