Abou Dhabi : nouvelle base française dans le Golfe

Abou Dhabi : nouvelle base française dans le Golfe

Le 15 janvier 2008, la France signait un arrangement avec les autorités des Emirats arabes unis : un "accord de présence", qui ouvre la voie à l’installation d’une base interarmées avec un effectif de 400 à 500 militaires, dont un tiers serait installé dans l’actuel port de commerce d’Abou Dhabi.

Il faut noter que les Emirats arabes unis, liés à la France par un accord de défense réciproque depuis 1995, émettaient le souhait qu’une partie des forces qui sont stationnées à Djibouti migrent dans le Golfe persique.

C’est la première fois que la France sera implantée dans le Golfe, qui plus est dans l’un des secteurs les plus stratégiques : le détroit d’Ormuz, par où transite 40 % du pétrole mondial. Le chef d’état-major particulier du président français, l’amiral Edouard Guillaud, y a vu "une petite révolution géopolitique", la France ouvrant pour la première fois depuis cinquante ans une nouvelle base, et de plus hors de son ancien domaine colonial africain. Le dépouillement partiel de la garnison de Djibouti — actuellement la principale implantation militaire française en Afrique, et qui devrait le rester — préfigure sans doute une reconversion du réseau des bases militaires françaises en Afrique, qui sont d’un entretien coûteux et l’objet de nombreuses critiques sur le continent noir. Cette reconversion pourrait être évoquée dans le prochain Livre blanc sur la défense et la sécurité, prévu pour fin mars 2008.

Cette création d’une base française dans le Golfe peut être interprétée comme un nouvel indice de l’alignement de Sarkozy sur la stratégie américaine au Proche-Orient mais aussi comme le désir des Emirats d’échapper à une emprise américaine totale, en diversifiant leurs partenaires ou "parrains" sur la scène internationale. Cocorico contre McDo : l’influence au Moyen-Orient est un enjeu majeur pour les Etats modernes.

Parallèlement, loin des débats politiciens, l’ouverture de cette base d’Abou Dhabi suscite d’autres interrogations : est-ce un changement de politique de la France, qui jusqu’ici avait choisi d’être au Proche-Orient une puissance d’équilibre diplomatique et non une puissance militaire ? Y a-t-il un risque d’être entraîné dans un conflit local ou régional, notamment avec l’Iran, qui souhaiterait contrôler le détroit d’Ormuz ? Cette décision, prise sans consultation, n’est-elle pas en contradiction avec le souhait affiché d’associer plus étroitement le Parlement au suivi et à l’approbation des opérations extérieures ?

En tout cas, ce qu’on peut remarquer, c’est que la France singe les positions militaires américaines sans donner au Parlement français le pouvoir dont dispose le Congrès US dans le contrôle de ce secteur. A quand la réforme des institutions ?