Payer moins cher le Pétrole est possible

Payer moins cher le Pétrole est possible

Les vacances vont commencer dans les bouchons et les restrictions pécuniaires. Les deux principales organisations de transporteurs routiers ont appelé au blocage des principales voies de circulation en Ile-de-France et autour des grandes villes de province, pour exiger des mesures d’urgence afin d’amortir la hausse du prix des carburants.

Quelque 5.000 véhicules vont être mobilisés pour l’opération escargot. Les abords de Bordeaux, Reims, Strasbourg, Brive-la-Gaillarde, Périgueux, Toulouse, Auch, Béthune, Cannes, Saint-Laurent du Var, Vitrolles, Angers, Le Mans ou Lyon figurent parmi les cibles visées par les transporteurs. Les actions commencent tôt le matin avec une intention de nuire évidente. Soumis à la dégradation des prix dans un secteur extrêmement concurrentiel où dominent les filiales de la SNCF, les transporteurs routiers ne peuvent répercuter la hausse de ceux des carburants sur la clientèle et sont déçus par l’absence de réponse des pouvoirs publics. L’État français a-t-il pour autant le pouvoir d’agir sur le prix du baril de l’or noir comme sur les prix à la pompe ?


Le monde du pétrole se retrouve à Madrid du 29 juin au 3 juillet pour son XIXème congrès mondial, après avoir constaté à Djeddah, en Arabie saoudite, la fracture entre pays producteurs et consommateurs sur les raisons et solutions à la flambée des cours du brut. Ce congrès se tient une semaine après la fin de la réunion de Djeddah qui a cristallisé des positions antagonistes aux deux extrémités de la chaîne pétrolière.


Les pays producteurs ont campé sur leurs positions, jugeant que l’offre de pétrole était suffisante pour répondre à la demande et que la flambée actuelle des prix résultait de la spéculation, de la faiblesse du dollar et de l’instabilité géopolitique dans certaines régions. Confrontés à une poussée inflationniste qui menace leurs équilibres économiques, et à la grogne de secteurs fortement dépendants du pétrole, pêcheurs, routiers, et agriculteurs, les pays consommateurs se sont obstinés à considérer que le principal problème résidait dans l’insuffisance de l’offre. Ils réclament une nette augmentation de la production. La réunion de Djeddah n’a donc accouché que d’un chapelet de mesures techniques sans impact réel.


Le prix du pétrole s’est embrasé, dépassant le seuil historique des 142 dollars le baril à New York vendredi, dopé par le nouvel accès de faiblesse du billet vert, après que la banque centrale américaine n’eut pas indiqué la veille un possible relèvement de ses taux d’intérêt.


Le président de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), l’Algérien Chakib Khelil, a prévu jeudi probablement des prix de 150 à 170 dollars au cours de cet été. Dans cette situation tendue, plus de 3.000 congressistes et 500 journalistes sont attendus, réunis par le Congrès mondial du Pétrole, une organisation qui rassemble régulièrement les acteurs du secteur, entreprises, pays producteurs ou consommateurs. Tous les sujets importants pour le secteur seront abordés à ces olympiades de l’industrie du pétrole et du gaz, a indiqué Pierce Riemer, directeur général du Congrès mondial du pétrole lors d’une conférence de presse.

Les spéculateurs montrés du doigt


Il convient tout d’abord de rappeler les caractéristiques du marché du pétrole ou plutôt, des marchés du pétrole. En effet, il existe deux marchés. Sur le premier, dit physique, s’opèrent deux types d’opération. Sur le marché au comptant, ou spot, ont lieu des transactions physiques à livraison immédiate ou quasi-immédiate compte tenu des délais d’acheminement des produits. Les principaux opérateurs sont les compagnies productrices privées et publiques, les raffineurs et les négociants.


Sur le marché à terme, appelé forward se déroulent des transactions physiques à livraison différée. Sur ce marché s’échangent des cargaisons de pétrole pour une date ultérieure à un prix déterminé. Ce marché est utilisé par les vendeurs pour garantir l’écoulement de leur production future et par les acquéreurs pour rendre plus sûr leur approvisionnement.


L’autre marché est appelé papier, et comprend le marché des futures qui prévoit des opérations de 3 à 6 ans, et le marché de gré à gré, ou over the counter (OTC) sur lequel les contrats peuvent aller jusqu’à 15 ans. Sur ce dernier marché s’échangent des intentions d’achat ou de vente futurs à un prix immédiatement fixé. À la différence du marché physique, les contrats ne débouchent généralement pas sur des transactions physiques.


Depuis quelques années, la part respective des différents marchés a considérablement évolué. Aujourd’hui, les transactions sur le marché physique représentent 165 millions de barils/jour ; celles du marché des futures 500 millions de barils/jour et celles sur le marché OTC 1 milliard de barils/jour. Les volumes d’échanges sur le marché papier sont désormais 9 fois plus importants que ceux du le marché physique.
Le développement du marché papier s’est accompagné de l’apparition de nouveaux intervenants tels les fonds d’investissements : alors que leur part sur le New York Mercantile Exchange (MYMEX) était de 6% en 2001, ils représentent depuis 2004 13% des transactions.


Le prix Pulitzer 1992, Daniel Yergin, a indiqué que les marchés financiers jouent un rôle de plus en plus important dans la formation des prix, qui répondent, accentuent et font augmenter l’offre et la demande, les données géopolitiques et d’autres tendances. Il a estimé que le marché fait impitoyablement monter les prix du pétrole en réponse à une crainte que la croissance de la demande sera supérieuse à celle de l’offre dans les prochaines années. Ceci révèle une pyschologie de pénurie sur les marchés financiers et cela se reflète dans les prix du pétrole, a-t-il affirmé.

Le marché du pétrole est de plus en plus déséquilibré


Les services du FMI ont cherché à quantifier l’influence de la spéculation sur la formation des prix à partir d’un modèle économétrique prenant en compte les prix spot, les prix des contrats futures à long terme et les positions des acteurs non commerciaux, assimilées aux activités spéculatives. Les résultats de l’étude, basée sur les données hebdomadaires entre 1997 et 2005, montrent que les activités spéculatives ne précèdent pas les mouvements sur les prix spot. En revanche, ils mettent en évidence un léger impact sur les prix des futures à long terme.


Il semble plutôt que les activités spéculatives suivent les mouvements des prix spot. En particulier, il apparaît que les positions des acteurs non commerciaux suivent les hausses des prix spot, ce qui laisse penser que ces derniers estiment que l’augmentation se maintiendra à long terme. Ces derniers temps, les prix spot semblent influencer les mouvements à court terme et à long terme des prix des futures à long terme. L’une des causes de ce phénomène est à rechercher dans le très faible niveau des capacités excédentaires de production des pays de l’OPEP qui rend le marché particulièrement réactif en cas d’événement susceptible de menacer le fragile équilibre entre l’offre et la demande.


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Le milliardaire George Soros a déclaré devant une commission du Congrès américain que la hausse des prix du pétrole ont des facteurs fondamentaux. Selon un rapport du Congrès américain publié lundi, 37% des contrats sur le NYMEX étaient réalisés en janvier 2000 par les spéculateurs, et ce pourcentage a augmenté à 71% en 2008. Toutefois, durant cette période, le pourcentage de contrats passés par les traders a diminué de manière importante. La Commission américaine de Régulation des Marchés des Matières premières (CFTC) a annoncé avoir ouvert une enquête sur les éventuelles manipulations des prix sur le marché des transactions de pétrole en décembre 2007, disant que les premières conclusions montrent que les fonds de spéculation se sont tous tournés pour acheter les produits tel que le pétrole contre l’inflation depuis la crise des subprimes. Trois jours après que les prix du pétrole ont dépassé 140 dollars le baril, le Congrès américain a voté un projet de loi demandant à la CFTC d’utiliser ses pouvoirs pour endiguer les spéculations sur le marché pétrolier. Cependant, certains affirment que parler de spéculation est trop simpliste, estimant que la spéculation est plutôt la conséquence que la cause d’un marché étriqué.


Guy F. Causo, porte-parole du département américain de l’Énergie, a déclaré que le déséquilibre entre l’offre et la demande était responsable de la hausse des prix du pétrole. Selon un rapport de l’Agence américaine d’Information sur l’énergie (EIA), la demande mondiale en énergie en 2030 sera augmentée de 50% par rapport à son niveau de 2005. La demande des pays clients de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a augmenté depuis 2005, alors que la production de l’OPEP n’a pas augmenté. Le Secrétaire américain à l’Energie Samuel Bodman a estimé de son côté que le manque sur le marché de l’offre fait augmenter les prix plutôt que par le rôle des spéculations. Tout le monde voudrait croire à une solution miracle, comme une bulle ou une spéculation qui peut résoudre notre problème pétrolier, mais il n’existe pas de réponse facile au pétrole cher, a conclu le sénateur de New York et président de la Commission économique conjointe du Congrès américain, Charles Schumer.

Des solutions pour stabiliser les cours sont envisagées


La crise annoncée, aussi bien que les conséquences attendues sur les grands équilibres mondiaux ne laissent pas d’inquiéter les pays émergents. La Chine sera invitée au sommet du G8 à Hokkaido au Japon début juillet, où le réchauffement de la planète figure en tête de l’ordre du jour. La communauté internationale s’emploie, pour l’heure en vain, à se fixer de nouveaux objectifs de réduction des émissions, qui entreraient en vigueur après l’expiration du protocole de Kyoto en 2012. La Chine est devenue depuis peu le premier pays émetteur de gaz à effet de serre au monde mais par tête d’habitant, elle en produit bien moins que nombre de pays développés. Les négociateurs chinois soulignent en outre que leur pays ne fait que rattraper son retard sur deux siècles d’industrialisation de l’Occident.


Lutter contre le changement climatique est tout à fait dans l’intérêt de la Chine mais il faut que les pays développés le fassent eux aussi à la véritable hauteur de leurs possibilités, a déclaré le président Hu Jintao dans un discours dont l’agence Chine nouvelle s’est fait l’écho samedi. Hu a invité les pays développés à intensifier leurs efforts pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et pour apporter un soutien financier et technique dans ce domaine aux pays en voie de développement. Les décideurs chinois sont de plus en plus inquiets des conséquences qu’aura le réchauffement du climat de la planète sur la Chine, tant il pourrait assécher des fleuves qui arrosent le Nord de plus en plus aride et aggraver les inondations dans le Sud.


La façon dont nous ferons face au changement climatique influera sur le développement économique du pays et sur ses retombées concrètes pour le peuple, a dit Hu vendredi lors d’une réunion organisée par le bureau politique du Comité central du PC chinois. Notre tâche est ardue et le temps compté. Les organisations du parti et les administrations, à tous les niveaux, doivent accorder la priorité à la réduction des émissions, et propager cette idée dans les consciences de la population, a-t-il ajouté.


Le candidat démocrate à la présidentielle américaine Barack Obama a proposé dimanche de mettre fin à une exception réglementaire favorisant selon lui la spéculation sur le marché du pétrole, susceptible dit-il de diviser les cours par deux. Ces dernières années, notre politique énergétique dans ce pays a été de laisser les intérêts spéciaux faire ce qu’ils voulaient — en ouvrant des exceptions pour les compagnies pétrolières et les spéculateurs pour qu’ils puissent empocher des bénéfices record pendant que nous, on paie quatre dollars le gallon, soit 3,78 litres d’essence, a proposé Barack Obama dans un communiqué.


Il a expliqué qu’il voulait mettre fin à l’exception Enron, du nom du groupe de courtage en énergie qui a fait faillite en 2001. Selon des conseillers du candidat démocrate, cette mesure a été adoptée à l’initiative de l’ancien sénateur républicain Phil Gramm, aujourd’hui un des principaux conseillers en économie du républicain John McCain. Elle permet aux courtiers en énergie d’échapper aux régulations habituelles des marchés financiers sur des marchés à terme à l’étranger. Barack Obama a avancé cette proposition près d’une semaine après que John McCain eut présenté ses propres solutions à la crise énergétique, en plaidant notamment en faveur de forages pétroliers en mer.


Une autre idée, présentée par les autorités iraniennes depuis un an et demi, est passée inaperçue ou comme une énième fanfaronnade du régime islamique. L’Iran est en effet prêt à échanger sa production pétrolière contre une devise forte et concurrente du dollar, à savoir l’euro si décrié dans l’espace économique européen ! La dépréciation récente du dollar a joué en faveur de cette décision, précise Iradj Nadimi, le porte-parole de la commission économique du parlement iranien. Avec la chute du dollar, nos revenus pétroliers se dévalorisent, dit-il. Comme plus de 60% du commerce mondial, la vente du pétrole iranien se base sur une valeur en dollars, mais les exportations pétrolières représentent jusqu’à 80% des rentrées en devises du pays : nos revenus pétroliers atteignent une moyenne de 80 milliards de dollars par an, dit-il, et, les transactions de l’Iran avec l’étranger se montent à 150 milliards de dollars par an.


Cette décision de passer à l’euro ne s’est pas traduite dans les faits, mais elle apparaît comme un moyen de pression dans le bras de fer qui oppose Téhéran à Washington, notamment sur la question nucléaire. Les États-Unis, qui s’impatientent de la lenteur des sanctions que songe à imposer le Conseil de sécurité, ont lancé une série de mesures de rétorsions indirectes. La pression renforcée sur de grandes banques occidentales pour qu’elles cessent leurs activités avec l’Iran, provoquant une suspension de nombreuses lettres de crédit.


La hausse du prix du carburant risque aussi de coûter cher aux constructeurs aéronautiques américain Boeing et européen Airbus dont 25 à 30% des commandes d’avions pourraient être ajournées ou annulées par des compagnies en difficulté, rapporte le magazine allemand Focus en citant les estimations des spécialistes de l’industrie. Pour les pays dépendants de l’or noir, il s’agirait bien d’une opportunité pour stabiliser un cours qui poursuit son envol vers des sommets infranchissables.

 

 


Le système est fondé toujours sur l’abondance,
Mais il n’est plus valable avec les restrictions
Que chacun doit céder sans fuir les distractions :
Ce monde est ainsi fait pour entrer dans la danse.


Comment produire autant sans garder la cadence ?
Tant de concepts vendus tout prêts sont des fictions
Quand on pense aux progrès causant nos addictions,
La machine est en panne et c’est une évidence…


Quand le profit devient un moyen plus subtil
D’empêcher l’autre ici de prendre en main l’outil,
On se dit à bon droit qu’il atteint ses limites !


La crainte a pris de court leurs discours officiels
Et c’est la rage, après, qui bout dans les marmites :
L’eau et le feu nous sont des biens trop essentiels.