Laurent Balandras auteur de ’Pascal Sevran, le maître chanteur’ (interview)

Laurent Balandras auteur de 'Pascal Sevran, le maître chanteur' (interview)

Alors que le journaliste Jean-Pierre Elkabach vient d’être rappelé à l’ordre par le CSA pour avoir annoncé la mort de Pascal Sevran avant l’heure, nous avons souhaité interroger Laurent Balandras qui a signé un livre à charge contre l’animateur/chanteur et homme de "Musique"... une bonne manière de parler de Sevran un peu différemment... grâce à quelqu’un qui a fait une véritable enquête sur lui.

Laurent Balandras est éditeur musical et s’occupe d’auteurs et de compositeurs. Il défend les intérêts d’Olivia Ruiz, Marie Nimier, les Weeepers Circus ou Caroline Loeb par exemple, et a publié en 2007 une enquête au vitriol aux éditions Tournon : Pascal Sevran le Maître Chanteur.

À votre avis, Pascal Sevran a-t-il apporté quelque chose à la chanson française ?

Ce que la chanson française doit à Pascal Sevran tient à deux choses. D’abord, un rapport épais qu’il a remis à Jack Lang alors qu’il était depuis peu ministre de la Culture. Il a été ensuite et pendant longtemps l’animateur d’une émission de télévision où nous ont été donnés à voir, ou plutôt à revoir des artistes qu’on ne voyait plus nulle part.


Pouvez-vous nous parler de ce rapport et de ce qu’il a eu comme conséquences pour la chanson française ?

Le rapport est très intéressant et il a permis d’ouvrir des perspectives nouvelles aux artistes. Auparavant, les interprètes ne touchaient pas de droits sur les enregistrements qu’ils faisaient et des propositions allaient dans le sens d’une rémunération plus juste. Il y avait également lieu de revoir la taxation particulière des œuvres musicales afin de remédier à la grande précarité des revenus.

Quel est l’apport de La Chance aux Chansons ?

Cette émission a eu pour objectif de mettre en avant le patrimoine et la chanson françaises dans leur diversité. Il tient le challenge les premières années, mais elle devient au fil des ans un show Pascal Sevran… pour finir avec un concours de jeunes talents complètement déconnecté de la réalité. Cette émission n’a jamais rencontré la faveur du public.
(au début, si. En fait, l’audience s’amenuise chaque année pour ne plus atteindre le seuil symbolique des 25% de part de marché en 2007)
En 2000, Michèle Cotta voulut y mettre un terme, et elle a reculé une première fois devant les protestations des téléspectateurs. La deuxième fois a été la bonne : il y a eu l’année dernière un scandale à propos de ce qu’il a écrit dans son journal intime, mais je ne crois pas que l’antenne en ait pris le prétexte pour se séparer de l’animateur. On lui avait demandé de réfléchir à un nouveau projet d’émission.

Quelle a été d’après vous, la véritable influence de Pascal Sevran ?

Je lui reproche d’avoir ringardisé la chanson, il s’est servi de son émission pour devenir une vedette et pour publier des livres. Car il faut savoir que Pascal Sevran s’est toujours vu en écrivain… Il a constamment couru derrière le succès et l’image qu’il avait de lui-même, il s’est ne s’est servi du pouvoir médiatique que pour son profit personnel. Son émission était complètement tournée vers lui, et beaucoup d’artistes refusaient de s’y rendre. Les artistes phares, depuis 15 ans, ont soigneusement évité La Chance aux Chansons.

Juliette, Goldman, Souchon, Cabrel, Zazie... par exemple, n’y ont jamais mis les pieds. Cette émission, qui n’était plus depuis longtemps ce qu’elle prétendait être, n’avait donc plus vraiment de raison d’être.

Est-ce également pour cela qu’il s’est engagé aux côtés de Nicolas Sarkozy l’année dernière ?

Certainement ! Cet homme a deux ambitions : la reconnaissance et le pouvoir. Aujourd’hui, le pouvoir c’est la télévision, d’autant plus que la reconnaissance du public passe aussi par là. Il faudrait lire le bouquin qu’il a écrit sur Mitterrand… C’est édifiant, navrant de bêtise et de flagornerie. Sans doute se voyait-il continuer à faire le larbin avec Sarkozy comme il l’a fait avec Mitterrand.

Selon vous, il n’aurait pas été l’auteur de chansons qu’il prétend être ?

Je mets personnellement en doute qu’il ait été l’auteur de la célèbre chanson de Dalida : "Il venait d’avoir dix-huit ans". Les auteurs sont connus, mais cela ne l’empêche pas de la revendiquer.
Quatre personnes signent ce tube et Sevran l’a toujours revendiqué comme s’il en était le seul responsable.

Il suffit de regarder sur la pochette du disque. Et puis, ça ne ressemble à aucune autre des chansons qu’il a écrites, et dont pas une seule n’a passé la rampe. Il est pourtant l’auteur de près de 400 chansons : "Pourquoi la pluie fait-elle pleurer les roses" (interprétée par Romuald), "Le soleil avait quitté la plage" (Pascal Sevran), "Quand vient la nuit on dit je t’aime" (Max Guazzini).


La polémique dont il a fait l’objet était-elle un mauvais procès ?

Son journal est un ramassis de nostalgie vichyste et de dénigrement des artistes…
(sans oublier les nombreuses incitations au tourisme sexuel).
Pascal Sevran a réellement un problème pathologique lié à la guerre. Je m’étonne qu’il n’y ait pas eu de polémique à son sujet, mais c’est peut-être parce que personne n’a jamais jeté un coup d’œil à ses livres. C’était aussi l’auteur de romans rances, où ses héros s’attachent à démontrer la culpabilité du capitaine Dreyfus ou à regretter l’époque heureuse de l’occupation allemande. Et puis, il ne peut pas s’empêcher d’écrire des vacheries sur les artistes. C’est quelqu’un qui n’arrête pas de suivre les modes, mais ne parvient pas à entrer dans le mouvement. C’est pathétique.

Vous avez écrit un livre au vitriol sur Pascal Sevran, mais quelle était votre motivation ?

Après la polémique sur "la bite des Noirs" j’ai trouvé que le procès qu’on lui faisait ne devait pas tant être celui du racisme, mais celui d’un usurpateur. C’est quelqu’un qui méprise la chanson et les artistes, mais comme jamais personne n’a pris le temps de regarder ce qu’il écrit… Lorsque mon livre est sorti en librairie pour rétablir la vérité sur le personnage, il a donné une interview à VSD en août de l’année dernière et il a parlé de son cancer, il a dit qu’il était gravement atteint.

C’est alors que j’ai su que les médias (télévisés uniquement. Il y a eu de nombreuses chroniques dans Le Figaro, Libé..etc) ne souhaitaient pas parler de mon livre en sachant qu’il était malade.