Frédéric Viniale, l’e-terviewer e-terviewé

Frédéric Viniale, l'e-terviewer e-terviewé

Depuis le temps qu’il promène ses points d’interrogation sur le réseau, à l’affût de nouvelles personnalités à e-terviewer, Frédéric Viniale a appris à jouer du temps et de la distance qui le séparent de ses invités. C’est dans cet intervalle qu’il les prend au mot, mais alors, seront-ils à la hauteur de leur absence...

Frédéric Viniale, qui êtes vous ?

Je vais commencer par répondre avec un degré de fatuité absolu, pourtant très éloigné de mon caractère propre et de la modestie qui me caractérisent dans mon quotidien au sein des autoroutes de l’information - ou plutôt les petits chemins des bois cybernétiques. Je crois en fait que je suis un "Artiste doublé" d’un homme libre, ce qui est un modèle qui ne court plus guère les rues dans le petit monde qui a élu Jean-Marie Messier comme modèle de réussite "Universal". Je pense être un créateur qui va où le mène le souffle de la catharsis athée - mais un peu mystique tout de même.
Le champ lexical de mes domaines de prédilection artistique est large comme un pantalon fleuri et vahiné du chanteur Carlos ; j’ai donc été tantôt universitaire en Lettres modernes, chroniqueur sur TF1, illustrateur, vendeur de cartes postales, nègre - ce qui est une prouesse étant donné mes origines scandinaves, webmaster, poète, journaliste, souffleur de verre intérimaire à Murano et de nombreux autres métiers moins avouables encore. A part cela je suis né en 1973 le même jour que l’explosion de Tchernobyl et que l’anniversaire de Saddam Hussain. Mon combat idéaliste principal est une lutte incessante contre les idéologies sectaires, le fanatisme et la pensée unique, choses que l’on trouve à foison dans la vie et sur le web.

Qu’est-ce qu’une e-terview, son protocole, temps de réponse, nombre de rounds, repentirs...

Ce "protocole" non pharmaceutique que j’appellerai plutôt "rituel conversationnel normalisé et codifié" adapté au courrier électronique n’est pas une idée neuve mais plutôt une pratique courante que j’ai personnalisé (puis ce "je" est devenu "on" une équipe à part entière composée d’une dizaines de gens à qui je me dois de rendre un hommage appuyé - voir rubrique "équipe"). J’ai juste fait d’une pratique journalistique honteuse (le faux entretien réel bidouillé par fax, téléphone ou mail) un concept à part entière qui me paraît très en phase avec le monde moderne mais aussi rudement commode d’utilisation, rapide et efficace. Le concept, c’est d’utiliser le principe de l’e-mail pour entrer en communication avec une personne, d’abolir les distances et démontrer que l’on peut faire des rencontres humaines fortes sur Internet aussi. C’est d’ailleurs apparemment une excellente idée car depuis que j’ai lancé ces E-terviews sur le web de nombreux copieurs ont tenté de plagier malhabilement notre travail notamment en Suisse mais aussi en France.

Voir notre définition montée de toute pièce :
Eterview [itervju] : n. f. (Anglicisme) : conversation réelle simulée par le moyen du courrier électronique au cours de laquelle un journaliste interroge une personne sur sa vie, ses projets, ses opinions dans l’intention de mettre en ligne (on-line) cet entretien et de le partager avec le plus grand nombre. Néologisme popularisé par Frédéric Vignale et son équipe.

La force de ces correspondances, écrites et asynchrones, c’est aussi le temps laissé à la réflexion...

Cela pourrait être une des particularités de l’E-terview, mais c’est rarement le cas, car souvent les gens répondent sitôt les questions envoyées, dans une frénésie qui doit être dûe au fait que je suis un vil flatteur d’ego et qu’il n’y a jamais aucune méchanceté ni agressivité dans mes questions. C’est dû aussi au fait que le artistes ont tous fait de nombreuses interviews mais peu d’e-terviews, c’est donc l’attrait de la nouveauté et mon sens inné de la persuasion. Le principe de base est tout de même que notre équipe ne donne la parole qu’aux gens qui ont attiré notre attention de manière positive, pas aux mégalo du pauvre et nullards agressifs et sans intérêt comme on en croise tant. Quand vous parlez d’ancienneté, je reprends plus un principe communicationnel qui avait beaucoup de succès dans les grottes préhistoriques (voir "la guerre du feu" qui illustre bien cette idée) et qui bien avant Jacobson et ses schémas incompréhensibles s’appelait la communication même si elle fut d’abord primaire. Seule la technologie a changé depuis. Si les gens n’ont rien à se dire, il y a une impasse. L’internet n’est qu’un moyen. Mais c’est vrai que lorsqu’il y a une véritable rencontre humaine même par mail c’est quelque chose de précieux et d’enrichissant.

Mais alors, qu’est-ce que l’e-terview permet qu’une interview ne permettrait pas, et inversement ?

Très sincèrement l’E-terview et l’interview sont difficilement comparables dans le sens où avec notre équipe nous ne sommes pas dans une logique financière, médiatique, ni éditoriale traditionnelles. Nous avons une liberté totale d’action et c’est ce qui fait je crois notre ton et notre légitimité si nous en avons une. Nous nous faisons avant tout plaisir en tentant de mettre à l’honneur des gens, des artistes, des écrivains, des créateurs qui nous touchent et nous ne sommes pas là pour faire des coups promotionnels. Nous tentons simplement de garder un espace de rencontre privilégié dans un endroit hors du temps et des règles médiatiques... mais un lieu que l’on croit sincère.

Est-ce que les mains sont plus bavardes que la bouche ?

Avec cette question essentielle nous touchons un point crucial et le sommet de cet entretien cordial qui démontre qu’outre votre joliesse, Audrey, vous ne manquez pas de pertinence. Mes origines italiennes tendrait à me souffler que les mains méditerranéennes sont très bavardes, sensuelle et tactiles mais avec la bouche on peut faire tant de bien et de jolies choses. Mais c’est vrai que tapoter sur le clavier c’est magique et cela peut créer des émotions grandioses et belles. Encore faut-il trouver le bon endroit pour appuyer, le point "G", que je nommerai ainsi en hommage à l’homme de Lettres Frédéric Grolleau qui à l’art et la manière de faire plaisir aux gens.

Y a-t-il des questions que l’on pose plus facilement à distance...

Oui et non (bis bis) car je pose les mêmes questions indiscrètes en vrai et sur le net car j’essaye d’être le plus moi-même et de me faire plaisir, d’innover par rapport aux interviews journalistiques traditionnelles, de ne pas tricher et d’aller au bout de mes interrogations quoi qu’elles fussent. Eh oui ! je crois beaucoup à cette notion de plaisir et de personnalisation. Dans ce type de métier, il faut être joueur et curieux, je crois que ce sont deux traits essentiels d’un "bon" E-tervieweur comme je le conçois et l’accueille dans l’équipe.

Est-il souvent arrivé que les réponses ne rencontrent pas leurs questions ?

Oui et non (bis bis bis) car même si cela arrive c’est plein de signifiés hyper intéressants à analyser. Une non-réponse est un aveu et cela ne fait pas une mauvaise E-terview pour autant. Une autre trop décalée est pleine d’enseignements. Les gens qui ne se livrent pas sont vite détectés (et ne sont pas gagnants à ce jeu-là) et ceux qui tentent d’être plus drôles que moi, le réussissent sans aucun mal.

Quelle est pour vous la plus belle e-terview, celle de peu de mots ou de peu de foi ?

La plus belle c’est celle que je n’ai pas encore faite. Vous voulez donc me mettre à dos les centaines de gens qui ont déjà répondu à nos questions. On ne peut pas choisir entre ses enfants (j’ai été marin et très prolixe). tous ces gens-là, je les aime et nombre d’entre eux sont devenus des amis proches, surtout les plus riches d’entre eux.

Quelle est l’e-terview que vous rêvez de faire ?
J’ai fait le rêve fou d’E-terviewer toutes les grandes Pop Stars du système médiatique, donc j’aimerais bien des rencontres virtuelles et réelles avec Madonna (dans un lit ou un bed with her), Elvis Presley (car il n’est pas mort je vous le confirme, c’est Jim Morrisson qui me l’a confié) et Jean-Paul 2. Plus sérieusement, il serait faux de croire (car c’est ce que sous-entend votre question un rien perverse Audrey) que le degré de notoriété augmente l’intérêt de l’E-terview. C’est rigoureusement une méprise totale, l’E-terview parfaite est dans la découverte d’un talent prometteur ou dans une sincérité touchante dans les réponses, pas ailleurs.

Votre site comporte aussi une rubrique "fiction réality".
Parlez-nous de cette nouvelle conquête du journalisme...

Votre remarque est très juste et je vous remercie d’évoquer cela sans détour. Les "fiction Reality" exclusives sur notre site de l’écrivain Damien Perez (dont le monde littéraire n’a pas fini d’entendre parlé et de récompenser de mille et un prix) sont une sorte de nouveau "produit" journalistique. J’espère qu’un grand groupe de presse, qu’un Randolph Heurst ou un grand patron de journal remarquera l’originalité de ce concept et payera une somme folle en euros à ce jeune talent pour l’insérer dans ses colonnes. E-terview c’est aussi cela une vitrine pour des talents nouveaux et ô combien prometteurs. Avis aux vocations et aux amateurs

Entretien avec Audrey Cluzel.

Entretien avec Audrey Cluzel.