Où sont les clefs ?

Où sont les clefs ?

Quand vous avez 30 questions à poser à un suisse bavard et que 20 minutes sont trop courtes en interview-promo pour la sortie de Taxi-Europa, Eicher vous propose de vous retrouver à nouveau pour terminer l’entretien quand il sera sur la route et pas trop loin de la résidence du journaliste en manque. Ce fut chose faite en ce samedi Bethunois.

Pour parler de la tournée, des Chansons Bleues et surtout du DVD qu’il sort ces jours ci et qui est un véritable casse-tête chinois entre film et réalité ? Entre chants et sirènes…

Stephan Eicher : « J’étais avec de jeunes gens très touchants, des universitaires… »
Qui ont analysé ton œuvre ?
Stephan Eicher : « Oui tout à fait (rire) Tu sais c’est surprenant pour moi, je fais les choses naturellement, en général, je ne réfléchis pas trop aux conséquences et au rapport au public. Savoir que certaines personnes ont un regard presque plus sérieux que moi sur mon travail c’est intéressant et troublant. Mais ils n’ont pas tout trouvé.. »
Ils n’ont pas trouvé la clef du mystère mais s’en sont approchés !
Stephan Eicher : « Oui ! Ils ont oublié de se rendre compte que le DVD sortait pour Noël et que j’était donc Jésus Christ ! »
Tout d’abord j’aimerais connaître tes impressions sur ’Taxi-Europa’ quelques mois après sa sortie ?
Stephan Eicher : « L’album commence à vivre maintenant sur scène. C’est la dimension que je préfère. Il y a enfin des oreilles qui l’écoutent. De vrais gens. C’est à ce moment là que la chanson prend finalement sa forme. Il y a des chansons qui ont pris du muscle, d’autres qui sont un peu plus délavées. »
La chanson « E* » avec l’homme derrière l’artiste après le concert, c’est ce qui se déroule actuellement tous les soirs ?
Stephan Eicher : « Je ne voudrais pas dévoiler trop les surprises mais l’idée à un moment consiste à mettre en avant les vraies stars d’une tournée : les mecs du son par exemple, les gars de la lumière, le bonhomme qui me rapporte ma guitare au bon moment, etc… mais vous verrez bien. J’aime bien commencer et finir mon tour de chants comme un film ».
Quand je vois les remerciements en fin de concert je remarque que tu cites « Oui-Oui d’Enyd Blyton » au lieu de « Mon chien Stupide de John Fante » qui est un auteur que tu affectionnes particulièrement ».
Stephan Eicher : « J’ai eu trois minutes pour faire la liste… en plus j’ai demandé à mes musiciens de mettre des conneries pour finir… Je ne sais plus qui a pensé à Oui-Oui qui est sûrement le chauffeur de Taxi le plus connu du monde. Depuis cela devient un peu notre gourou ! ».
Ton set semble se conduire de cette manière : pied au plancher- vitesse réduite- et encore pied au plancher ?
Stephan Eicher : « Je fais beaucoup de course en taxi, en règle générale : ça va très vite au début, après tu as les embouteillages de la ville et c’est près de l’aéroport que tu recommences à rouler ».
Est ce que l’apport de la vidéo n’est pas trop contraignante dans le déroulement du concert ?
Stephan Eicher : « Non car le truc vraiment spécial avec cette « production » si je peux l’appeler comme ça, c’est que ce sont les images qui suivent la musique. C’est à dire qu’il y a trois ordinateurs qui tournent pour trouver la bonne image avec la bonne musique. « Venez danser » est la seule chanson où un ordinateur est impliqué musicalement car malheureusement il y a des séquences que l’on ne pouvait pas traduire sur scène, sinon tout le reste est joué live par le groupe. Dans les images c’est un ordinateur qui calcule la vitesse, qui calcule les fréquences et les breaks qu’on fait. Ce sont les images qui nous suivent et pas l’inverse. C’était le but de ce projet. Dans d’autres spectacles souvent c’est quelqu’un qui clique dans l’oreillette : « attention image 1,2,3,etc… » alors que là c’est la batterie qui fait la vitesse des images et pleins d’autres choses comme ça. »
A ce sujet j’aimerais que tu me donnes le titre de cette superbe chanson que tu chantes avec des soldats en vidéo derrière toi ?
Stephan Eicher : « C’est une chanson de Schubert. Il y a une superbe phrase dans cette chanson qui dit « Là je dois partir parce que la fille a commencé à parler d’amour et sa mère du mariage »(rire). Sinon, pour l’illustre j’ai pris des images de la guerre franco-allemande de 1871. Une immense peinture qui est à Lucerne que j’ai découpé en images. Cette histoire est très incroyable : c’est la dernière fois que la Suisse fut vraiment un pays d’accueil. Ce sont des images de l’armée de Charles Bourbaki qui fut battu à Besançon et poursuivi par les allemands : la seule possibilité pour ces 80 000 soldats c’était de se réfugier en Suisse. La Suisse a réagit en quelques heures en leur ouvrant les frontières, en les nourrissant. La population suisse a monté de 5% dans un hiver où il n’y avait pourtant pas beaucoup à manger. Cette histoire c’est mon rêve de la Suisse… Pas comme à la seconde guerre mondiale où l’on a pris l’argent juif mais où les juifs étaient refoulés à la frontière. »
En puriste j’aimerais savoir pourquoi certaines chansons hors catégories ne se trouvent pas dans le set du Taxi Tour. ’Elle mal Etreint’ par exemple qui colle bien à l’ambiance rock du concert ?
Stephan Eicher : « Musicalement oui, mais le texte était… comment dire… il y a quelques chansons, spécialement avec Philippe qui ne survivent pas aux années. ’Dis Moi Où’ est une chanson qu’on fait pas et que j’attends de faire avec impatience.

Et la ’Goualante du Pauvre Jean’ que tu reprends sur un album hommage ?
Stephan Eicher : « Cette production est assez étrange. C’est la maison de disque qui m’a demandé de faire ça. Je me disais Piaf-Eicher : pftt… comment je peux, moi, toucher à ce mythe. A force d’insistance, je leur ai dit d’accord ! J’ai fait un arrangement pour 50 musiciens vraiment luxueux. Quand j’ai rendu ma copie, la maison de disque m’a répondu « non, non Stephan, tu voudrais pas le faire avec seulement un accordéon ». Je les ai traité de fou ! Imagine : ma voix plus un accordéon plus Piaf derrière c’était impossible. J’en ai déduit qu’ils ne voulaient pas de mon arrangement parce qu’ils ne voulaient pas mettre de sous dans ces reprises. Alors j’ai été sur internet downloader un programme qui est une simulation d’un vieux mélotron et j’ai fais toute la chanson avec un plug-in dans mon portable en une après-midi. Je leur ai filé la facture du down-load qui devait coûter 300 dollars et je leur ai demandé de me foutre la paix ! »
Maintenant j’aimerais parler de ton DVD qui est dans la continuité de ta précédente vidéo ’Non Ci Badar’, est ce que S.Eicher ne deviendrait pas le Corto-Maltese de la musique ?
Stephan Eicher : « Ho tu me flattes ! Ce DVD je dois en faire la pub parce que je voudrais montrer à ma maison de disque « qu’ils ont raté le CD », plus précisément qu’ils ont fait trop de connerie avec le support CD. Tu les vois pleurer de perdre de l’argent dans la piraterie et c’est eux aussi qui vendent le copieur et le moyen de copier. Avec le DVD c’est un support neuf qui me fascine mais qu’ils n’exploitent pas bien. Je pense qu’avec les caméras DV, les tables de montages virtuels dans les ordinateurs on peut vraiment faire des images valables avec un tout petit budget. J’ai démontré ça à ma maison de disque mais il ne m’ont pas écouté. Pourtant je défend vraiment cette idée que le meilleur disque peut être enregistré dans une cuisine et qu’il peut être filmé également. D’ailleurs demain j’enregistre la suite de ce premier DVD. »
Ce DVD contient un film de 52mn que l’on peut regarder comme une œuvre à part entière, avec de véritables acteurs, dont toi, et plein de références au cinéma de Jacques Tati par exemple ?
Stephan Eicher : « Oui je suis un grand fan de Tati. »
Si tu n’es pas Corto-Maltese, par contre avec Max Gazzé et votre cappuccino vous avez des allures de De-Funes - Bourvil de la grande époque ?
Stephan Eicher : « Quel grand compliment !(rire)
J’ai le droit de dévoiler que le chauffeur de Taxi qui te conduit de Hambourg à Palerme est aussi un très bon bassiste ? D’ailleurs, tu utilises plein de chanteurs pour jouer la comédie ?
Stephan Eicher : « J’ai demandé à plein d’amis de me retrouver sur l’autoroute où l’on filmait. Je demandais qu’ils viennent à 10 heures sur l’air de repos untel pour faire un film. Ils me demandaient tous ce qu’ils allaient jouer et je ne pouvais que répondre « Je ne sais pas ».
D’ailleurs sur ce DVD comme sur scène tu lances des clins d’œil aux gens qui te connaissent un peu ?
Stephan Eicher : « J’ai mes thèmes que j’utilise ».
A la fin du film tu regardes la mer et tu scrutes l’Amérique, alors j’aimerais savoir si après ce tour d’Europe- l’inspiration pourrait venir de l’ Amérique du Sud ?
Stephan Eicher : « Musicalement non ! J’ai fait cette fin car 15 jours après je devais faire un concert à Rio de Janeiro qui a du être annulé mais j’aurais aimé montré la fin du film et monter sur scène habillé comme dans le film avec mon bonnet de bain. D’ailleurs je suis ridicule avec ce bonnet ! »
On peut voir aussi sur ce DVD, la douleur de fabriquer un disque sur le making of de Taxi Europa ?
Stephan Eicher : « Douleur mon dieu tu vas trop loin. Je peux te montrer des disques qui sont des douleurs. ’Louanges’ est un disque fait dans la douleur pas le dernier. »
Alors je reformule ma question et remplace douleur par « angoissant » ?
Stephan Eicher : « J’ai laissé entrer deux producteurs en leur laissant beaucoup de place, franchement je suis très relax dans un studio mais il ne faut pas oublier que je fabrique un disque. En plus on a pas eu beaucoup de temps pour l’enregistrer du fait des projets de chacun. On a travaillé dans 3 studios en même temps. C’est montrer qu’un disque c’est du boulot ! ».
La restauration des ’Chansons Bleues’ pourrait elle te voir reprendre la restauration d’autres projets ?
Stephan Eicher : « Pas un album studio déjà sorti, par contre il y a un disque qui n’est jamais sorti avant ’1000 Vies’ parce que je ne trouvais pas la façon de raconter ce disque que j’avais commencé avec des maliens et des sud-américains, peut être qu’un jour celui-là ou un autre qui traîne dans un carton pourrait moralement aboutir à un album.
Est ce que l’avenir pour toi ne se conjuguerait pas en un disque original enregistré sur un 4 pistes sur scène ?
Stephan Eicher : « Exactement c’est mon prochain disque. Je travaille dessus depuis un moment. J’enregistre un disque live à Bruxelles demain… d’ailleurs je ne veux même pas que ce soit un disque mais plutôt un DVD avec 4 visions différentes : tu peux voir le concert vu par moi, vu par le public, vu par les techniciens et vu par un fan. Je voudrais montrer des émotions opposées qui amènent sur le même chemin. »
’Le lost and Found Orchestra’ ton autre groupe va t’il retrouver la lumière de la scène ?
Stephan Eicher : « Il s’appelle Lost and Found : pour le moment c’est Lost ! Je ne sais pas si j’ai le temps de m’ennuyer l’année prochaine mais souvent quand je m’ennuie je ressors ce groupe de son chapeau ».
Dans le taxi qui t’emmène à Palerme, tu dis au chauffeur « j’en ai encore pour 5 ans ensuite je dors »… c’est un triste présage ou une simple réplique ?
Stephan Eicher : « Je n’espère pas. Enfin j’espère dormir avant un peu (rire) mais reprendre la route après. »
Tu as fais un duo avec Patricia Kass ?
Stephan Eicher : « C’est vrai ? Ecoute tout ce que je peux te dire c’est que j’ai chanté dans le studio avec P.Kass après je ne sais pas si elle va l’utiliser. Je serais très heureux et fier si elle garde ma participation. Ha Patricia et moi (soupir) »
Et Christophe pour un duo ?
Stephan Eicher : « Ce mec est super mais il est spécial. Il est blond comme Patricia mais… Je l’ai rencontré, je suis un grand fan parce que ce gars est un mec qui a de la pop en soi et n’est jamais ridicule. »