José MANRUBIA "Pepe", du "Toro" aux pinceaux (interview)

José MANRUBIA "Pepe", du "Toro" aux pinceaux (interview)

Après avoir décidé d’arrêter sa carrière de torero José MANRUBIA "Pepe" a déchiré ses capes et muletas. Il les a utilisées pour réaliser sa première exposition (Pigments et feuille d’or sur cape et trame de papier).
Qu’on aime ou pas le monde de la tauromachie, il m’a semblé important et pertinent de donner ici la parole à cet artiste hors norme et généreux qui parle si bien de ses passions entre rêves et réalité. Un créateur à part entière qui a bien des choses à nous faire partager au nom d’un Art qui lui est tout à fait admirable et respectable...

José Manrubia est né le 2 janvier 1963 à Barcelone. Il est arrivé à Arles à 3 mois et a commencé à toréer en 1980 pour devenir matador le 6 mars 1994 à Monterrey au Mexique. Il a toréé sa dernière corrida à Arles en 2001.

1. Bonjour José MANRUBIA "Pepe", merci de bien vouloir répondre à nos questions pour Le Mague. Votre parcours est assez atypique, original et fascinant, vous êtes passé de la tauromachie à la peinture, sculpture et à l’Art contemporain, mais tout en utilisant la matière "physique" et thématique de votre ancien métier....

Bonjour Frédéric. On peut difficilement arrêter totalement la tauromachie. C’est un virus caché au fond de tes tripes que l’on n’arrive jamais à éradiquer. Je me réveille encore souvent, le corps humide de transpiration, j’affronte toujours le toro, tout au moins dans mes rêves.

Cela va choquer beaucoup de gens qui voient la corrida comme un spectacle barbare et cruel, mais c’est un art. Un art du « happening » où la rencontre de deux êtres, l’un animal, l’autre humain réalisent des sculptures éphémères dont la chorégraphie n’est autre chose que l’essence primitive de l’Art.

2. Vous êtes très éclectique, vous réalisez aussi bien des œuvres abstraites, figuratives pop art ou des références à Picasso ou au monde de l’Art du siècle. Certaines de vos créations sont même très conceptuelles. Quel est le style de José Manrubia ?

Je pense que José Manrubia n’a pas de style défini. Je suis un autodidacte toujours en recherche. Ce qui m’intéresse, c’est faire partager une émotion. Les séries m’ennuient et avoir une certaine maîtrise dans un style défini demande des années de travail.
J’ai mis plus de 25 ans à répéter les mêmes gestes taurins travaillant 5 ou 6 heures par jour. C’était en quelque sorte une quête sur ma propre maîtrise d’être humain face à la vie. Aujourd’hui ce qui m’importe dans mon travail c’est donner jour au plus d’idées possible, le style ou le médium importe peu.


3. Le monde des Torero est très décrié par certains mais il semblerait que votre Art multiple pourrait réconcilier tout le monde ?

Sans vouloir entrer dans des discussions (souvent stériles) entre les pour et les contre, sur la philosophie, l’éthique ou la raison d’être de la corrida qui veut qu’elle soit la lutte de la Culture contre la Nature, la victoire éclairée de l’intelligence sur l’instinct, je vivais mon « travail » de torero comme celui d’un sculpteur essayant d’inscrire une forme humaine dans une matière brute.

Si l’on en croit Hegel « L’origine de l’art est le besoin humain d’apprivoiser un monde hostile … » alors on peut considérer la tauromachie comme l’essence même de l’art. Je conseille d’ailleurs à ceux qui on l’esprit un peu ouvert (chose rare de nos jours.) de lire « La philosophie de la corrida » de Francis Wolff.

4. Vous travaillez beaucoup sur le mouvement et je suppose qu’avoir été dans l’arène a dû beaucoup vous nourrir pour capter le geste le plus juste et efficace possible...

En fait on peut considérer la tauromachie comme une étude artistique de la géométrie. Tout n’est question que de mouvements, de courbes, de trajectoires, de volumes, de vitesses, de positions d’angles de vues. Quand cette étude là se fait sur le vif et que tu y risques ta vie, tu as intérêt à le capter le plus vite possible et à l’interpréter de la manière la plus juste. C’est sûr, mon histoire de torero m’aide énormément dans l’étude du mouvement.

5. Comment expliquez-vous que les grands peintre (Bacon, Goya, Picasso...) ont été si fortement touché par le monde de la tauromachie ?

Pour tout ce qui a été dit avant, la tauromachie ne peut pas laisser indifférent. Depuis Goya un des premiers peintres ayant laissé une œuvre importante sur la corrida. Beaucoup de créateurs ont été fascinés par ce monde là. Si Picasso a souvent dit qu’il aurait sans hésitation changé sa carrière d’artiste pour celle d’un torero, d’autres comme Orson Welles sont allés jusqu’à faire déverser ses cendres dans des arènes (Ronda).

Sans en faire une liste exhaustive on peut citer Manet, Gustave Doré, Mary Cassatt, Dali, Bacon, Eisenstein, Cocteau, Botero, Manuel de Falla, Garcia Lorca, Montherlant, Rafael Alberti, Sorolla, Ignacio Zuloaga, ou Hemingway, qui avec des médiums différents ont essayés de transcrire la magie éphémère qui naît de la rencontre de l’homme et du toro.

6. Quels sont vos grands projets artistiques ou vos actualités dans les mois à venir ?

Deux expositions en cours à Lyon jusqu’au 19 juin, Maison de l’Amérique Latine et Palais de Justice. Une exposition sur le toro (créations au stylo bille) à la galerie des Ursulines à St Rémy de Provence du 21/06 au 21/07.

Ma première exposition uniquement photographique à Arles en juillet.

Nîmes, Bayonne cet été. Madrid en automne…

Ce qui me tient le plus à cœur et mobilise mon travail actuel, est un projet « multi médiums multimédias » dont l’œuvre principale est la mise en scène de deux toros de combat vivants, que je rêve de présenter à Paris, pourquoi pas au Grand Palais… Ne limite jamais tes rêves !

7. Je vous laisse le mot de la fin cher José...

Merci au Maestro du barreau Gilbert Collard qui en plus d’écrivain est un amateur d’art éclairé et qui sera je l’espère, mon "apoderado" dans le "mundillo" de l’art.

Merci de m’avoir offert la possibilité d’être présent sur Le Mague. Cela prouve une ouverture d’esprit et une liberté qui m’ont toujours séduit dans ce magazine on line.

Si des curateurs ou des personnalités de l’art, visionnaires et un peu fous (lol) veulent m’aider à la présentation de mes toros, contactez-moi via Lemague.net ou mon Blog.

Suerte !!!


Le Blog officiel de José MANRUBA PEPE