Saskia Noort, reine du thriller aux Pays-Bas

Saskia Noort, reine du thriller aux Pays-Bas

Inutile de nous asséner un bandeau racoleur – 300 000 exemplaires vendus en Hollande – car le lecteur n’est pas un mouton de Panurge : il y a chez Denoël un directeur du marketing tout droit transféré de la World Company qui croit encore qu’il vend des paquets de lessive … Non ! Si l’on doit lire Saski Noort c’est pour son talent à vous vriller l’estomac en quelques mots simples, à vous obliger à veiller pour savoir comment tout cela va finir. Oui ! On lira Saski Noort car c’est une reine, et pour aucune autre raison …

L’absence de style est aussi un style, et vous savez combien je suis attaché au style, à cette musicalité de la langue manipulée à souhaits par l’écrivain qui taille dans le matériau de l’oralité une manière bien à lui de transcrire des mots dans un ordre précis pour installer à la lecture une musique unique. Voire une ambiance, une atmosphère, un décor … C’est ici de quoi il s’agit. En quelques mots simples, précis, concis, Saski Noort plante le décor. Dresse l’inventaire en d’astucieux flash-back ou souvenirs brumeux de cauchemars qui en disent longs sur l’état mental de Maria Vos, l’héroïne, chanteuse dans un groupe de série B, mère célibataire, qui vient de se faire avorter et qui rentre chez elle, l’air penaude … Cueillie à froid par une lettre de menaces, elle tente de continuer comme si de rien n’était, mais lorsqu’elle reçoit la visite des pompes funèbres venues enlever … son corps sensé être froid (sic) elle prend les jambes à son cou, ses deux enfants sous le bras, et va demander asile à sa sœur aînée qui habite toujours la pension familiale, reconvertie en villa cossue en bord de mer …

Mal lui en a pris, semble-t-il, mais j’arrête ici le pitch car tout roman noir se doit d’être lu sans trop en savoir, sinon l’effet de surprise ne joue plus. Et, des surprises, vous en aurez, à chaque chapitre, parfois à chaque page, en accompagnant Maria dans la plongée de ses souvenirs d’enfance, dans sa longue quête de la vérité, confrontée à un ex dépressif, des policiers laxistes, une voisine indiscrète, des amis bornés, une sœur hautaine, un psychiatre obstiné, tout un panel de personnages bien campés dans leur caricature qui sont d’une telle vérité que l’on se demande parfois si dame Noort n’aurait pas mis un peu de vécu dans cette atroce histoire …
Journaliste indépendante, elle signe aussi bien pour Marie-Claire que Playboy ou encore Santé Magazine, ce qui nous montre de quelle manière elle manie l’éclectisme et traverse le miroir des sujets aussi divers que ceux abordés par ces magazines. Touche à tout, donc, Saskia Noort, mais avec maîtrise et savoir-faire : une dose de science contre une larme de rock, un soupçon de tendresse face à une pointe de sadisme. Voilà sans doute la genèse de ce qui bouillonna quelques années en elle, un embryon de sujet, une direction d’idée puis, après gestation, une mise à bas d’un beau bébé : un roman diabolique.

Ne lisant que très peu de romans noirs, car, justement, cette histoire de style que la plupart adopte, comme un renoncement à la langue pour ne narrer que des faits, m’interdit d’en finir plus de quatre ou cinq l’an … Mais ici, séduit je l’ai été dès les premières lignes, une grâce romanesque qui est portée par cette jeune femme dont c’est ici le premier livre traduit en français (il était temps !), le premier qu’elle a écrit, aussi, en 2003 … Et depuis, elle caracole en tête des ventes, ce qui veut dire que nos amis bataves ont du goût et de l’audace. Bienvenue à cette nouvelle reine des nuits blanches et prions pour que Denoël nous offre rapidement Le Club des fines gueules, son deuxième opus paru en 2004 … Et tous les autres …

Saskia Noort, Retour vers la côte, traduit du néerlandais par Mireille Cohendy, coll. "Thriller", Denoël, novembre 2007, 314 p. – 20,00 €