Femmes-objets au Kirghizistan : Quand le mariage forcé se nourrit de la tradition

Femmes-objets au Kirghizistan : Quand le mariage forcé se nourrit de la tradition

Aujourd’hui, au troisième millénaire, des femmes continuent à être considérées comme des objets ayant pour unique but de satisfaire les caprices des hommes, faire le ménage, garder la maison et procréer.

« Lorsque un homme aime il prend. Lorsqu’une femme aime, elle se soumet ». Telle est phrase citée par une jeune femme enlevée, mariée de force, séquestrée par son mari, accueillie actuellement dans un centre d’accueil de femmes victimes de violence au Kirghizistan. La femme qui n’a trouvé d’issue pour fuir la violence de son mari que de s’adresser à un centre d’aide aux femmes violentées a exigé qu’on ne filme pas son visage de peur des représailles d’un époux brutal.
Cette femme violentée, originaire de Kirghizistan, une république de l’Asie centrale, a été kidnappée avant d’être contrainte à se soumettre à l’une des traditions les plus répandues dans cette région à savoir le kidnapping des mariées.

Une coutume ancestrale que nombreuses jeunes filles sont appelées à subir une fois l’âge du mariage atteint. Le mari, après avoir choisi sa partenaire, la kidnappe, l’oblige à l’épouser et la pousse même à assurer, par écrit, son consentement.

Aujourd’hui, au troisième millénaire, encore des femmes continuent à être considérées comme des objets ayant pour unique but satisfaire les caprices des hommes, faire le ménage, garder la maison et procréer. C’est une réalité vécue par les femmes kirghizes. Une réalité dévoilée au monde entier à travers le magazine « envoyé spécial » diffusé sur France 2 Jeudi soir. Le thème de l’émission « fiancées volées » semble au départ assez bizarre. Mais, pour ceux qui ont suivi l’émission, ce rapt de fiancée est une tradition ancienne dans la culture kirghize.

La première image qui attire l’attention au début de l’émission est celle d’une jeune fille à peine âgée de 17 ans, embarquée de force dans un véhicule en compagnie de trois hommes. La petite pleurait à chaudes larmes et suppliait ses ravisseurs pour la libérer criant à tue-tête qu’elle n’était encore qu’une enfant.

Les hommes, insensibles aux supplications de la victime, la conduisent dans une maison où elle fut accueilli par des femmes voilées qui l’attendent pour la préparer à devenir la femme heureuse de l’homme qui venait de la kidnapper. Etrange manière de se marier, diriez-vous ?
Cette pratique traditionnelle, appelée en kirghize Ala Kachuu (qui signifie : prendre et s’enfuir) et qui remonte au temps du nomadisme est unilatéralement nourrie par la domination patriarcale au sein d’une société d’hommes dans laquelle la femme est assimilée à un objet de plaisir et est contrainte de se soumettre à la volonté suprême des mâles.

Conformément à cette pratique, des jeunes filles sont amenées de force ou par manipulation dans la maison de leur futur époux. C’est là qu’on les séquestre jusqu’à ce que les femmes de la maison parviennent à leur mettre sur la tête le foulard de la mariée, signe final de la résignation et du consentement. Les parents du kidnappeur vont ensuite porter à leur future belle-famille une lettre de consentement rédigée par la jeune fille, afin de calmer leur colère. Face au fait accompli, les parents de la jeune fille finissent par se résigner et le mariage est alors consommé.
Les témoignages de femmes victimes de kidnapping au Kirghizistan présentées lors de l’émission démontrent la résignation de la femme malgré sa manifeste résistance pendant les rituels et la répétition des mêmes schémas répressifs à plusieurs reprises. Rares sont les filles qui refusent de se soumettre à la coutume humiliante. Exceptionnels sont les cas de parents qui soutiennent leur fille, comme le cas de ce père qui a décidé de récupérer sa fille après avoir été enlevée à deux reprises.
« Elle n’est plus vierge, mais je refuse qu’elle sacrifie sa vie et reproduise le même schéma que les autres femmes. Nous ne pourrons pas échapper au jugement social, certes. Mais, je veux que ma fille continue ses études et réussisse dans sa vie future. Elle rencontrera certainement un homme qui l’aimera et la respectera surtout car chez nous, les hommes ont peu d’égard pour les femmes. » Telles étaient les confidences du père d’une jeune fille âgée de 18 ans, enlevée et mariée de force.

Les ravisseurs, quant à eux, justifient leur enlèvement au nom de la très honorable tradition. Le consentement de la jeune fille n’est que secondaire. Le plus important est qu’elle fonde son foyer et se stabilise. Mais, il faut dire que ce genre de coutume et tant d’autres, au sein de diverses sociétés, ne sont que le fruit de la mentalité patriarcale.
L’enlèvement des jeunes filles au Kirghizistan a son aspect économique. En effet, en raison de la pauvreté dans laquelle vit la population dans cet état de l’Asie centrale, le « bride kidnapping » est devenu la meilleure manière pour les jeunes de réaliser un mariage bon marché sans complication majeure sauf l’éventuel refus de la jeune fille.
Le vol des mariées, bien que théoriquement interdit et pénalisé de 5 ans d’emprisonnement, depuis le régime soviétique, continue à être pratiqué. La loi n’est point appliquée et les cas où des enlèvements se terminent mal ne sont jamais jugés et rarement signalés, rendant ainsi difficile de dresser un portrait de la réalité.

Bien que les régimes au Kirghizistan changent, la condition de la femme reste la même, toujours réprimée, séquestrée et soumise à l’autorité des mâles. Sa place, qu’elle fasse des études ou non, est dans la maison. Son rôle, satisfaire les hommes et leur offrir des enfants pour perpétuer la lignée. Et dire, qu’au troisième millénaire au cours duquel la femme continue à mener le dur combat pour arracher sa place, certaines sont condamnées par le patriarcat, à vivre en réclusion. Tant que des sociétés continueront à nourrir l’obscurantisme, tant que le patriarcat dominera, la situation de la femme dans cet état et bien d’autres ne sera que déplorable.
Dalila soltani