Ingrid Betancourt pourrait devoir sa Libération au SS Otto Skorzeny

Ingrid Betancourt pourrait devoir sa Libération au SS Otto Skorzeny

L’opération qui a permis la libération d’Ingrid Betancourt le 2 juillet dernier est en tout point semblable à celle que l’officier SS Otto Skorzeny a dirigée en vue d’enlever Benito Mussolini aux mains des autorités italiennes le 12 septembre 1943.

À part l’audace qui a conduit ces 2 opérations au succès, il n’y a sans doute aucun rapport. S’il n’y avait pas d’esprit de corps au sein des forces spéciales, entretenu par une culture historique et militaire spécifique, et de lien entre les nazis réfugiés en Amérique latine et les forces de l’ordre de tous les pays de la région, il n’y aurait certainement pas lieu de s’attarder sur l’extraordinaire coïncidence entre ces deux opérations militaires.


Le 25 Juillet 1943, Benito Mussolini est destitué par le Grand Conseil fasciste, arrêté et emmené dans un lieu secret. Les pleins pouvoirs échoient au roi Victor-Emmanuel III, qui nomme le maréchal Pietro Badoglio chef du gouvernement. Les Alliés ont envahi la Sicile et pris Palerme. Ils ont déjà posé le pied sur la botte italienne… Otto Skorzeny, Obersturmführer SS chargé de mettre au point des forces spéciales, et 5 autres officiers sont convoqués par Adolf Hitler pour enlever le Duce afin d’empêcher que les autorités italiennes ne fassent volte-face et poursuivent la guerre aux côtés des forces anglo-américaines.


Ingrid Betancourt est prisonnière des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) depuis le 23 février 2002, et l’objet bien malgré elle d’un enjeu mondial où les grandes puissances ont pris part pour le contrôle de la clef des Caraïbes. Hugo Chavez, le président du Venezuela, voudrait fédérer autour de lui les forces progressistes qui sont parvenues au pouvoir au cours des années précédentes dans les autres pays de la région, contre les États-Unis qui soutiennent à fond la répression que mène le chef de l’État colombien à l’encontre des guérillas. Deux libérations unilatérales d’otages au début de l’année ont beaucoup renforcé la position d’Hugo Chavez, mais son crédit est entamé au fur et à mesure des révélations faites par l’ordinateur de Raul Reyes, abattu le 1er mars par l’aviation colombienne. Obtenir la libération d’Ingrid Betancourt apparaît de plus en plus à chacune des parties en présence comme une victoire ultime et un coup d’arrêt dans l’exacerbation des tensions.

La préparation de l’opération


À l’été 1943, l’enlèvement de Benito Mussolini serait propre à inverser la spirale de l’échec des armées de l’Axe qui se replient sur tous les fronts et maintenir un statu quo militaire en attendant les armes décisives que le IIIème Reich est tout prêt de mettre en service. La mission de Skorzeny consiste à découvrir où le chef fasciste est détenu, puis à le libérer. Devant l’urgence, cette opération se devait d’être préparée et réalisée avec toutes les chances de réussites et dans le secret le plus absolu.


Après un entretien avec le général Student, Otto Skorzeny constitue un groupe opérationnel. Près de 40 Waffen SS sont désignés, équipés d’uniformes tropicaux, de vêtements civils, d’armes, d’explosifs, d’émetteurs-récepteurs radiophoniques, de parachutes et de nouveaux livrets militaires destinés à masquer la présence de membres de la SS en Italie. Grâce aux informations fournies par l’attaché de la Police militaire auprès de l’ambassade allemande à Rome, le Sturmführer SS Herbert Kappler, il est possible de découvrir les endroits successifs où Mussolini est retenu prisonnier.


Le lieu de détention de Benito Mussolini est d’abord la forteresse Maddalena en Sardaigne. Le talentueux officier échafaude un plan pour libérer le Duce en débarquant subrepticement à bord de torpilleurs. Mais l’opération, planifiée pour le 28 Août 1943, est annulée en catastrophe : le nouveau gouvernement italien ayant apparemment eut vent des préparatifs, l’ancien maître du pays est transféré au dernier moment à l’Hôtel des Sports au Gran Sasso, dans les Abruzzes, à près de 2.000 mètres d’altitude. Il est possible que le chef de l’Abwehr, l’amiral Canaris ait prévenu les Alliés de l’action prévue !


En Colombie, des agents des services de renseignement colombiens ont infiltré les FARC. Des contacts sont établis grâce aux désertions en nombre de guérilleros, et via les informations recueillies auprès de l’Église colombienne et d’organisations humanitaires obtenues grâce à la coopération internationale. Selon le colonel Luis Gomez, l’Armée nationale colombienne aurait localisé les otages dans la province de Guaviare en février 2008. Des témoignages postérieurs affirment que des soldats ont aperçu Ingrid Betancourt et d’autres captifs se laver dans une rivière au cours d’une opération militaire d’envergure au mois de mai, mais que les conditions n’étaient pas réunies pour garantir la sécurité des otages.


D’après le ministre de la Défense Juan Manuel Santos, le Secrétariat des FARC aurait été infiltré au plus haut niveau, et le chef des geôliers, Gerardo Aguilar Ramírez alias Cesar, aurait ainsi été abusé. Il est cependant plus probable que des guérilleros ont été retournés par les services colombiens en échange de fortes sommes d’argent et l’abandon des poursuites conformément aux engagements pris par le président Alvaro Uribe. C’est aussi de cette façon que Manuel Muñoz Ortiz, alias Ivan Rios a été assassiné le 7 mars par son garde du corps, qui a remis la main droite du chef rebelle en se constituant prisonnier.


Ainsi, le 20 mars, l’un des deux commandants du groupe qui détenait Ingrid Betancourt aurait pris lui-même contact, indirectement, avec les autorités, de façon à savoir quel était le contenu exact de l’offre de reddition. Autre possibilité, la compagne du chef de groupe, connue sous le nom d’Adriana, emprisonnée en février, aurait été associée au retournement des responsables des otages. Le 4 juillet 2008, la Radio suisse romande annonce de source fiable, qu’il y aurait eu un versement de 20 millions de dollars et que l’opération Jaque aurait été une mascarade. La France, par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, affirme ne pas avoir été associée à des modalités de financement et n’avoir versé aucune rançon pour cette libération. En revanche, les émissaires français Noël Saez et suisse Jean-Pierre Gontard sont arrivés à Bogota à la fin juin, afin de tenter une ultime médiation avec les FARC, juste avant que les 15 otages ne soient libérés par l’armée colombienne. Le président a dit clairement à MM Jean-Pierre Gontard et Noël Saez, qui se trouvaient à Bogota, que le gouvernement colombien n’a pas confiance dans leur travail, a déclaré le Haut Commissaire colombien pour la Paix Luis Carlos Restrepo. Enfin, le Procureur général colombien, Mario Iguaran, a ouvert une enquête contre Jean-Pierre Gontard, accusé d’avoir remis 500.000 dollars à la guérilla sur le territoire du Costa-Rica, sur la foi des révélations produites par l’ordinateur de Raul Reyes.

Le déroulement de l’opération


Pour le moment, peu d’informations nous ont été données par les autorités colombiennes, qui les distillent au fil des révélations parues dans la presse. L’armée aurait réussi il y a quelques mois à intercepter les estafettes permettant à Cesar et Alfonso Caño, le nouveau chef des Farc, de communiquer. Selon l’hebdomadaire Semana, le projet serait inspiré du raid israélien sur l’aéroport ougandais d’Entebbe, en 1976. D’où l’utilisation, comme à Entebbe, de moyens humanitaires servant de cheval de Troie. Israël a dû jouer un rôle important. La radio militaire affirme 2 jours après que deux conseillers militaires ont participé à l’opération. Le quotidien Haaretz rappelle que deux officiers supérieurs, depuis peu à la retraite, Israël Ziv et Yossi Kuperwasser, dirigent à Bogota une société de conseil en sécurité, qui emploie des dizaines d’anciens membres d’unités d’élite ou des services secrets israéliens. Cette société, Global CST, a décroché un contrat de 10 millions de dollars en Colombie, après un feu vert du ministère de la Défense, pour aider les forces spéciales dans leur lutte contre les FARC.


L’opération ne serait donc pas 100% colombienne, comme l’avait affirmé le ministre colombien de la Défense, Juan Manuel Santo, juste après la fin de la mission. Bogota a bel et bien bénéficié d’aides extérieures. Très diplomatiquement, la porte-parole de la Maison-Blanche, Dana Perino, a assuré que la Colombie n’avait pas eu besoin du feu vert de l’Administration américaine, mais elle a aussitôt rappelé que ça faisait longtemps que l’opération de sauvetage était en préparation, ça fait longtemps que nous travaillons avec les Colombiens. Elle a aussi indiqué que Washington avait fourni du renseignement et du soutien technique. L’ambassadeur américain à Bogota, William Brownfield, l’a confirmé. Par la suite, Alvaro Uribe a reconnu qu’un soldat portait un T-Shirt de la Croix-Rouge, et s’en est excusé auprès du Comité international… Otto Skozeny, lui le 1er, est passé maître dans l’intoxication et le camouflage. Avec ses hommes, il a participé à la bataille des Ardennes sous l’uniforme américain, semant la confusion à l’arrière des lignes ennemies à bord de 2 jeeps en donnant des ordres absurdes et en inversant les panneaux indicateurs !


La libération de Benito Mussolini proprement dite a eu lieu dans des conditions extrêmes. Otto Skorzeny avise un pâturage à proximité de l’hôtel, qui sert de piste d’atterrissage. Dans le même temps, un bataillon de parachutistes est chargé d’occuper, dans la vallée, la gare de départ du funiculaire qui dessert la résidence. Son adjoint Karl Radl a l’idée de faire participer au raid le général des carabiniers Soleti, qui est connu des gardes, afin que celui-ci leur intime l’ordre de ne point ouvrir le feu sur les soldats allemands. Les carabiniers sortent de leur sieste totalement déconcertés, quand le commando investit l’hôtel, et se rendent sans résistance. Le Duce lui même n’en revient pas.


Au lieu de planeurs, c’est un hélicoptère MiL 17 peint en blanc que l’armée colombienne utilise pour l’exfiltration des otages. Il s’agit d’un modèle en service dans l’armée vénézuélienne, et qui a servi aux 2 opérations de libération menées à l’instigation d’Hugo Chavez au début de l’année. Pareillement, un cameraman enregistre les étapes de l’opération. L’illusion est parfaite ! Dans un cas comme dans l’autre cependant, la libération s’effectue par la voie des airs, afin de soustraire les captifs rapidement à des lieux difficiles d’accès. Benito Mussolini embarque à bord d’un Fieseler Storch, qui décolle sur quelques 10aines de mètres, en risquant de manquer de ressource au dernier moment du décollage. Le chef fasciste est enlevé d’un massif montagneux, tandis qu’Ingrid Betancourt est libérée de l’enfer vert de la jungle amazonienne.

La médiatisation de l’opération


Dans un cas comme dans l’autre, la surprise est totale chez l’adversaire. Hitler n’est pas parvenu à infléchir le cours de la guerre, mais il a installé Benito Mussolini sur les bords du lac de Garde, à Salo, où la république est proclamée pendant que la Wehrmacht investit le nord de l’Italie, offrant aux forces de l’Axe une zone tampon qui empêche les Alliés de voir la péninsule tomber comme un fruit mûr. Les hostilités se poursuivent. Otto Skozeny est promu et décoré, d’autres tâches spéciales lui sont confiées par la suite, en Hongrie sur la personne du régent Horty ou la tentative d’assassinat de Tito en Yougoslavie. Alvaro Uribe n’a pas encore vaincu la guérilla, mais ses chefs désormais se déchirent, sans plus s’occuper des otages sur lesquels on a pu craindre que ne s’exercent des représailles. Ingrid Betancourt est fêtée à Bogota et à Paris, où elle vient dimanche d’accentuer la pression sur les FARC pour la libération de toutes les personnes retenues. Personne ne songe plus à reprocher sa stratégie d’encerclement humanitaire au président colombien, qui se sent plus que jamais maître en sa demeure.


Les correspondances en tout point de ces 2 missions d’exfiltration pourraient n’être que le fruit d’une coïncidence, si le talent de l’officier SS n’avait pas été reconnu par tous les belligérants, et si l’action d’Otto Skorzeny n’avait pas eu de relation avec l’Amérique latine après la guerre. Personnage charismatique et de tout 1er plan du fait de ses faits d’armes, l’Oberstürmbahnführer SS est emprisonné, jugé pour crimes de guerre et acquitté en produisant le témoignage d’un soldat américain affirmant avoir mené aussi des actes de guerre sous l’uniforme ennemi. Depuis l’Espagne où il s’est réfugié, il se lance dans le trafic d’armes et l’exfiltration de ses anciens compagnons d’armes vers le Moyen-Orient et l’Amérique latine.


L’existence de telles filières n’a été confirmée qu’assez récemment, essentiellement suite à des recherches effectuées dans des archives déclassifiées. Jusqu’en 2002, il était généralement admis que les nazis, organisés en réseaux secrets, ont exploité seuls les filières d’évasion. La plus connue de ces filières est OdeSSA, Organisation der ehemaligen SS-Angehörigen, celle-là même que le SS Otto Skorzeny a fondée en 1946 selon Simon Wiesenthal, et qu’il a dirigé avec le Sturmbannführer Alfred Naujocks et en Argentine, dit-on, Rodolfo Freude. Alois Brunner, ancien commandant du camp d’internement de Drancy près de Paris, se serait échappé grâce à OdeSSA vers Rome et ensuite vers la Syrie où il aurait, d’après la légende, mis sur pied les services secrets de Hafez el-Assad, et dont le contact en pays arabe aurait été Johann von Leers, alias Omar Amin, l’adjoint de Joseph Goebbels.


C’est ainsi que de nombreux nazis ont été débusqués en Amérique latine. Les cas les plus connus sont ceux de Klaus Barbie, expulsé de Bolivie en février 1983, et d’Adolf Eichman, capturé en Argentine par les services secrets israéliens en 1960. Plus récemment, plusieurs indices laissent supposer que le criminel de guerre Aribert Heim, médecin dans les camps de concentration où il a exécuté des centaines de prisonniers, dont la trace a été perdue depuis 1962, est en vie dans le sud du Chili ou de l’Argentine. Le premier cas documenté de criminel de guerre français arrivant à Buenos Aires est celui d’Émile Dewoitine, avionneur et industriel convaincu de collaboration. Il a été par la suite condamné par contumace à 20 ans de travaux forcés. La plupart ont sans doute mené une existence très tranquille, à l’instar de Milivoj Asner, un ancien chef oustachi de la police qui vient également d’être identifié après un match de l’eurofoot en Autriche. Une série de photos a permis de le confondre, pendant qu’il trinquait avec des compatriotes venus pour assister à un match de la l’équipe de Croatie… Les États-Unis s’en sont servis au cours de la guerre froide dans leur lutte contre le communisme, et leurs compétences en matière de répression a servi dans l’élaboration de la doctrine de contre-guérilla.


Élaborée pendant la guerre d’Algérie par les colonels Aussaresse et Trinquier, elle est mise en pratique à l’échelle d’un sous-continent durant l’Opération Condor, où les services américains utilisent d’anciens OAS et des criminels de guerre nazis pour éliminer toute opposition aux dictatures militaires au Brésil, en Argentine, au Paraguay et au Chili. Une école de guerre secrète est installée à Sao Paulo et dans la forêt amazonienne, et les SS réfugiés en Amérique latine sont les mieux armés pour mettre en place un appareil de répression qui a fait ses preuves. Imaginer que des soldats français, résistants avant de servir dans les guerres coloniales, aient pu côtoyer après la IIème guerre mondiale, d’irréductibles ennemis, peut paraître incroyable. Pourtant, ils se sont engagés dans l’armée pour s’opposer à l’expansion communiste en combattant vièt-minh et fellaga, et se sont trouvés les alliés objectifs de ceux qui ont soutenu les dictateurs sud-américains après le régime nazi. Ils ont servi la même cause. C’est également ce qui oppose le président colombien à la guérilla dans son pays.

 

 


Elle est libre et pourtant la paix n’est pas trouvée,
Mais la vie est si belle et plus fort, son cœur bat
Pour les captifs : elle a peur et poursuit le combat,
Dans l’enfer vert, les leurs sont cuits à l’étuvée !


Son âme, après tous ces tourments, n’est pas lavée
De ce qu’elle a souffert les nuits sur son grabat,
Ni du poids des appels des veufs qu’elle a pour bât,
Mais veut pour tous la vie aussi qu’elle a rêvée…


Sait-elle au fond comment le monde est-il vraiment ?
Un sauveur n’est-il plus l’émule au bon moment,
Le fourbe affreux et que l’on voue aux gémonies…


Le rival de la veille est depuis tout gentil
Pour qui consent pendant sept ans ces avanies,
Mais pour rester le maître, elle est le bon outil.