Robert Charles Wilson, maître es SF

Robert Charles Wilson, maître <i>es SF</i>

Voilà 10 ans que Robert C. Wilson est le pape de la SF nord-américaine. C’est le plus intéressant. Le plus remarquable. Le plus impressionnant, surtout ! Il est le meilleur. Aussi, ne boudons pas notre plaisir. Plongeons dans ces 700 pages qui nous proposent Mysterium (prix Philip K. Dick 1994) et 6 nouvelles inédites en français …

Si Robert C. Wilson est un nom qui vous dit quelque chose, c’est que vous avez du lire Spin (aux USA, le prix Hugo 2006, et le Geffen Award 2006 ; en France, le Grand Prix de l’Imaginaire 2008). Le monde entier prit enfin conscience de la présence de Wilson avec ce livre. Que vous pourrez retrouver dans la même collection.
Ici, le point central c’est un roman terrifiant. Mysterium. Un roman d’après. Un roman d’une autre dimension. L’histoire débute lorsqu’une explosion détruit le centre de recherche de Two Rivers. Les pompiers refusent d’intervenir tant l’incendie est gigantesque. L’armée est aux abonnés absents. Et pour cause. Les rares témoins parlent de flammes sans fin desquelles des anges jaillir. D’autres évoquent des monstres. Au-delà des hallucinations, le plus étrange est la forêt. Elle a changé. Elle semble plus ancienne. Et elle coupe toutes les routes d’accès …

Savoir planter un décor est une chose. Parvenir à en jouer et à emmener le lecteur derrière le miroir de ses illusions en est une autre. La force de Wilson est dans cette constance. Tout en partant d’un thème classique – voyage temporel, exploration d’une planète, contact avec des extraterrestres, etc. – il offre au lecteur un traitement saisissant. Une approche personnelle. Un point de vue original. Un style qui tisse des harmoniques d’une confondante richesse.
Et passé toutes ces impressions techniques, il y a, fait rare dans le genre, l’approche des personnages. Il les scrute. Les creuse. Leur donne une vie propre. Il sonde leurs psychés. Wilson possède une authentique acuité psychologique et comportementale.

Ce volume omnibus s’ouvre avec le premier roman de Wilson. Inédit en France, La Cabane de l’aiguilleur est, de l’aveu même de son auteur, "un roman à la fois réaliste et fantastique qui narre, dans l’Amérique de la Grande Dépression, la visite de visiteurs très étranges confrontés à un quotidien très dur, très sombre." Un roman qui s’approche donc très près de la littérature générale. Wilson a reconnu que ce roman devait plus à Carson McCullers qu’à Theodore Sturgeon. Mais il doit surtout aux anecdotes sur son époque. Et à la description de la mentalité d’un village de montagne. Le principal décor du livre duquel s’imprime un monde confits de préjugés.
Il est aussi un roman très personnel (Wilson est issu d’une famille pétrie de conformisme moral et religieux). Il effleure également le thème des univers parallèles. Dans une langue poétique il nous parle aussi bien d’un extraterrestre que des ravages causés par une Amérique en crise.

Six nouvelles clôturent ce pavé. Six récits séduisants par leur diversité. De la pochade du Grand adieu au conte de Noël postcataclysmique de Julian (où comment raconter l’histoire de l’empereur romain Julien l’Apostat dans un XXIIe siècle théocratique). En passant par le très court mais très percutant Les affinités. Pour aboutir à l’étude du futur dans le cynique YFL 500 (une plongée dans le monde post-pénurie où le narrateur cherche la rédemption dans l’art à une époque où l’art a été réduit à un brassage de données entre diverses formes de représentation). Ou encore le très singulier Le théâtre cartésien qui peut s’apparenter à un conte philosophique.
Ces six nouvelles montrent l’étendue insoupçonnée du registre de cet auteur. Ce prédicateur qui voit dans la science-fiction "le moyen de mettre ses personnages face à l’illimité pour voir comment ils réagissent."

Il n’y a pas que ses personnages qui sont confrontés à l’illimité. Ses lecteurs, aussi …

Robert Charles Wilson, Mysterium, préface de Jacques Baudou, romans & nouvelles traduits de l’anglais (Canada) par Pierre-Paul Durastanti et Gilles Goullet, coll. "Lunes d’encres", Denoël, avril 2008, 728 p. – 29,00 €