Patrick Karam condamné par le président du TGI de Paris

Patrick Karam condamné par le président du TGI de Paris

La tentative infructueuse d’un délégué interministériel pour censurer le blog d’un écrivain.

Qui s’y frotte s’y pique ! Bien que d’autres y aient regardé à deux fois (notamment François Pupponi, député-maire de Sarcelles, qui, après avoir tenté une action de ce type, s’était prudemment désisté) -Patrick Karam avait pris le risque le 5 juin (jour de la sortie du Nègre vous emmerde chez Buchet-Chastel) d’assigner l’écrivain Claude Ribbe, membre de la commission nationale consultative des droits de l’Homme, en référé d’heure à heure devant le président du tribunal de grande instance de Paris pour faire dire au magistrat que l’écrivain l’aurait diffamé et obliger ce dernier, sous astreinte de 2000 euros par jour, à retirer deux articles de son blog : Le 23 mai, une bonne date pour le départ de Patrick Karam (publié le 22 mai) et Un cabinet noir rue Oudinot (publié le 25 mai). Patrick Karam réclamait en outre que lui soient versés 8000 euros de dommages-intérêts.

Pour financer cette action, M. Karam avait cru pouvoir utiliser les maigres crédits de la délégation interministérielle à l’Outre-Mer qui lui a été confiée et n’avait pas hésité à se domicilier pour la circonstance 27 rue Oudinot, dans l’immeuble du secrétariat d’Etat à l’Outre-Mer qui héberge son bureau ! Tandis que Claude Ribbe, lui, pour se défendre, devait payer de sa poche. A ce propos, Karam avait même pris la précaution de faire adresser par un certain Roland Polycarpe, un courrier des plus mesquins à Véra Michalski, directrice générale de la maison d’édition de l’écrivain, signalant que cette affaire n’avait rien à voir avec la sortie du livre Le Nègre vous emmerde, ce qui reste à démontrer. Tout cela, bien entendu, au cas où l’éditeur aurait pris en charge les frais de justice de son auteur, ce qui n’était d’ailleurs pas le cas. Bref, dans l’esprit du délégué interministériel, tous les moyens étaient bons pour tenter d’affaiblir la défense de celui qu’il accusait injustement.

A l’audience, Claude Ribbe, assisté de Me Bès de Berc, le correspondant parisien de Gilbert Collard, avait produit 13 pièces, dont quatre attestations, une lettre de Rama Yade dénonçant ouvertement la xénophobie de Patrick Karam et une lettre de ce dernier à Nicolas Sarkozy reprochant à Rama Yade d’être fière de ses origines africaines et l’accusant d’être anti-française. Parmi les attestations, celle de Mbadi Nzunga confirmant que Patrick Karam avait bien cherché, fin mai 2008, à se faire passer pour le secrétaire d’Etat à l’Outre-Mer afin d’intimider la station de radio FPP, celle de Charles Dagnet révélant que Patrick Karam, délégué interministériel, avait tenté d’instrumentaliser, à l’automne 2007, le Collectif DOM pour aller conspuer au Casino de Paris Christian Estrosi, alors secrétaire d’Etat à l’Outre-Mer, à l’occasion des Césaire de la Musique.

Le délégué interministériel, pensant sans doute qu’un président du tribunal de Paris ne mérite pas qu’un homme de la qualité de Patrick Karam se déplace, avait délégué son sbire, le susnommé Roland Polycarpe se disant "directeur de cabinet", un sbire auquel Claude Ribbe a du reste refusé de serrer la main tendue. Car toutes les mains ne méritent pas d’être serrées.

De fait, l’homme des basses oeuvres, qui voulait prendre la parole au nom de son maître, a dû rester coi, le magistrat lui ayant sèchement rappelé qu’il n’avait pas qualité pour représenter Patrick Karam, mais qu’il pouvait, s’il le souhaitait, demeurer dans le bureau, l’audience étant publique.

Les contorsions oratoires de Me Benoît Chabert, l’avocat de Matignon qui, lui, représentait légalement Karam, n’ont pas produit l’effet escompté.

Le plaidoyer de l’écrivain, invoquant la tradition française de libre expression, et plus particulièrement celle du tribunal de Paris dont les magistrats ont toujours défendu les hommes de lettres contre les abus de pouvoir et les anciens esclaves contre les prétentions de leurs maîtres, a été plus décisive.

Devant le Président, et malgré les menaces de Me Benoît Chabert, qui a envoyé, au nom de son client, des lettres recommandées comminatoires à tous les médias qui reçoivent Claude Ribbe, ce dernier, se proclamant, en hommage à Césaire, "la voix des sans-voix" ne s’est pas contenté de déclarer qu’il ne retirerait jamais "une ligne, une phrase, une virgule" de ce qu’il avait écrit sur Patrick Karam ; il a affirmé solennellement, en regardant Chabert les yeux dans les yeux et en détachant bien ses mots, que le délégué interministériel était "un homme dangereux occupant une fonction dangereuse".

Par une cinglante décision intervenue, après huit jours de délibéré, le 23 juin 2008, M. Nicolas Bonnal, président du tribunal de grande instance de Paris, faisant droit aux arguments de Claude Ribbe, a débouté Patrick Karam de toutes ses demandes, estimant que le délégué interministériel n’avait nullement été diffamé. Pour le ramener à la réalité, il l’a même condamné à verser à l’écrivain la somme de 1000 euros.

Dans ses attendus, le président relève que si Claude Ribbe, dans son blog, "forme des jugements de valeurs très négatifs sur la personnalité de Patrick Karam, sa compétence, la façon dont il a été nommé et dont il s’est maintenu à ses fonctions, et enfin sur son action" ces opinions "restent dans le champ de la libre critique, particulièrement large s’agissant des personnes investies de responsabilités publiques". Le magistrat constate qu’"aucun fait précis et diffamatoire n’est imputé au demandeur" et ajoute que l’écrivain,"tout en présentant le demandeur sous un jour peu favorable, ne lui impute pas davantage de faits contraires à l’honneur ou à la réputation."

Pour le président, "une libre critique", même exprimée sur un ton très vif, " de l’action du demandeur, pris en sa qualité de délégué interministériel, critique qui, consistant notamment en une comparaison entre ses méthodes et celles d’un Ancien régime esclavagiste, reste de l’ordre du jugement de valeur de nature politique et historique soumis à une libre discussion".

Ce jugement particulièrement humiliant pour Patrick Karam étant immédiatement exécutoire, c’est donc au 27 de la rue Oudinot que l’huissier viendra lui signifier la décision intervenue et réclamer les 1000 euros dont il est redevable. Au cas bien sûr, où Patrick Karam continuerait d’occuper un bureau rue Oudinot...

Il n’est en effet pas admissible qu’un agent de l’Etat puisse engager avec l’argent du contribuable des poursuites non seulement téméraires et injustifiées, mais qui vont directement à l’encontre de la mission qui lui a été confiée. En s’attaquant à un écrivain originaire de l’outre-mer, dont on peut ne pas partager les opinions, mais qui vit de sa plume, qui est respecté pour ses écrits et ses combats, qui a été nommé par le Premier Ministre à la commission nationale consultative des Droits de l’Homme "en qualité de personnalité qualifiée pour son engagement en faveur des droits de l’homme", Patrick Karam a agi de manière haineuse et partiale, dans un sens absolument contraire à sa mission qui consiste justement à protéger les originaires d’outre mer, et notamment les écrivains, contre les injustices particulières dont ils pourraient être l’objet en métropole.

La décision du Président du Tribunal prouve, si nécessaire, que Patrick Karam, homme de mauvaise foi, a agi de manière injuste ; qu’il a produit, de manière spectaculaire, de l’injustice là où il n’y en avait pas et que, par conséquent, il n’est pas digne de demeurer en poste. De plus, en engageant une pareile action sous couvert de sa fonction, Patrick Karam ne s’est pas seulement ridiculisé, il a ridiculisé le Président de la République qui l’a nommé, le Premier ministre auquel il est rattaché, le gouvernement, l’administration et l’Etat, ce qui devrait amener l’exécutif, s’il est responsable, à en tirer immédiatement toutes les conséquences. Car il n’est pas certain que Patrick Karam, qui n’a jamais agi que par intérêt personnel et n’a aucune idée de ce que peut-être l’intérêt général, ait la dignité, après un pareil revers, de présenter sa démission, ce que ferait pourtant, dans de pareilles circonstances, n’importe quelle femme, n’importe quel homme ayant un peu d’honneur.

On peut espérer, par ailleurs, qu’aucun comptable public n’acceptera, même sous la menace, d’utiliser les fonds du Trésor pour régler les honoraires de Me Benoît Chabert...