Un cabinet noir rue Oudinot !

Un cabinet noir rue Oudinot !

On n’avait jamais vu ça depuis Louis XVI. Aux plus beaux jours de la période esclavagiste, le ministère de la Marine de Versailles (ancêtre de l’actuel secrétariat d’Etat à l’Outre-Mer) avait imaginé un département spécial, celui de la police des « noirs ». Il s’agissait d’une officine au service des planteurs exclusivement chargée de surveiller et persécuter les Afro-descendants se trouvant sur le territoire métropolitain. Christian Estrosi avait pourtant déclaré vouloir mettre un terme aux activiltés des laboratoires barbouzards qui sévissaient rue Oudinot.

Mais voici qu’aujourd’hui, un Patrick Karam, grâce aux méthodes si particulières qu’il a mises en place depuis quelques mois et à la manière dont il a fait dériver sa mission, a pu recréer en quelque sorte cete police des « noirs » du bon vieux temps des négriers ; mais la sienne est beaucoup plus redoutable encore que celle de l’Ancien Régime, puisqu’elle échappe cette fois à tout contrôle.

Aucun ministre et surtout pas celui de l’Outre-Mer, dont Karam a juré la perte et qui vient de tomber en Guadeloupe dans un véritable guet-apens, n’a en effet les moyens de vérifier ce qui se passe exactement dans le cabinet noir qu’est à présent devenue la « Délégation interministérielle à l’égalité des Français originaires d’Outre-Mer ». Tout cela sous le prétexte de lutter contre des discriminations spécifiques ! Un dispositif déjà ambigu car la lutte contre les discriminations relève normalement d’un organisme collégial, la HALDE, où siègent des gens normaux. On peut imaginer à quel point la prolifération de "délégations interministérielles" créées en dehors de la loi et visant tel ou tel groupe est dangereuse. Surtout si elles échappent à tout contrôle et si elles sont confiées à des personnalités incontrôlables.

Imaginons que l’on crée demain, par exemple, sans consulter le Parlement ni les instances ad hoc, une délégation interministérielle à l’égalité des Français homosexuels, juifs, maghrébins, subsahariens etc. Comment éviter que de tels organismes, s’ils sont confiés aux mains d’un homophobe, d’un antisémite, d’un xénophobe notoire, ne puissent devenir des officines permettant toutes les dérives ? Le prétendu remède aux discriminations pourrait devenir une terrible machine à produire de l’inégalité. Dimanche 25 mai, le braque interministériel nous a encore donné un aperçu de ses basses oeuvres. Alors que, déjà, on ne peut plus le tenir depuis que j’ai coupé l’élastique qui retenait le faux-nez derrière lequel il se cachait (voir mon billet du 22 mai), il apprend que son cas a été examiné lors d’une émission diffusée sur la radio FPP et à laquelle je participais en compagnie de Joss Rovélas et de Charles Dagnet. Au lieu d’intervenir franchement au téléphone pendant l’émission pour vociférer comme il en a l’habitude ou demander un droit de réponse comme le font les personnes civilisées, l’excité à la 607 ne trouve rien de mieux à faire que d’appeller en fin d’émission d’un ton menaçant Nzunga Mbadi. D’après ce que j’ai compris, le féroce, pensant intimider l’animateur, se serait même plus ou moins présenté comme le secrétaire d’État à l’Outre-Mer afin d’exiger de se faire remettre sur le champ un enregistrement de l’émission que son chauffeur serait venu prendre dans l’heure ! Naturellement, Nzunga s’interroge sur l’identité réelle de cet interlocuteur hystérique qui, se sentant débusqué, raccroche avec le courage qu’on lui connaît.

La mission de Karam était de lutter contre les inégalités, notamment en assurant la continuité territoriale et en préservant les congés bonifiés. En réalité, il a organisé un véritable flicage des Antillais de métropole, insultant, persécutant ou harcelant ceux qui lui déplaisent ou dont il est jaloux, s’efforçant de faire échouer des demandes de subventions déjà si difficiles à obtenir. Même après son départ, il restera le fumiste qui a enterré la continuité territoriale et mis en péril les congés bonifiés. L’esbroufeur qui a tenté de s’accaparer la mémoire de l’esclavage, au mépris du comité prévu par la loi Taubira. Le fregoli qui a voulu ridiculiser l’outre-mer en faisant de la cérémonie du 10 mai une kermesse coloniale obscène. Le bluffeur qui a trompé le président de la République en lui soufflant l’idée d’une seconde date de commémoration, le 23 mai, jamais réclamée par personne d’autre qu’un comparse illuminé. La faillite retentissante de cette journée des dupes démontre assez la dangerosité de la petite équipe.

Il appartient désormais à Nicolas Sarkozy de trancher. Si l’existence d’un véritable cabinet noir rue Oudinot n’est qu’une bavure, il est très facile d’y remédier en faisant immédiatement cesser les agissements d’un mystificateur qui n’a ni les qualités ni les compétences pour occuper un poste administratif quelconque dans un pays de droit. Mais si l’imposteur reste en place et continue à se comporter en gouverneur du cinquième DOM, à monter des chantiers aux ministres et à organiser l’injustice en toute impunité, il sera clair qu’en plein XXIe siècle, le gouvernement d’un ancien pays esclavagiste aura trouvé la perle rare qu’il cherchait pour rétablir la police des "noirs".