La Singette : Vous pouvez vous présenter et nous conter l’histoire de votre naturisme jusqu’à votre gravitation tentationnelle aux plus hautes marches du podium de la FFN ?

Paul Réthoré : Singette, tout d’abord, merci de me donner l’occasion de m’exprimer…Puisque nous sommes en milieu naturiste, tu ne verras peut-être pas d’inconvénient à ce que je te tutoie ?!
Tout d’abord, je ne me considère pas comme être « aux plus hautes marches du podium de la FFN » : autour de moi travaillent des équipes de grande valeur, et c’est à partir des réflexions, suivies de proposition de chacune, que s’élabore la mission que se propose de conduire la FFN, suite aux orientations de son assemblée générale annuelle.
Pour ce qui est de mon cheminement dans le monde naturiste, j’ai fait mes premiers pas nu sur une plage de l’île d’Oléron.il y a une vingtaine d’années. La crainte du regard des autres a beaucoup retardé mon souhait de faire « tomber » le tabou du sexe que l’éducation reçue avait soigneusement cultivé. A cette époque, enlever les quelques cm2 de tissu restant, constituait le point central de ma démarche vers le naturisme. La crainte également de ne pas retenir une érection a également retardé ma décision. C’est donc une plage vaste, pas trop occupée, qui a fait que, avec mon épouse, « nous avons fait le premier pas ». A ma grande surprise, personne ne nous a regardés…un petit ouf de soulagement a murmuré en moi…d’autant que j’avais pu ressentir le bonheur du contact complet de mon corps avec l’eau de l’océan et de l’air assez vif, puis quelques instants plus tard, du soleil, allongé nu sur le sable. C’était gagné. L’année suivante, nous avons retenu un emplacement dans un camping municipal proche d’une plage naturiste. Puis nous sommes allés à Arnaoutchot où une conférence m’a vraiment dévoilé ce que j’attendais du naturisme… et que connaît tout naturiste : la magie de la nudité en pleine nature et en groupe. Et ce fut l’année suivante la découverte du Club du Soleil de Grenoble, dont je deviens secrétaire, puis président, puis président d’un groupement d’une trentaine de clubs (l’Union des Clubs du Soleil et Associations Naturistes), ensuite chargé de mission jeunesse auprès du Bureau Fédéral, secrétaire général, 1er vice-président et président. Maintenant, tu sais tout…ou presque.

La Singette : La FFN c’est quoi, ça représente environ combien de personnes ?

Paul Réthoré : Qu’est-ce que la Fédération Française de Naturisme ? : une association loi 1901, faite de bénévoles qui font de leur mieux pour que le naturisme soit bien compris, bien (ou mieux) vécu et par le plus grand nombre. Beaucoup d’internautes, beaucoup de naturistes, connaissent l’existence de la fédération, mais nombreux parmi eux ignorent l’histoire, les raisons d’être et le fonctionnement d’une telle association, il me paraît difficile en quelques mots d’en donner le détail…si ce n’est de dire que la F.F.N. est en France l’interlocuteur désigné de l’Administration pour ce qui concerne la pratique de la nudité en commun, le Naturisme, et de préciser que chaque région de France (parfois regroupées) possède un représentant au sein du conseil d’administration. Les jeunes et les anciens sont représentés. Des ateliers sont pris en charge par des chargés de mission, ce sont : internet et publications, les clubs et les réglementations administratives, nature et environnement, les jeunes, Sports et loisirs, nudité et loi.
La « FFN adhérents », c’est presque 17 000 personnes en 2007. En arrondissant : 14 000 adhérents membres d’un club et 3000 adhérents dont l’adhésion est directement rattachée à la FFN.

La Singette : Le naturisme en 2008, il se vit comment et par qui ?

Paul Réthoré : Vaste double question.
Le naturisme se vit comment ? Par essence même, le naturisme se vit dans des espaces où la nature est très présente et en groupe….dans le respect de chacun et de son environnement
Les espaces de vie naturiste sont :
les clubs : clubs gérant un camping, clubs n’ayant pas de terrain (les adhérents vont dans les espaces naturistes proches), clubs vivant sur une plage durant la saison, clubs installés dans un espace de vie naturiste à vocation commerciale, clubs regroupant des Naturistes autour d’une cause, d’un thème, ou d’une passion (la montagne, la nature, les arts et la culture, la jeunesse, …)
Les espaces de vie naturiste à vocation commerciale (campings, centres de vacances, résidences, gîtes, tables et chambres d’hôtes).
Deux villages naturistes ayant des voies publiques : l’Ile du Levant et le village du Cap d’Agde
Les plages autorisées ou tolérées à la pratique de la nudité (et elles sont nombreuses en France, plus de 100).
Des zones naturelles retirées, éloignées de la population, où le naturisme est vécu en groupe, avec le risque de voir s’appliquer l’article 222-32 du code pénal si, le simple fait d’être nu en public, est considéré comme étant de l’exhibition sexuelle.

Le naturisme est vécu par qui : par toute personne qui l’a décidé, sans distinction d’âge, de rang social, de couleur de la peau, d’orientation sexuelle.
Sur le plan personnel, chacun commence à être naturiste avec ses acquis, il en résultera des attentes, un cheminement et un ressenti pouvant varier avec chacun.

La Singette : Quels conseils tu peux donner à une personne qui voudrait tenter l’aventure au grand air des nouvelles sensations de son corps nu en liberté ?

Paul Réthoré : Je n’aime pas donner des conseils, car je ne peux que donner un avis qui ne va pas forcément coller avec l’attente de la personne.
Je dirai simplement à la personne qui me demanderait mon avis, de répondre à son aspiration profonde, d’être en accord avec ce, vers quoi elle est attirée, de répondre à ce besoin de libération si quelque chose lui pèse, à partir du moment où elle en attend un facteur d’évolution personnelle.
Je lui dirai que personne n’aura les yeux braqués sur elle. Je lui dirai qu’elle en ressentira très vite un bien-être corporel par son vécu en totale harmonie avec la nature, une libération, plus de bien-être pour plus de bonheur.

La Singette : J’ai remarqué que dans ton conseil d’administration, les femmes étaient sous-représentées. Moi qui suis singe femelle, tu penses bien, mon pelage roussi s’est dressé. Comment expliques-tu cette lacune avérée à la parité ?

Paul Réthoré : C’est un fait, et nous en sommes bien conscients : En 2007, Claudine, membre du Conseil d’administration alors (membre du bureau fédéral en ce moment) a conduit une enquête fort intéressante : les femmes occupent les postes de président de région pour 18%, membres de CA régionaux pour 24%, poste président clubs pour 12%, membres de CA club pour 35%. Il fallait faire cette prise de conscience chiffrée. L’ensemble du mouvement en a bien pris conscience. Maintenant, aux hommes de laisser de leurs places et de solliciter les femmes et aux femmes de les prendre.
Par ailleurs, la F.F.N. se re-organise en utilisant tous les moyens modernes, pratiques et rapides de concertation, pour que les femmes et les jeunes puissent plus participer à l’administration et orienter l’avenir de la F.F.N.

La Singette : Autre point qui me fâche, c’est la dimension uniquement familiale que ton mouvement propose du naturisme réduite à la seule cellule hétérosexuelle. Je cite la FFN sur son site : « Le père, la mère, prennent une dimension symbolique nécessaire au développement psychoaffectif de l’enfant ». Comme si les combats pour la reconnaissance de la communauté gays et lesbienne dans la richesse et sa variété étaient omis au profit de la famille digne et régentée selon les saints sacrements d’un maréchal Pétain. En 2008, est-il encore possible de tenir un tel discours ?

Paul Réthoré : Lorsqu’il est dit et écrit que le mouvement est un mouvement familial, j’ai retenu la définition que quelqu’un a donné un jour au mot familial appliqué au monde naturiste, il a dit : « un espace naturiste fait preuve d’une vie familiale lorsque tout ce qui se vit dans cet espace peut être vu par des enfants. ». Par ailleurs, en France, si mes informations sont bonnes, 30% de la population est constitué de personnes seules (volontairement ou non) ou devenues seules. Pourquoi faudrait-il que la composition du monde naturiste soit différente de celle de la population française ?
Le mot famille a un sens très large. C’est, autour d’un idéal, un regroupement de toutes les particularités et les différences qui l’ouvrent, l’enrichissent et le renforcent.
Si quelqu’un se permet de refuser l’accès à une (ou des) personne(s) en raison de leur orientation sexuelle, cette personne pourra être poursuivie pour discrimination. (Cela s’est déjà produit, et les plaignants ont gagné).
Mais le naturiste, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel, ne vient-il pas au Naturisme motivé par une aspiration profonde, autre qu’un désir de pratique sexuelle ? Le désigner selon son orientation sexuelle, du domaine de l’intime, et ne le considérant pas dans sa globalité, serait l’enfermer dans un certain ghetto ?

La Singette : Un point qui me tient à cœur, c’est l’histoire du naturisme. Sur l’invitation du Bartos, à plusieurs reprises, l’historien Arnaud Baubérot a accepté de venir apporter sa contribution et débattre dans le milieu naturiste. Je lis sur ton site la version FFN : « Le naturisme trouve ses origines en France dans les années 20, sous l’impulsion de médecins hygiénistes et des adhérents à cet esprit précurseur d’un mode de vie plus sain ». Comment peut-on encore écrire aujourd’hui, avec l’éclairage des historiens, ce résumé réducteur de tout un pan d’activistes militants, anarchistes pour la plupart mais pas seulement, qui se sont impliqués au sein d’un vaste mouvement de réforme de la vie touchant en actes des communautés anarchistes qui ont expérimenté la nudité en commun ainsi que des courants spiritualistes ? Pourquoi toutes les composantes des pionniers du naturisme ne sont-elles pas encore visibles sur ton site ?

Paul Réthoré : Toutes les démarches du passé qui ont fait avancer l’idée du naturisme (qui était nommé nudisme par tous avant 1950) sont respectables et à considérer.
Plus que le passé, pour le bien des naturistes, l’avenir doit nous préoccuper avant tout... et c’est ce que l’équipe fédérale tente de faire de son mieux, ce qui ne veut pas qu’elle le fait à la perfection, mais elle le fait avec sa volonté d’ouverture, sa volonté de « coller » à l’événement : tel, entre autres, agir, en liaison avec France Nature Environnement, pour la protection de l’environnement direct du Naturiste, la Nature.

La Singette : Dans le même ordre d’idée, lors de ma dernière interview pour le Mague, je te fais passer les remarques de Jeff selon lesquelles : « Ils font bien leur job. Simplement, je regrette infiniment que la FFN apparaisse aussi conservatrice, soumise aux pouvoirs, repliée sur un naturisme étriqué, peu ouverte au monde foisonnant de la « vie libre et naturelle », qu’elle se montre pusillanime, peu résolue à s’engager et à porter son soutien aux naturistes libertaires (par exemple randonneurs, individualistes) dans une action politique autonome. Coopération et brassage pourraient mieux exister ». Qu’as-tu à lui répondre ?

Paul Réthoré : Depuis 2 ans nous avons inscrit dans nos actions de faire évoluer le texte de l’article 222-32 du code pénal qui ne fait pas la distinction entre la nudité dont tout naturiste se réclame, de l’exhibition sexuelle citée dans l’article. Ce qui veut dire qu’actuellement, selon l’agent de la force publique en action, il lui est possible de considérer la simple nudité comme de l’exhibition sexuelle. Cette année, nous avons invité les représentants d’un groupe de randonneurs nus à venir participer à nos discussions. Je voudrais dire à ce sujet que ces randonneurs ne sortent nus qu’en groupe.
Vis à vis du législateur, ce sujet n’est pas simple ; une action individuelle est vouée à l’échec, c’est tous ensemble que nous nous donnerons des chances d’aboutir….

La Singette : Quels arguments formules-tu à tes détracteurs qui constatent les dérives commerciales et consuméristes d’un naturisme uniquement hédoniste pour sa pomme, à vingt mille lieues sous les mers des valeurs sociales et écologistes ?

Paul Réthoré : Il faudrait changer la nature des demandes en provenance des clients des espaces de vie naturiste…c’est à dire changer le conditionnement des consommateurs.
Certains naturistes ne tombent pas (ou peu) dans le piège de la consommation aveugle. Pour d’autres, ce ne sera pas le cas ; notre souhait est que la pratique du naturisme amène ces derniers à une prise de conscience.

La Singette : Actuellement se joue une partie de bras de fer en Gironde dans le haut Médoc. La société 4 Gas a décidé de continuer son projet d’implantation d’un terminal méthanier au Verdon*. Lire à ce sujet mon interview de l’association Une pointe pour tous pour le Mague. Il existe deux très grands centres naturistes : Euronat et Montalivet, qui seraient à même de subir les effets néfastes de cette usine à gaz classée Sévéso 2. Quel mouvement de riposte proprement naturiste se profile à l’horizon de cet été 2008 ? La FFN est-elle impliquée et fédéralise-t-elle cette vague de protestation et si oui, concrètement de quelle façon ?

Paul Réthoré : L’association « Une pointe pour tous » a su, très tôt attirer l’attention de la population, des associations et des élus sur le projet d’implantation d’un terminal méthanier au Verdon.
Depuis plus d’un an déjà, des entités naturistes affiliées ou liées à la FFN ( région Aquitaine et région Charente Poitou Limousin ) et la FFN ont réagi d’une part contre ce projet et, d’autre part en faveur du projet de classement de l’estuaire de la Gironde en aire marine protégée.
Par ailleurs, une grande partie des responsables des collectivités territoriales concernées (maires, administrations départementales et régionales) ont également réagi dans ce sens. Un appel a été dirigé en direction de tous les naturistes d’Aquitaine (associations et centres de vacances) pour la signature de la pétition en 2007. La FFN, Naturisme Aquitaine et le club naturiste des Charentes ont apporté leur contribution au débat public.
Pour l’instant la société à l’origine du projet n’a fait qu’aménager le projet sans pour autant l’abandonner. Actuellement, toutes les forces précitées maintiennent la pression auprès des instances gouvernementales concernées.
La FFN, très favorable au rejet du projet de terminal méthanier, souhaite que toutes leurs chances soient données aux démarches en cours.
Il nous apparaît comme fondamental et pouvant être déterminant de militer pour le classement de l’estuaire en aire marine protégée ce qui constituerait l’élément nouveau capital pour faire clapoter le terminal. La FFN soutient ce projet.
Naturisme Aquitaine, la FFN et les naturistes charentais cet été s’emploieront à informer tous les naturistes locaux ou de passage en Aquitaine de l’état des deux projets : celui concernant le terminal méthanier et le projet de classement en aire marine protégée.
Vu la situation il nous paraît indispensable de soutenir les démarches entreprises plutôt que d’entreprendre des actions d’un autre ordre. Etre à côté ou avec, faire corps, dans le respect et en appui des démarches entreprises.
Les naturistes seront ainsi avec et non en dehors, en tant que citoyens d’un même espace.

La Singette : Etonnant non ? Il existe une palette d’auteurs et créatifs masculins / féminins naturistes si j’en croie leur présence lors du premier salon du naturisme qui s’est tenu pour la première fois à Heliomonde les 17 et 18 mai 2008. Seulement, la plupart des écrivaines et écrivains naturistes ne trouvent pas d’éditeur et s’éditent à compte d’auteur. N’y aurait-il pas une possibilité pour la FFN, sans débourser un sou, de créer les éditions de la FFN et les éditer sous forme de souscription comme dans l’édition militante, d’autant qu’à Pantin, la FFN possède déjà un local et une librairie en ligne pour le moins pas du tout achalandée. J’ai compté seulement quatre ouvrages ! En plus des bouquins précédemment publiés par les auteur(e)s, des collections : fiction / santé / écologie, auraient toute leur place en vitrine. Ainsi la FFN pourrait toucher un vaste public par le truchement de vos livres publiés et diffusés. On pourrait même imaginer votre présence au salon du livre de Paris au stand Ile de France et lors des différents salons du livre en province relayés par vos antennes locales. Elle n’est pas bonne mon idée ?

Paul Réthoré : C’est une idée que nous n’avons pas du tout abordée et qui n’est pas inscrite dans nos actions arrêtées en assemblée générale, actions qui sont déjà en nombre très important. Mais elle n’est pas à exclure.

La Singette : Pour se quitter sur une note optimiste, je te laisse le mot de la fin à des fins d’exprimer librement ce que tu souhaites dire.

Paul Réthoré : Merci d’avoir permis de donner la parole à la FFN par mon canal. Je souhaite, nous souhaitons, que le naturisme, par la vie autrement qu’il propose, mettant le bonheur de l’homme au centre de ses préoccupations, soit, avec d’autres, l’un des artisans à l’instauration d’une société autrement… pour que la notion de PNB (Produit National Brut) si souvent cité comme indice de référence de santé pour un pays (!) soit remplacé par le BNB : le Bonheur National Brut.

Pour aller toujours plus loin :

F.F.N : www.ffn-naturisme.com.
Vous pouvez obtenir différents guides pour vos vacances, en ligne sur notre site, dont le guide FFN qui lui est gratuit.
France Nature Environnement : www.fne.asso.fr
Médoc pour tous : www.medocpourtous.org
Naturisme Aquitaine : http://naturisme-aquitaine.blogspot.com
Imaginat : http://leblocnotesdimaginat.blogspot.com
Club du Soleil Jeunes : http://csjeunes.free.fr

* Avis aux composantes du mouvement naturiste dans sa pluralité, le Bartos et quelques comparses organisent une manifestation aux couleurs d’Une pointe pour tous, qu’ils espèrent grandiose avec foule aux as, le dimanche 27 juillet au départ d’Euronat en direction de la plage du Verdon qui jouxte l’emplacement prévu à l’érection du terminal méthanier.
Pour tous renseignements, joindre Le Mague qui transmettra.

Comme quoi, foi de Singette défroquée, les paroles convaincues du président de la FFN ne me suffisent pas et j’appelle moi aussi à l’action directe tous les naturistes des deux rives et pas seulement aux bon mots des pétitions, pour que ce port méthanier classé Sévéso 2 n’emplisse jamais les naseaux des riverains et ne sème au grand jamais sa zone dans le paysage convivial et fraternel de l’estuaire de la Gironde !