Des Chômeurs taxés pour financer les Assedic

Des Chômeurs taxés pour financer les Assedic

J’ai reçu ce matin le relevé de situation mensuel que les Assedic des Hauts-de-Seine m’envoient pour confirmer les allocations mirobolantes que ma paresse les contraint à me verser en piochant allègrement dans vos cotisations. Mais j’ai fait l’erreur d’écouter notre président de la République vanter les mérites du travail le mois dernier… Résultat : mon compte est débiteur au profit de la caisse d’allocations chômage !

Amis lecteurs, vous l’ignorez sans doute : vous n’êtes pas assez nombreux à cliquer frénétiquement sur les pages du journal Le MAGue pour entretenir une rédaction pléthorique et son directeur impécunieux. Les rentrées publicitaires plafonnent et permettent tout juste au patron du serveur qui l’héberge de remplir le réservoir de sa Porsche, et les rédacteurs sont contraints de consacrer tout ou partie de leur journée ouvrière à des occupations stupides pour faire un tour de temps en temps au supermarché. En ce qui me concerne, je me refuse à cette ubiquité stressante qui oblige à jongler avec un emploi du temps surchargé tout en mettant l’investigation à l’encan.


Le 6 mai 2008 cependant, j’ai eu l’occasion d’accepter un verre chez des voisins qui se plaisent à bourrer ma boîte aux lettres de tracts UMP afin de m’informer des perspectives du redressement national. J’habite à côté de la préfecture et du Conseil général où siégea longtemps le président de la République, alors je dois composer. Son fief, qui a souffert d’une période de vacance, est revenu à la famille Sarkozy, et la joie est revenue dans les chaumières. Mes nouveaux amis n’ont pas eu de mal à me convaincre de participer, moi aussi, à l’effort entrepris pour redresser les comptes publics et à la croissance économique fabuleuse enfin revenue dans notre beau pays où l’on joue si bien au football.


C’est pourquoi j’ai répondu favorablement à la supplique d’un employeur qui s’occupe de décharger ses clients du souci harassant que la main d’œuvre procure, et j’ai fait le pion quelques jours dans l’école où a étudié Laurence Ferrari. J’ai de la chance, n’est-ce pas, de percevoir de l’argent pour être en sinécure dans un des lieux de culture et de l’intelligence françaises, alors que beaucoup d’entre vous paieraient, rien que pour le visiter ! En plus, l’ambiance y est agréable, les professeurs et l’encadrement charmants, et les étudiants, tous issus des beaux quartiers de la capitale, d’un commerce exquis. Les garçons sont bien élevés et les jeunes filles particulièrement pimpantes…

Parce que j’ai travaillé je dois de l’argent aux Assedic :


Le plaisir a été renouvelé lorsque j’ai reçu pour prix du flicage de ces étudiants sympathiques la somme incroyable de 812,58 euros, pour une dizaine de jours seulement de glandouille intense dans le hall d’entrée de l’établissement. C’était trop beau : j’ai trouvé dans ma boîte aux lettres le relevé de situation des Assedic que je reçois tous les mois pour m’informer que la solidarité nationale encourage une indécrottable paresse avec 442,20 euros, mais aujourd’hui, le compte n’y est pas. Non contents de suspendre leur versement, dans la mesure où j’ai déjà encaissé près du double grâce aux bons soins d’une entreprise privée, ils me retiennent la somme de 73,70 euros le mois prochain et minorent le montant de mes droits, qui s’élèvent désormais à 368,50 euros…


Mais pourquoi m’avoir ainsi ponctionné 147,40 euros ? J’ai travaillé un peu, certes, mais plus que d’habitude. Je devrais gagner plus, mais je touche moins d’argent que ce que mentionne ma fiche de paye. Chômeur de longue durée, je subis une taxe spécifique et soigneusement dissimulée. Je n’ai pas le loisir de bénéficier de l’intégralité de mes émoluments, à la différence des millions de salariés qui travaillent régulièrement et assidûment.


Il serait trop simple de calculer la différence entre le montant de l’allocation mensuelle et le salaire perçu, et de faire bénéficier d’un reliquat à l’intermittent du salariat le cas échéant, ou de le laisser profiter de la totalité de sa bonne fortune dans le cas présent. Trop facile pour les crânes d’œuf des énarques toujours à l’affût de bonnes idées pour justifier leur impéritie aux yeux des simples mortels.


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Dans le cas où le travail effectué est supérieur ou égal à 75 heures, ou si le salaire correspondant ne dépasse pas 70% de la rémunération déclarée au moment de l’inscription en tant que demandeur d’emploi, les Assedic déduisent une somme forfaitaire de 40% du revenu brut, 903,59 euros en l’occurrence, du montant de l’allocation perçue normalement, soit 442,20 euros. Dans le cas où le salaire est supérieur à 50% du Smic, elles font la différence entre celui-ci et la moitié du salaire minimum garanti pour calculer le reliquat versé au demandeur d’emploi. Dans le cas présent, une erreur de calcul s’est en plus glissée malencontreusement, rendant la compréhension de la situation d’autant plus complexe pour le chômeur impénitent. Mais pour faire vite, plus il travaille et plus la ponction est importante, tandis que celle-ci est de plus en plus pénalisante au fur et à mesure que les heures de travail effectuées diminuent. C’est pourquoi j’ai reçu un relevé de situation négatif, et suis maintenant débiteur des Assedic.

J’ai travaillé aussi pour combler le déficit du chômage de masse :


Différentes dispositions encouragent ainsi la reprise de travail. Les Assedic ont la possibilité de verser une aide dans la mesure où l’emploi est rémunéré moins de 15% que le précédent, cette aide prend alors la forme d’une aide différentielle. Si âgé de 26 ans ou plus, un contrat de professionnalisation est signé par l’allocataire, celui-ci peut bénéficier d’une allocation différentielle dans la mesure où son salaire est inférieur à 120% du montant de son allocation. Enfin, si l’allocataire n’effectue pas plus de 110 heures de travail par mois et si le salaire procuré par l’emploi ne dépasse pas 70% de ce qu’il gagnait avant d’être au chômage, l’Assedic peut maintenir partiellement ses allocations.


Dernière idée en date et actuellement toujours à l’étude, mais désormais en phase d’expérimentation dans plusieurs départements, le revenu de solidarité active (RSA) est pour ceux qui ne travaillent pas un revenu minimum et pour ceux qui travaillent un complément de revenu. C’est donc un instrument mixte, qui met fin aux cloisonnements entre dispositifs et qui supprime les trous dans le système. C’est à la fois un moyen de garantir que le retour au travail procure des revenus supplémentaires et un puissant instrument de lutte contre la pauvreté. Il met fin à plusieurs situations inacceptables : la perte d’argent au moment du retour au travail, la diminution des ressources à la fin de la période d’intéressement ou de cumul, la différence de ressources entre deux personnes, selon qu’elles sont ou non passées par le RMI, des situations de pauvreté au travail. Il met fin au travail gratuit : il y a des personnes qui travaillent mais qui ne gagnent pas un centime de plus que si elles ne travaillaient pas.


Le problème n’est pas seulement de trouver de l’emploi mais aussi que l’assistance et les aides diverses aux chômeurs sont trop élevées, à mon avis, pour qu’ils aient une certaine envie de travailler, a expliqué Serge Dassault à l’ouverture d’une audition de plusieurs dirigeants du service public de l’emploi devant la commission des Finances du Sénat. Prime pour l’emploi, et bientôt RSA… c’est quand même anormal de vouloir donner de l’argent de l’État qui n’en a pas beaucoup à des gens qui ne veulent pas travailler parce qu’on les paye trop et coûtent aussi beaucoup d’argent à l’État, a ajouté le sénateur-maire de Corbeil-Essonnes et rapporteur spécial du budget de l’Emploi. On réduirait carrément les aides aux chômeurs, ce serait quand même plus efficace si on veut les faire travailler que de vouloir donner de l’argent sur denier de l’État, a expliqué l’industriel qui a également publié une tribune dans son journal, Le Figaro.


L’objectif final reste la généralisation du RSA, destiné à remplacer le RMI, qui souffre d’une image négative depuis sa création, il y a vingt ans. Désireux de ne pas avancer à la hussarde, Martin Hirsch, qui en a fait son cheval de bataille et la panacée pour réduire la pauvreté en France, estime que la rédaction d’un projet de loi sur le RSA prendra un an et pense donc être prêt à la fin 2008. Il confirme également que la loi créant le RSA intégrera les réformes des minima sociaux. Le Haut Commissaire estime le surcoût du RSA à 3 ou 4 milliards d’euros. Selon lui, ce chiffre moins élevé que prévu — les premières estimations tablaient sur 6 à 8 milliards d’euros — se fonde sur le coût moyen de 1.200 euros par bénéficiaire, constaté par les premiers départements expérimentateurs.


Le coût du RSA est estimé à environ 2.000 euros par personne et par an, soit environ un million d’euros par département, à raison de 500 personnes environ en moyenne par département. Pour autant que le dispositif fonctionne, il s’agirait à terme d’une économie, car le RSA coûte moins cher que le RMI selon l’agence nouvelle des solidarités actives, le coût pour la collectivité serait deux fois moins élevé pour quelqu’un qui reprend un travail à mi-temps et à qui on verse le RSA, que pour ceux qui perçoivent le RMI. Quant au coût d’un dispositif global, concernant également les travailleurs pauvres, dont le nombre est estimé de 851.000 à 2.210.000 selon les critères, il pourrait s’élever à 8 milliards d’euros.


Demander à la collectivité l’effort d’un ou deux milliers d’euros pour chaque personne qui pourrait s’en voir alloué quelques dizaines au titre de cette initiative géniale apparaît parfaitement biscornu. Il est bien plus rentable et plus pratique de ponctionner un peu plus les chômeurs séduits par le miroir aux alouettes du travail salarié pour permettre à un système idiot de fonctionner tant bien que mal. Les gens bénéficient des allocations chômage pour trouver du travail, mais pas pour travailler !

 

 

à Serge Dassault,

Du boulot, j’en ai eu du bon, et puis tout près…
J’en ai eu du moins bon, mal payé la semaine,
Et maintenant, je me demande où ça me mène
De souscrire au système où je dois faire exprès.


Ça fait un bout de temps que je mendie auprès
De nos pouvoirs publics où il faut qu’on malmène
Cette énergie en trop qui bien sûr me ramène
À mon œuvre antérieure où je crève à-peu-près.


Nous restons sans travail et formons le rosaire
Des gens de rien qui vont permettre à la misère
Ici, de prendre un sol où tous sont ennemis…


Sur nous, fermez la porte et tirez bien le pêne :
Grâce aux allocations, nous restons endormis,
Je ne sais plus pourquoi me donner tant de peine !