Hommage à François Béranger

Hommage à François Béranger

« Tous ces mots terribles… » Nous sommes nombreux/ses à pouvoir embrayer sur la ballade grinçante de François Béranger, chanteur libertaire décédé en octobre 2003. « Tous ces mots terribles… » c’est aussi le titre d’une compilation, hommage qui revisite dix-sept chansons inusables. Sortie le 21 avril 2008.

Entre colère et tendresse, François Béranger a marqué la chanson rebelle des années soixante-dix avec sa voix chaude et ses idées noires. « Chanter, c’est pas vivre, mais c’est l’espérer. Chanter, c’est survivre, quand on est vidé. Vidé de ses illusions, tout nu et tout con », nous confiait-il dans ses concerts-manifestes inoubliables.

Sorte de fils caché d’Aristide Bruant et de Fréhel (à moins que ce ne soit de Gaston Couté et de Damia), ce folk-singer libre penseur héritier de Woody Guthrie ne ratait jamais une occasion pour aligner les exploiteurs (ex-ouvrier chez Renault, il avait chanté pour les Lip, les grévistes du Joint français et tant d’autres), les flics, les matons, les racistes, les pollueurs, les militaires, l’État de merde... « Dire que l’État est scatologique, c’est pas vraiment très sympathique pour la vraie fiente, le vrai crottin qui engraisse si bien nos jardins… » Chanteur utopiste, il était souvent rattrapé par un réalisme ravageur. « J’en suis encore à m’demander après tant et tant d’années, à quoi ça sert de vivre et tout, à quoi ça sert, en bref, d’être né. »

Appelé sous les drapeaux, François se retrouva en Algérie pour le casse-pipe que l’on sait. Il assista à des drames qui le marqueront pour toujours. Sur scène, avant d’interpréter Tranche de vie, chanson autobiographique romancée, il n’oubliait jamais de s’excuser pour cette tragique parenthèse. Avec une sombre ironie, il disait à chaque fois qu’il le disait à chaque fois, comme s’il voulait dissiper tout malentendu. Bref, Béranger faisait partie de ce qu’un certain Raymond Marcellin, ministre de l’Intérieur, appelait les… « ennemis de l’intérieur ». C’est ce qui incita sans doute l’AFP à présenter l’auteur de Magouille Blues comme « l’ambassadeur de l’esprit de Mai 1968 », le jour de sa mort, en 2003.

A la fin de sa vie, François n’avait pas perdu son mordant, mais son audience n’était plus la même. Pas du tout consensuel, les radios et télés l’ignoraient. Perpétuel insoumis, François Béranger s’est toujours battu contre la violence du capitalisme et contre la mollesse de la gauche institutionnelle. « Le vrai changement, c’est quand ? » demandait-il en 1982, au début des années Mitterrand qui sonnèrent le glas des élans alternatifs.

La dernière apparition de François Béranger remonte à 2002 pour un duo avec Sanseverino sur Le Tango de l’ennui, titre repris sur l’album Le Tango des gens. Sanseverino lui dédia d’ailleurs la Victoire de la Musique qu’il reçut en 2003. Dans la foulée, au risque d’énerver le François qui refusait d’être un modèle, une « idole », dix-sept artistes ou groupes rendent hommage à l’ami Béber. De Raoul Petite à Jeanne Cherhal en passant par re-Sanseverino, Thiéfaine, Marcel et son orchestre, Tryo, La Rue Kétanou, les Blaireaux… et Emmanuelle Béranger (fille de), voilà une tribu bien sympathique pour rallumer le feu de la colère.

« Comme on a les mêmes choses sur le cœur, un jour on pourrait chanter en chœur... »

La compilation Tous ces mots terribles associe Loïc Lantoine (Y’a dix ans), Michel Bühler (Le Vieux), Hubert-Félix Thiéfaine (Tranche de vie), Gérard Blanchard (Tous ces mots terribles), Jeanne Cherhal (Rachel), Jamait (Le Monument aux oiseaux), Mell (Manifeste), Raoul Petite (Mamadou m’a dit), Marcel Et Son Orchestre (Magouille Blues), Tryo (Ma Fleur), Tony Truant (La Gigue de la reine), La Rue Kétanou (La Fille que j’aime), Les Szgaboonistes (En Avant), Emmanuelle Béranger (Dure mère), Sanseverino (Brésils), Les Blaireaux (Antonio) et Edgard Ravahatra (Dans les arbres).

La compil sera écoutée en avant-première à Paris, le 15 avril, à partir de 19 heures, chez Confluences,190 boulevard de Charonne (20ème) où il sera possible de voir une exposition d’affiches de Mai 68 jusqu’au 30 mai.

Le CD Tous ces mots terribles est présenté sur Myspace

Pour finir en chanson, voici Tous ces mots terribles interprétée par François Béranger le 5 novembre 1998, à Lille.