Les Requins sont devenus une Espèce menacée

Les Requins sont devenus une Espèce menacée

Bientôt peut-être, en tout cas si l’on n’y prend pas plus garde qu’aujourd’hui, le grand fauve des océans qu’est le requin ne sera plus qu’une image imprimée sur la pellicule de films à grand spectacle tel que le pitoyable et racoleur Les Dents de la Mer qui a fait fantasmer toute une génération d’adolescents en mal de chair fraîche. Onze espèces de requins sont menacées d’extinction en raison de la surpêche dont ils font l’objet, pour répondre à une demande économique croissante. C’est le constat d’une étude rédigée par des experts de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), publiée jeudi et dévoilée à l’occasion de la conférence des Nations Unies sur la biodiversité, qui se tient jusqu’au 30 mai à Bonn.

L’UICN exhorte les gouvernements à imposer des quotas sur la pêche de ces espèces menacées, parmi lesquelles le requin renard, le requin soyeux ou le requin mako. La hausse de la demande de soupes aux ailerons de requin dans des pays comme la Chine est une donnée majeure du problème, a expliqué à Reuters Sonja Fordham, co-auteur de l’étude, accusant les pêcheurs indonésiens et espagnols d’être parmi les principaux acteurs du commerce d’ailerons.

Le requin est la poubelle de la mer :


Les requins sont utilisés par l’homme de toutes les façons possibles. On peut utiliser presque chaque partie de ce poisson : on mange sa chair, sa peau donne un bon cuir, ses dents deviennent des bijoux et des ornements, l’huile extraite de son foie sert à fabriquer de l’huile à machine et des cosmétiques, et ses nageoires se retrouvent dans la soupe aux ailerons de requin et dans des friandises pour animaux. Certaines parties des requins ont aussi un grand intérêt médical. La cornée est utilisée en chirurgie de l’œil, dans la mesure où elle est semblable à la cornée humaine. Étant donné que les requins sont très résistants au cancer, les chercheurs étudient leur système immunitaire. L’aspect le plus important de leur utilité est toutefois leur place dans l’écosystème marin : en tant que prédateurs supérieurs, ils jouent un rôle dans la régulation de nombreuses populations de poissons et de mammifères marins, et nous aident donc à préserver l’équilibre de l’écosystème.


Vivant et dans son milieu naturel, ce prédateur demeure également un élément essentiel de notre écosystème. C’est désormais un lieu commun de signaler qu’il s’agit d’un chasseur hors pair, et s’il s’agit là de l’aspect le plus redoutable du requin, ce n’est pas le plus important.
La majorité des requins mangent des poissons et des invertébrés, et certains se nourrissent de mammifères marins comme les phoques et les otaries. On a également trouvé des restes d’autres animaux dans l’estomac de ces poissons : des os et des vertèbres de vaches et de caribous, de poulets, de chiens, de pingouins et d’autres oiseaux, mais aussi divers autres objets plus étonnants : des boîtes de conserve, une montre, un bloc-moteur, une pièce d’armure, des morceaux de chaise berçante, des bouteilles, des boutons, des chaussures, des ceintures et un sac à main. Dans les eaux de l’Atlantique canadien, la plupart des requins sont trop petits pour avaler de gros objets, mais on a retrouvé dans celui du requin taupe commun de la ligne à pêche, de la corde, des ballons, des attaches pour homard, des emballages de bonbons et un filtre à huile. Ainsi, le requin est-il considéré comme la poubelle de la mer.

L’égal de l’homme au fond des océans :


Certaines espèces, comme le requin pèlerin, le requin marteau, le requin baleine ou le requin tigre sont désormais familiers du grand public par l’entremise de films à sensation. On en a cependant répertorié près de 470 espèces, et le requin, s’il se sent bien dans les eaux tropicales, est présent sous l’ensemble de la surface des eaux océaniques. En ce qui concerne le requin du Groenland, son corps s’écrase lorsqu’il est hissé hors de l’eau, car ses artères vitales ne sont pas faites pour résister à la pression atmosphérique. En tirant le géant sur le bord des glaces, on lui brise les cartilages sur le bord du trou de glace.


Parmi toutes les espèces de requins, seule une poignée d’entre elles sont considérées comme pouvant être dangereuses pour nous, les hommes. Dans les eaux tempérées, le danger vient du grand requin blanc, du requin mako et du requin à longues nageoires. Globalement, le risque d’être attaqué par un requin est nettement inférieur à celui d’être frappé par la foudre ou dévoré par un crocodile. La plupart des attaques notées ont lieu dans les eaux de l’Afrique du Sud et de l’Australie. Sur la côte atlantique, on n’a jamais enregistré d’attaques d’humains par les requins, mais on signale quelques accidents non confirmés dans lesquels un grand requin blanc s’en serait pris à de petites embarcations.


Il est à présent admis de façon générale que ces attaques sanglantes sont souvent le fait d’imprudences. Le fond d’une embarcation légère ou une planche de surf rappellerait la forme d’une tortue marine au requin à l’affût. Il n’est pas rare d’ailleurs que les amateurs de spots risquent leur vie en toute connaissance de cause… La plupart des attaques notées ont lieu dans les eaux de l’Afrique du Sud et de l’Australie. On a remarqué des proliférations soudaines de requins au large de conserveries à cause de rejets agro-industriels déversés dans la mer.


Les requins existent depuis le Dévonien supérieur, soit il y a environ 409 millions d’années. La sous-classe Elasmobranchii, à laquelle ils appartiennent, a eu au fil du temps trois embranchements. L’original est le plus primitif et celui des cladodontoïdes, à présent éteints. Le second est celui des hybodontes, qui ont également disparu, mais dont sont issus les requins et les raies de maintenant, qui constituent le groupe des Élasmobranches. On trouve encore aujourd’hui quelques espèces de requins qui représentent la transition entre les hybodontes et les requins modernes.

Les requins victimes de la surpêche :


Partout dans le monde, l’exploitation commerciale des requins a enregistré une forte progression au cours des 20 dernières années. En 1950, environ 272.000 tonnes ont été débarquées. En 1996, les quantités débarquées ont atteint 760.000 tonnes. Il s’agissait le plus souvent de prises accidentelles.
Riches et pauvres consomment du requin. Sa chair est une source bon marché de protéines pour des millions de petits pêcheurs. Les ailerons de requins, principal ingrédient d’un potage oriental fort prisé, sont l’un des produits halieutiques les plus chers du monde. Souvent, on coupe les ailerons et on rejette les carcasses dans l’eau. La peau, les dents, les cartilages et l’huile du foie sont également utilisés et vendus.


De nombreuses espèces de requins ont un cycle de croissance lent et un taux de fécondité faible. Cela signifie que les requins sont très sensibles à la surexploitation car il faut de nombreuses années pour reconstituer les stocks.
Mais la pêche au requin n’est pas seulement le lot des populations pauvres de l’océan Indien. Les populations de requins de l’Atlantique-Nord ont chuté de plus de moitié au cours des 15 dernières années et certaines espèces approchent du point de non-retour, selon une récente étude publiée dans la revue Science.


Ce sont les chalutiers qui partent au large dans l’Atlantique et les mers voisines pour pêcher le thon ou l’espadon qui tuent par la même occasion de grandes quantités de requins prisonniers de leurs filets : requin marteau, grand requin blanc, requin tigre, renard de mer, affirment les auteurs de l’étude. En effet, certains pêcheurs ne comprennent toujours pas que les ressources halieutiques ne sont pas inépuisables comme toutes les ressources sur notre planète. À ce titre, rappelons que de trop nombreux poissons juvéniles sont capturés, tués et relachés en mer car ils n’ont aucune valeur marchande, endommageant très gravement le renouvellement de leurs populations.


Le requin est particulièrement menacé par la pêche intensive du fait aussi qu’il ne se reproduit pas rapidement. Ils sont comme les humains, rappelle le professeur Myers, ils mettent beaucoup de temps à arriver à l’âge adulte et ont relativement peu de bébés ; les gros requins n’ont que quatre petits par an, ça les rend plus vulnérables que les autres espèces de poissons. Cette équipe de chercheurs a analysé les livres de bord de nombreuses flottilles de pêche au large pendant 14 ans (1986-2000) et a constaté une baisse considérable du nombre de requins tués lors de la pêche au thon ou à l’espadon. Nous estimons que toutes les espèces de requins enregistrées, à l’exception du mako, ont décliné de plus de 50% au cours des huit à 15 dernières années, relèvent les chercheurs qui mettent en cause, outre la pêche intensive, l’insuffisance des efforts internationaux pour protéger ce prédateur. De fait, 89% des requins marteau ont disparu dans l’Atlantique, 65% des requins tigre, 60% des requins bleus, 80% des grands requins blancs et des renards de mer !

La pêche sportive est de plus en plus cruelle :


Il est important de souligner que le requin est au sommet de la chaîne alimentaire dans l’océan et sa quasi-disparition avec des millions de bêtes tuées chaque année entraînera nécessairement des perturbations sans doute irréversibles dans l’écosystème des océans. En effet, comme toute espèce animale, le requin contribue à un équilibre et participe aussi à la survie d’autres espèces et à la régulation des populations marines.


La fascination qu’exerce le prédateur sur l’homme est l’occasion pour certains d’organiser des safaris sous-marins, où l’amateur de sensations fortes est plongé dans le grand bleu à l’intérieur d’une cage, et livré à l’adoration de cet animal qu’on attire avec des volailles ou de petits poissons pêchés au préalable. J’ai passé des milliers d’heures sous l’eau avec des requins et je n’ai jamais été attaqué, s’insurge Rob Stewart, l’auteur de Sharkwater (Les Seigneurs de la Mer), dénonçant l’image que Les Dents de la Mer ont donné de cet animal.


Cloués sur des planches, des chiens vivants sont accrochés à un hameçon planté dans les babines et deux autres dans les pattes avant et arrière. La pratique est connue dans l’île de la Réunion qui entend par là résoudre son problème de surpopulation canine. Des pêcheurs partent en mer avec des Royal-Bourbon, les chiens bâtards, ils leur plantent des hameçons et les clouent sur des planches de bois. Les gémissements des animaux et le sang qui se répand dans l’eau attirent les squales. Les pêcheurs n’ont plus qu’à ferrer les requins.


En 2005, les associations s’indignent et se mobilisent. Fin août, Brigitte Bardot adresse un courrier au préfet et au ministre de l’Outre-Mer, François Baroin. Laurent Cayrel, le représentant de l’État fraîchement débarqué à la Réunion, s’exécute et prend un arrêté interdisant la détention de tout animal carnivore à bord d’une embarcation. Dans ce contexte, les gendarmes finissent par coincer un suspect. Le pêcheur nie, ses hameçons ne correspondent pas… Qu’à cela ne tienne, il est jugé en comparution immédiate au TGI de Saint-Denis.


Mais la pêche au requin n’est pas l’apanage des latitudes tropicales et des destinations touristiques lointaines. Tous les ans au mois d’août, une compétition de pêche au requin se déroule au large des côtes de l’île de Noirmoutier, en Vendée. Dénommée Challenge Peaux bleues, l’épreuve porte le nom de l’espèce visée par les compétiteurs : le requin peau bleue, une espèce dont les stocks sont dans un état préoccupant. Traqués par une quinzaine de bateaux, les requins pêchés (une tonne au total environ) sont vendus à la criée au profit de la Société nationale de Secours en Mer (SNSM).


Principale victime de la pêche récréative, le requin peau bleue a vu ses captures augmentées de 50% entre 1990 et 2003. Ce grand migrateur à croissance lente n’atteint sa maturité sexuelle qu’entre 5 et 6 ans, lorsqu’il parvient à une taille de près de 2 mètres. Or, lors de ces épreuves, les prises n’atteignent que très rarement cette taille, ainsi, par exemple, lors du Challenge Peaux bleues de Noirmoutier, la taille minimale de prise a été fixée à 1,5 mètre. Autrement dit, de nombreux animaux sont capturés alors qu’ils n’ont pas eu le temps de se reproduire…


Les requins ne sont pas protégés par la réglementation internationale, s’indigne Rob Stewart. Les propositions de classement de deux espèces de requins, l’aiguillat et le requin taupe dans les espèces protégées de la Convention sur le commerce international des espèces menacées (CITES) ont été rejetées lors de la dernière conférence en juin 2007.


L’aileron rapporte beaucoup d’argent, 4 à 500 dollars le kilo, mais la chair du requin, en comparaison, ne vaut pas grand-chose, explique-t-il. Alors, les pêcheurs font place nette sur le bateau, laissent les ailerons sécher au soleil, et ne s’embarrassent pas du reste, qu’il faudrait conserver dans des chambres froides. L’aileron de requin est une délicatesse populaire en Asie, particulièrement la Chine, où elle est typiquement servie en potage à l’occasion de mariages. La demande a explosé au cours des dernières années et plus les requins se raréfient, plus leur pêche est profitable, constate Rob Stewart.

 

 


Le plus méchant commerce est la pêche aux requins,
Mais ce n’est pas le fait d’un peuple analphabète…
C’est partout qu’on se paye à tout va sur la bête
Mais souvent, les motifs n’en sont que plus mesquins.


De ces poissons qu’on ne voit pas chez les péquins,
On en connaît certains que notre audace embête :
Ils sont passés champions dans l’art de la courbette,
Vous les voyez crispés tous sur leurs maroquins !


Vous les croyez comblés, mais s’il leur prend l’envie
De mieux tenir leur coffre et tout le monde en vie,
Tant l’homme a fait son miel d’un splendide animal…


Qu’il faudra plus d’une ère avec pour vivre en elle
Un souci qu’on a tous de n’y pas voir de mal,
Juste un petit quinquin qu’on boit sous la tonnelle !

 


Lire une histoire de pêche au requin.