De qui se moque Poweo ?

De qui se moque Poweo ?

Une longue banderole était accrochée ce matin aux grilles de la sous-préfecture du Havre. « De qui se moque Poweo ? » A côté, un groupe d’opposants au projet de terminal méthanier à Antifer (Seine-Maritime) piétinait en attendant le résultat d’une réunion avec Charles Beigbeder, président de Gaz de Normandie et de Poweo. Les écolos ne sont pas au bout de leurs peines…

Début juin, Le Mague a présenté l’action des opposants au port méthanier d’Antifer. Sachant que Gaz de Normandie (qui, outre l’actionnaire majoritaire Poweo, réunit la CIM, E.ON Ruhrgas et Verbund) allait présenter sa décision finale courant juillet, la municipalité de Saint-Jouin-Bruneval et l’association Saint-Jouin-Bruneval-Développement durable avaient une nouvelle fois battu le rappel de leurs sympathisant-e-s le 29 juin.

Ce dimanche-là, à l’heure de la messe, le nouveau maire de la commune entendait protester contre le « déni de démocratie » qui éclatait au grand jour. Entouré d’élus solidaires de toutes tendances politiques, du député communiste Daniel Paul aux élus de diverses communes du département (Le Havre, Fécamp, Etretat, Gonfreville l’Orcher, Gainneville…), François Auber a rappelé clairement les choses. Primo, lors du débat organisé par la Commission particulière de débat public (CPDP), fin 2007, une grande majorité des acteurs a refusé le projet de port méthanier. Deuzio, les habitants de Saint-Jouin-Bruneval se sont très nettement exprimés contre le projet en votant pour la liste opposée à l’implantation du terminal. Les élections municipales de mars 2008 ont connu un fort taux de participation. La majorité a été si évidente que tous les anciens élus ont été balayés. Bref, ce scrutin vaut largement tous les référendums.

Malgré cette écrasante évidence, Gaz de Normandie veut passer en force. « Il s’agit là d’un déni de démocratie inacceptable, déclare François Auber. Le Port autonome du Havre, initiateur du projet, et Gaz de Normandie méprisent les populations. Ils méprisent les élus locaux qui ont, seuls, en charge l’aménagement du territoire. Ils méprisent le débat public. Enfin, ils favorisent des intérêts mercantiles au détriment de l’intérêt général. »

Depuis l’élection de la nouvelle équipe municipale, malgré plusieurs invitations, Charles Beigbeder n’a jamais cru bon d’aller parler aux élus locaux. « La concertation n’est pas leur fort », regrette François Auber. Avant aujourd’hui, hormis un petit coup de force commis en mai à l’occasion de la remise des trophées de l’innovation et du développement durable, les deux hommes ne s’étaient jamais rencontrés. C’est chose faite, mais pour un résultat qui fait déjà enrager les défenseurs de l’environnement.

Ils étaient une cinquantaine ce midi, sous la pluie, pour accueillir François Auber et ses collègues maires d’Etretat et d’Heuqueville, eux aussi opposés au port méthanier, à leur sortie de la sous-préfecture du Havre (notre photo). Sans surprise, François Auber a annoncé la mauvaise nouvelle. Gaz de Normandie confirme son intention de construire une installation qui pourrait voir le jour en 2012. Le site aurait alors une capacité de neuf milliards de m3 de gaz naturel liquéfié. « Ce projet vise à consommer plus d’énergie pour vendre plus. C’est en totale contradiction avec le Grenelle de l’environnement », note le maire de Saint-Jouin-Bruneval qui promet de nouvelles actions militantes et juridiques. Poweo ne lance qu’une seule maigre cacahuète aux habitants en colère : le terminal a été déplacé de 600 mètres par rapport au projet initial pour que la plage ne soit pas trop près de la zone de danger…

Dans un récent communiqué, Gaz de Normandie affirmait « sa volonté de garder le dialogue ouvert avec les collectivités territoriales et l’ensemble des parties prenantes ». Où est le "dialogue" dans cette situation ubuesque ? Les élus de Saint-Jouin-Bruneval ne désarment pas. Ils prendront d’ailleurs certaines décisions dès ce soir à l’occasion d’une séance de conseil municipal qui s’annonce constructive. Pour mener à bien leurs actions, élus et associations comptent également se mettre en réseau avec des luttes similaires comme celle signalée par Le Mague dans l’estuaire de la Gironde.