La Signora Wilson : un rêve baroque

<i>La Signora Wilson</i> : un rêve baroque

Un périple en sept étapes va projeter le narrateur vers le mur de la réalité que ni son amour de l’art, ni son intérêt pour l’étrange, ni sa désinvolture apparente ne parviendront à l’empêcher de s’y écraser. Plus dur sera le réveil, si tant est qu’il en est encore la possibilité …

Un jeune français de bonne famille débarque à Rome pour occuper un poste diplomatique. Très vite, il découvre la nonchalance de ses collègues, l’absurdité de sa mission, la beauté des autochtones ; donc il choisit de s’enivrer, tant dans ses promenades nocturnes que dans la contemplation de la beauté des lieux : musées, palazzi mais aussi son propre appartement, loué à une inconnue, qui comporte des frises de tout premiers ordres. Seul bémol à ce bonheur en devenir, sa Lotus abandonnée dans un garage l’aile froissée, ses malles en partance vers l’Argentine et un téléphone qui n’arrête pas de sonner, avec des correspondants qui recherchent tous une certaine Signora Wilson … Excédé, épuisé, las et de forte mauvaise humeur, un matin de trop, réveillé en sursaut, le jeune homme s’entend répondre que la dame est morte et arrache le fil du téléphone.

Plutôt que de laisser l’amertume et le remords le gagner, il sort derechef se perdre dans les venelles de la vieille ville, se disant que la promenade lui apporterait un lot de consolation, une rencontre impromptue, un rayon de soleil qui lui feront aussi oublier son désœuvrement professionnel … Bercé par la douceur de vivre, il traverse sans regarder et se retrouve à jouer les voltigeurs sur le toit d’une voiture. Il retombe sans trop de casse. En apparence, il n’a qu’une légère douleur à la mâchoire. Aussi, va-t-il s’asseoir à une terrasse de café pour se remettre de ses émotions … Et sombre dans un profond comas.

C’est alors que le roman prend toute sa saveur. En sept chapitres, le narrateur vivra sept étapes de sa vie, régressant dans un ballet mystérieux où les fragments du puzzle iront lentement se mettre en place, bercées par des pièces musicales de haute tenue, pour aboutir, enfin, à ce que le masque tombe. Cette mystérieuse Signora Wilson sera confondue à la toute dernière ligne, et la poésie qui nous aura emmenés jusqu’à cet envoi magistral explosera dans un feu d’artifice qui fera remonter à la surface toutes les esquilles d’un récit d’une rare inventivité.

Roman onirique par essence, ce drame de la condition humaine réussit à réinventer la beauté du monde dans l’addition impossible des souvenirs, témoins des origines, peintures des tourments de l’âme, que la quête de la beauté n’aura pas réussi à totalement évincer.

Patrice Salsa, La Signora Wilson, coll. "domaine français", Actes Sud, février 2008, 139 p. – 17,00 €