Jardin japonais : Trois Pierres Cinq Fleurs

Jardin japonais : <i>Trois Pierres Cinq Fleurs</i>

Ce magnifique petit livre présente d’une manière originale les traditions secrètes de l’école Saga concernant les règles anciennes de construction des jardins au Japon. Indispensable si, comme moi, vous êtes férus d’art japonais et que vous avez entrepris de tenter la mise en forme d’un petit carré dédié à cette philosophie de vie …

Le jardin japonais est comme une fleur de lotus en piédestal portant le Bouddha ; ce qui n’interdit pas une orientation fantaisiste … mais il faut à tout prix veiller à ce qu’il soit toujours propre et qu’il inspire le bonheur pour pouvoir célébrer le dieu de la terre. Il est donc indispensable de connaître les règles et de ne pas se contenter de suppositions sur le placement des pierres ou la répartition des arbres.
C’est en cela que la culture japonaise est devenue maître dans l’art végétal : du bonzaï au jardin, l’amour de la nature a été appréhendé dans ses moindres détails dans le plus grand respect de la tradition, mais aussi du zen. Etre en relation avec la nature, au Japon, demande une très grande humilité et un profond recul. Rien n’est le fruit du hasard, rien n’est négligé. Poussé au paroxysme de la maîtrise de soi dans le concert de l’univers, la communion de l’homme avec la nature trouve dans le jardin japonais pleinement sa mesure en y affichant l’expression de cet attachement. Il y a plusieurs manières d’aborder le jardin japonais, allant de la cour intérieure au jardin, en passant par le jardin associé à une maison de thé, à un espace de promenade ou de contemplation. Ils découlent d’un lent travail de réflexion et de conception extrêmement élaboré, tant du point de vue architectural que symbolique, qui s’inscrit dans une longue tradition, issue en grande partie de Chine ou de Corée, qui s’est également inspirée du shintoïsme et du bouddhisme.

Les premiers écrits japonais sur la conception des jardins remontent au XIème siècle. Le texte qui est ici présenté, et magnifiquement mis en relief par les calligraphies légères et aérées de Keiko Yokoyama, date de 1395 : il deviendra l’un des textes fondateurs de l’école Saga. C’est une époque profondément ancrée dans l’influence du bouddhisme. Traduit pour la première fois dans une langue occidentale, il nous ouvre les portes de cette poésie minérale qui surprend dans ce pays à la végétation luxuriante : l’art du jardin japonais consiste, en effet, à maîtriser l’agencement des pierres et à leur accorder une fonction symbolique ou religieuse très précise. Ainsi, l’on apprendra comment disposer de l’espace et y introduire l’eau dans une figuration abstraite matérialisée par les vagues de graviers.

Au-delà de l’aspect technique de ce traité, il faut surtout y voir une manière de décrypter le jardin et de pouvoir mieux en jouir et en apprécier toutes les richesses. Vous ne serez plus surpris, voire perdus, lorsque vous pénétrerez désormais dans l’antre d’un jardin zen …
Le plaisir de lecture que procure ce livre est aussi le fruit des poèmes qui accompagnent les traités et les calligraphies, offrant ainsi un ensemble homogène d’une rare beauté …

Une phonétisation détaillée permet au lecteur de se plonger dans l’étude de la carte étalon présentée en double page avec force détails et ainsi de pouvoir étudier au plus près cet art unique. De l’origine à l’organisation du jardin sur le principe shingyôsô (créer quelque chose de nouveau tout en respectant les règles), vous apprendrez très vite comment disposer vos pierres (quatre pierres dressées et cinq plates) et symboliser les deux îles indispensables à votre œuvre ; puis viendra la mise en place de la rivière et de sa bordure, la symbolique des deux bonheurs et des trois biens, la forme du lac et les quatre fleurs. Enfin, l’on découvrira comment planter arbres et arbustes sans détruire l’harmonie nouvellement créée …
Puis, une fois que tout est à sa place, l’on pourra recevoir des invités ; mais là aussi, il y a un cérémonial à respecter : prêter attention à l’île des invités en s’y accroupissant face aux pierres pour les toucher de la main droite. Et, sans effort, passer la main gauche devant la pierre du maître puis ramener la main droite pour la poser sur la pierre de culte. On balaye ensuite du regard successivement l’île centrale, la pierre de protection et la cascade. Puis on pose la main gauche sur la pierre des invités … avant de se retirer.

Trois Pierres Cinq Fleurs – petit traité du jardin japonais, traduit du japonais par Bertrand Petit, calligraphies de Keiko Yokoyama, coll. "Pollen", 190x100, broché, Editions Alternatives, novembre 2007, 64 p. – 12,00 €