Lettre ouverte à Jésus

Lettre ouverte à Jésus

Arles, le 08 mai 2008,

Jésus,

De retour en France après mon périple mexicain, je ne peux m’empêcher d’avoir une petite pensée pour toi. C’est à chaque fois pareil : les voyages au bout du monde sont riches de parfums exotiques et de saveurs inconnues. En même temps, ils nous confrontent à des réalités sordides, infinies variations sur le thème de la condition humaine.
Ton prénom est célèbre, Jésus, mais ton destin, de prime abord, à quelque chose de tragique.

Certes, comme ton homonyme divin, tu montes au ciel et tu en descends avec une certaine facilité. Sauf que cela a fait sa gloire, qu’il mange du poisson quand il veut, et qu’il est assis à la droite de Dieu. Ça en jette ! Et toi ? Toi tu es garçon d’ascenseur à l’hôtel Majestic de Mexico. Tu ouvres et fermes la porte à des inconnus qui t’ignorent en général assez royalement. Tu restes debout a côté d’une rangée de boutons, que tu actionnes selon les besoins des clients fortunés de l’hôtel, ou, le plus souvent, des touristes venus grimper sur la terrasse de l’hôtel pour contempler la vue imprenable sur le Zocalo, la plus grande, la plus vieille, la plus célèbre place de Mexico.

Je serais curieux de savoir ce qui défile dans ta tête, cher Jésus, au fil de ces journées (et de ces nuits, j’imagine que le service doit être assuré 24/24), où tu te promènes du rez-de-chaussée au sixième étage de l’hôtel, coincé sans lumière naturelle dans ta petite boîte qui monte et qui descend. Même pas habillé en vert pour pas qu’on te confonde avec un petit pois dans un ascenseur…

Sans trop y croire, j’espère que ces longues heures et ces infinités de visages nourrissent chez toi un sens aigu de la contemplation et une imagination infinie, que tu te racontes des histoires magnifiques au fil des journées, et que peut-être un jour tu nous en feras profiter. Je le souhaite mais ce n’est pas ce que j’ai cru voir dans ton regard. Alors avec tout le respect que je dois à cette mission que tu remplis sans sourciller, je me dis que cette croix-la non plus n’est pas très simple à porter, et je te souhaite bon courage…

Arno

PS : Si ton prénom te donne accès à une quelconque instance divine, ou n’importe quelle forme de miracle, j’aimerais bien à l’occasion que tu me récupères les images de la gamelle monumentale que je me suis mangée à l’aéroport de Madrid. Non pas que je tienne absolument à me couvrir de ridicule… C’est juste pour gagner un prix à Vidéo Gag…