SHANGAI SKIPPER, Tito Topin (éditions Jigal)

SHANGAI SKIPPER, Tito Topin (éditions Jigal)

Tito Topin est un monsieur aussi charmant que discret, et si son nom vous dit certainement quelque chose, a priori peut-être peinez-vous à vous rappeler exactement où vous l’avez déjà vu… A moins que vous soyez un lecteur féru de polar français, et vous n’ignorez pas alors qu’il est de nos meilleurs auteurs ! Sinon rappelons pour mémoire que Tito Topin est depuis des lustres sous vos yeux au générique de Navarro, son célèbre personnage de commissaire de choc rendu immortel par Roger Hanin. Mai nous parlerons davantage pour cette fois de la réédition bienvenue de son Shangaï Skipper !


SHANGAI SKIPPER est ton excellent premier roman, mais qui ne date que d’une grosse vingtaine d’années... Une vocation tardive ?

Contrairement à ce que dit la 4ème de couverture, Shanghaï Skipper n’est pas mon premier roman (c’est Graffiti Rock. SN Gallimard. 1982). Vocation tardive, certainement puisque Graffiti Rock est publié l’année de mes cinquante ans. Avant ça, j’ai exercé pas mal de métiers qui tous, tournaient autour du graphisme et de la publicité. Cela pouvait aller de l’illustration, d’une campagne de pub, d’une BD à une affiche de cinéma, par exemple, en passant par de l’animation et des génériques de films. Comme la publicité est une maîtresse infidèle pratiquant le jeunisme à outrance, comme je me trouvais devant de nouvelles technologies que je dominais mal dans le graphisme, j’ai pris une machine à écrire et j’ai tapé un manuscrit que j’ai envoyé à cinq éditeurs. C’est Gallimard qui a dégainé le premier.

La BD ne te manque pas, par exemple ?

J’ai fait de la BD comme dessinateur avec Jean Yanne comme scénariste. C’est un travail de moine où on se retrouver à plancher tous les jours dans un isolement total. Par contre, j’ai travaillé par la suite avec Loustal, avec Rochette, comme scénariste et je pourrais recommencer l’opération si l’opportunité se présentait, mais seulement avec des dessinateurs que j’estime et dont je comprends le travail, comme ceux que je viens de citer, et d’autres encore que je connais et qui sont des amis. Il se trouve que l’expérience ne s’est pas renouvelée, mais elle ne me manque pas vraiment.

Dans SHANGAI SKIPPER, il n’y a pas de flic... Ni gentil, ni morale ! On est trés loin de Navarro :

J’ai écrit d’autres romans où le point de vue n’est pas celui du flic (comme Photo Finish, chez Rivages Noir), mais le flic (ou le détective, ou l’avocat) te permet d’avoir un héros avec lequel tu peux évoluer sur plusieurs romans sans pour autant générer une morale de flic, c’était le cas d’Emile Gonzalès à la série noire, c’est le cas aujourd’hui avec Bentch chez Fayard. Par contre, à la télévision, Navarro se devait d’avoir une morale et même une morale bêtifiante mais cela faisait partie du cahier des charges de TF1, une chaîne qui n’a pourtant pas une grosse réputation de moraliste, il suffit de se souvenir des déclarations de ses dirigeants.

T’en as écrit combien, des Navarro ?

J’ai écrit ou co-écrit cent-huit épisodes de Navarro, en 90 minutes chacun, soit 162 heures de fiction, ce qui représenterait presque sept journées consécutives de programme si une chaîne les passait en continu. Par contre, je n’écris pas ni ne participe au spin-off intitulé Brigade Navarro.

Tu comprendras qu’on ne me pardonnerait pas de ne pas te poser la question : il est sympa, Roger Hanin ? Tu as le droit de mentir...

Dix-sept années de travail en commun créent des liens. Au-delà de la sympathie, Roger Hanin s’est conduit comme un grand professionnel tout au long de ces années, se cantonnant dans son rôle d’acteur principal sans jamais se mêler des scénarios.

Ton "héros" y compris, tous les protagonistes de SHANGAI SKIPPER peuvent passer pour des loosers... Ainsi Skipper : ses deux femelles le "baisent", son patron l’entube et il fantasme des voyages à l’autre bout du monde... où il ne mettra sans doute jamais les pieds ! Tu as le goût des pauvres types ?

C’est un looser qui se barre à la fin avec le fric, c’est un looser qui survit aux massacres, c’est un looser qui expédie ad-patres son ex-nana et son frère. Oui, j’aime bien les loosers à condition qu’il batte les crétins et les petits malins qui l’entourent.

Tu vis pépère à la campagne, dans la Drôme que je sache... Tu as un tempérament d’ermite ?

Dans le Vaucluse. Mais je vis à la campagne comme je vivrais à la ville, avec plus d’espace. Il est tellement facile de se déplacer aujourd’hui, d’expédier son travail aux quatre coins du monde, de communiquer avec la terre entière, que le faire de mon village ou d’une grande ville ne change pas grand-chose. Non, ce n’est pas un ermitage, d’ailleurs il n’y a pas de rosé dans un ermitage.

Qu’est-ce qu’il manque à ta carrière qui te comblerait ?

Sans doute une pièce de théâtre, mais je déteste aller au théâtre, on y est mal assis, il y a toujours une tête devant qui t’empêche de voir le comédien et il n’y a jamais de gros plans.

C’est vrai que si t’es pas au premier rang, t’es mort… A part ça, on se promène tous les deux dans les salons du livre avec un teckel sous le bras... Est-ce que c’est bien normal ?

Mon chien, Pirate, ne sait pas qu’il est un chien. Il croit qu’il est écrivain et que je l’accompagne dans les salons.

Pour finir, quelle question aurais-je dû te poser si j’étais plus impertinent ?... Et merci d’avance d’y répondre !

Tu es suffisamment impertinent, mon cher Serge. Tu as posé les bonnes questions et je réclame ton indulgence pour les mauvaises réponses.

Je n’en ai pas notées…