Déjà, c’est un livre qui a de la gueule, celle de la Joconde plus précisément, un bel objet qu’on a envie de posséder sans même l’avoir lu.

Lorsqu’on va au bout de cette souffrance (lire demande un effort plus important que de jouer à la Playstation ou mater Cauet sur TF1) on passe un moment rare, entre rire est larme, y’a tant de vérité, de cynisme contemporain, de drôlerie, d’élégance, de subtilité et de charme dans cet ouvrage qu’on ne peut en dire que du bien et à souhaiter qu’il sorte un jour en poche pour que même les pauvres et les habitants de supermarchés puissent se l’offrir.

L’auteur prévient dès le début avec beaucoup d’humour que le bouquin est mal construit et à peine écrit en français pour rendre sa consommation plus grande. Attention tout de même car des rats noirs se baladent sur certaines pages, seuls ou en bande et un rat de bibliothèque n’est pas très comestible, surtout avec le flot de bouquins insipides qu’il bouffe d’ordinaire.

Toujours est-il qu’au travers de plusieurs introductions, d’un long et beau corps du livre et avec une fin dans "l’âme du livre" on passe à moment unique où l’on se marre comme un rat mort - c’est le cas de le dire, où l’on apprend des choses et où Claire Cros se permet des raccourcis assez épiques notamment entre Raphaël l’insupportable chanteur en caravane et un peintre mort fan de la représentation des anges.
Il y a plein d’autres choses dans ce livre mais il me fallait trouver un exemple qui parle à tout le monde...

Rarement nous avons passé un moment livresque moderne et contemporain de quelque chose aussi iconoclaste, décalé, rieur, décomplexé et vif.

Si vous voulez briller en société, tout savoir sur la culture qui s’étale comme de la confiture et mieux comprendre la nature humaine profonde de ces drôles de gens sensibles, fragiles et écorchés vifs que sont les artistes, CE LIVRE EST FAIT POUR VOUS.

Il devrait être remboursé par Sarkozy et Jack Lang. Si le Goncourt n’était pas un Prix infâme de copinage mondain, je donnerais sans tarder le Goncourt de la Culture à cette femme, que dis-je cette sainte de Claire Cros qui mérite pour cette pierre à notre patrimoine poétique et "pignolesque", une statue en ce que vous voudrez (car je n’ai pas d’idée percutante pour terminer cette chronique déjà trop laudative à mon goût)

Présentation des Editeurs :

— Je préfère Lorie à Mozart, dois-je me pendre ?
— Ma boîte m’a envoyé avec mes collègues à un rallye-art dans un musée, à tous on a pu répondre à une question sur cent trente, doit-on démissionner ?
— Peut-on dire, « j’en ai rien à branler de l’opéra » sans se faire coffrer ?
— Je ne vais jamais au théâtre, même en DVD, vais-je avoir un cancer ?
— Je vivrais pareil si la Joconde faisait la gueule, suis-je normal ?
— Internet fait si bien les dossiers du gosse et le prof y voit rien, dois-je vraiment sacrifier le budget bouffe dans une librairie ? Est-ce que « voir en vrai les œuvres » compense une après-midi foot où le petit prend l’air, au moins ?
— L’entreprise qui m’a viré est classée monument historique. Moi aussi alors ?
— À quoi sert la Culture ?
À rien, rassurez-vous.

En vifs chapitres tragi-comiques, l’auteur retrace l’histoire de l’Art, du don du feu à nos jours, et explique « comment et pourquoi se foutre autant de la Culture qu’elle se fout de nous. »

"Le monstre transparent, pourquoi n’en avoir rien à foutre de la culture", Claire Cros, Tournon & Alban Editions, 2008