Victimes, je vous hais

Victimes, je vous hais

La définition de la victime dans notre société médiatique comme son rôle dans le procès pénal en général ont profondément évolué tout au long de l’histoire de notre humanité : de la vengeance à la réparation, en passant par le sacrifice, pour donner une vision schématique de la situation historique.
Restait pourtant à explorer l’aspect littéraire de la chose qui était particulièrement ignoré jusqu’à lors des publications brochées françaises. C’est chose faite avec la sortie de « La passion de la victime » éditée aux Editions Que.

Proies en toutes sortes, culpabilité, dérision, complexes sociétaux, psychanalyse, psychologie, visions de plasticiens, archétypes d’un fonctionnement et écriture fictionnelle (…) sont au menu tout à fait digeste de cette œuvre de groupe franco-belge qui ne manque pas de digressions formelles et informelles et de surprises (Speed Hermaniennes) dont nous sommes les heureuses victimes. « La passion de la victime » prend habilement le contre-pied de l’image habituelle de la victime et s’en amuse avec légèreté, et force de conviction en prenant bien garde de ne jamais entrer dans une condescendance malheureuse, ni de « singer » le réel comme la couverture de l’ouvrage nous le dit de manière métaphorique.

Longtemps, la victime a joué un rôle actif dans la répression de l’infracteur et la réparation des préjudices subis. Pour des raisons politiques diverses, l’État l’a progressivement exclue de son propre procès. Pour être très convoitée, très fêtée par la Real TV et la presse à l’heure actuelle, la victime n’a obtenu la reconnaissance formelle de ses droits que très récemment.
Cependant, la réalité de leur mise en œuvre, notamment au regard de l’accompagnement psychologique et social que leur « victimisation » rend indispensable, indique qu’un long chemin reste à parcourir. C’est ainsi qu’un livre comme celui-ci est un bon outil de vulgarisation et de pédagogie en plus du plaisir intellectuel qu’il peut procurer, si on n’y prend garde...

Mais il faut bien dire que les réflexions sur ce thème séculaire n’ont jamais véritablement été traitées sans un affectif exacerbé, un pathos irréfléchi et des manœuvres de la compassion tout à fait dommageables pour la bonne intelligence d’une analyse pertinente. Ce travers est évité tout au long de ce recueil inégal (cf. la peinture d’Aurélie Gravas), bien entendu, mais diablement bien achalandé tout de même.

Voilà un sujet qui tombe à pic, qui est d’une actualité saisissante. A l’heure où la France assiste depuis l’été 2003 à des entreprises passionnelles autour d’une actrice célèbre prétendument victime d’un chanteur encore plus célèbre qu’elle, on se dit que cette réflexion à plusieurs voix décalées, érudites, cruelles, médicales, littéraires et autres nous aident bien davantage dans notre cheminement de pensée qu’une armée de témoignages impudiques sur le prisme Média.

Remarquons donc au travers de ces pages admirablement bien mises en scène, les textes de Paul Ardenne et de Stefan Liberski qui sont des bijoux d’intelligence de la situation et de truculence en cascade fort bien documentées, et qui dépassent de plusieurs têtes les idées reçues dans le champ lexical assez restreint que l’on peut finalement avoir sur le principe « victimaire » .

Il ne reste plus qu’à espérer que le livre ne soit pas la première victime de son succès, que la maison d’édition perde ensuite ses vraies valeurs et que les prochains thèmes traités ne bénéficient pas de la même rigueur et perspicacité intrinsèques.

C’est tout le mal QUE on lui souhaite !

« La passion de la victime », Collectif (2003), Editions Que.

Achetez ce livre sur Fnac.com
Le livre ne sera mis en place en librairie qu’en novembre 2003

« La passion de la victime », Collectif (2003), Editions Que.

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