Quelque chose de Fajardie

Quelque chose de Fajardie

Ses lecteurs assidus savent que Frédéric Fajardie laisse derrière lui le polar Français dans un meilleur état que celui dans lequel il l’avait trouvé..., ce qui consolera davantage les amateurs du genre que les amis de l’écrivain, car c’est avec beaucoup de peine que j’apprends à l’instant sa mort.

Ils étaient nombreux parmi mes confrères à le connaître mieux que moi, mais comme il ne fallait pas longtemps pour apprécier cet homme et qu’en ces instants les souvenirs reviennent, quelques petites choses que je sais de Fajardie me donnent envie de vous le raconter.

Je l’ai connu au petit matin dans une cuisine. Nul doute que nous avions passé la soirée précédente ensemble mais comme nous étions un sacré paquet à partager le dîner de la veille, et pas que les plus discrets, je ne l’avais apparemment pas remarqué... Tandis que dès potron-minet nous n’étions cette fois que lui et moi, les autres cuvant encore. On s’est dit bonjour, je ne savais certainement pas qui il était, je ne l’avais même pas lu à l’époque... On a pris le petit-déjeuner et c’est lui qui s’est chargé de trouver des bols et de préparer de son mieux un jus de chaussette avec une cafetière inconnue, autour duquel j’ai d’abord découvert un garçon timide et prévenant. Je me suis vite rendu compte qu’il était également très humble, car dès que les autres se sont levés et ont débarqué un à un dans la cuisine, j’ai eu l’occasion de réaliser à son corps défendant qu’il était le plus respecté parmi nous. Je connais peu
d’auteurs qui se privent de vous parler d’eux dès le petit-déjeuner, et je lui saurai éternellement gré de tant de modestie, qui est une qualité qui me touche.

Je me souviens également d’un match de l’OM auquel nous avions assisté. Tout le monde s’était bien amusé, surtout que nous étions invités par le club avec ce que cela suppose d’avantages, mais Frédéric était surtout heureux d’avoir pu offrir ce moment à son fils, ce qui m’avait touché.

Je me souviens encore d’une autre fois, où on avait eu l’idée saugrenue de réecrire son roman le plus parisien en Marseillais, ce qui l’avait tout de suite amusé. Beaucoup de projets font long feu et celui-ci avec, mais son enthousiasme m’avait touché.

Et puis l’élection de Miss Polar, à Aniche, chez les ch’tis, ces fadas : nous faisions partie du jury avec quelques auteurs, qui, dans la bonne humeur collective et pour amuser les jeunes filles en lice, avions accepté après l’élection d’inverser les rôles et de monter à notre tour sur scène, afin qu’elles élisent pour de rire "mister polar", si l’on peut dire... C’était un peu n’importe quoi, on faisait tous les cons, mais à son tour de défiler et de se jeter sous la lumière des projos, Frédéric m’avait demandé doucement de lui prêter mon chien pour lui donner une contenance. Il était apparu avec Saucisse sous le bras, qui l’aida à vaincre ce court embarras de son corps... C’est tout bête, mais son trac m’avait touché.
De la même façon, je lui avais tiré un jour le portrait pour la page people du site de Saucisse et il est le seul à avoir profité de l’occasion pour lever le poing, je crois aussi pour masquer une gêne évidente à sourire au petit oiseau. Ce poing gentiment en l’air avait touché mon coeur de gauchiste invétéré.

Voilà tout ce qui m’est revenu en mémoire tout à l’heure, à la minute d’apprendre la triste nouvelle. Je vous le livre tel quel... J’aurais aimé illustrer cette manière d’hommage avec la photo dont je viens de vous parler, je l’aime beaucoup parce que Fajardie s’y montre tel qu’en lui-même, mais comme un fait exprès le site de mon chien a buggé il y a quelques jours... et voilà, les choses et les gens disparaissent et les souvenirs nous restent.