Au-dessus des villages d’Italie

Au-dessus des villages d'Italie

L’Italie est sans doute le pays d’Europe méditerranéenne qui a su conserver le mieux ses vieux villages médiévaux, ses places fortes, tous ces trésors d’antan qui font le charme de ses contrées.
Visite guidée par les airs …

Ce magnifique album au format italien (il fallait y penser : rien ne vaut la forme allongée pour mettre en valeur des photos aériennes) s’ouvre sur trois doubles pages à couper le souffle : Marina della Corricella aux façades multicolores en bord de mer avec une flottille qui semble dormir (en fait elle attend la nuit pour partir à la pêche au lamparo), Santa Stefano di Magra niché dans la barbe de son brouillard au sommet d’une colline et Burano aux venelles aquatiques qui serpentent parmi la mosaïque de maisons multicolores. Le ton est donné. Nous sommes au pays de la poésie (vous avez noté le nom des villages ?) et des couleurs, dans l’antre de la beauté réincarnée …

L’Italie est un pays où le passé et le présent s’entremêlent, où les trésors urbains les plus modernes tissent leur atours sur les trésors archéologiques les plus secrets. L’Italie est un labyrinthe pour amoureux des pierres, de l’Histoire, des arts. Mais si l’on prend un peu de hauteur, alors la situation s’éclaircit. Le spectacle vu d’en haut de ces villages, de ces campagnes, de ces lacs et villes, bourgs et hameaux replace le kaléidoscope dans le bon sens et l’on parvient à y lire le chemin parcouru par toutes les civilisations qui s’y sont succédées.

Ce livre vous montrera des recoins jamais explorés, vous conduira par l’étude poussée de Gabriele Reina dans les ombres de la Renaissance pour mettre enfin en lumière routes et palais, ruines et chefs-d’œuvre du patrimoine trop injustement oubliés …

Que dire face à la majesté de la basilique et de son palais épiscopal qui dominent la minuscule île San Giulio, sur le lac d’Orta ? La splendeur de l’architecture qui se dresse face au miroir bleuté des eaux incite aux rêves et au voyage …
Comment ne pas être séduit par Palmanova, cette ville fortifiée dont les remparts forment une étoile à neuf branches ? Elle incarne l’utopie de la perfection si chère à la Renaissance. Ainsi il fut établi des principes qui définissaient le style de colonne à utiliser selon le type de construction et le mode d’exécution. D’autre part, la scénographie revêtait aussi une importance capitale : une règle incontournable voulait que les bâtiments s’offrent à la vue progressivement de manière hiérarchique. C’est la raison pour laquelle le baroque était assimilé à une mise en scène : il était bel et bien le grand théâtre du monde, pour reprendre la définition de Calderón de la Barca.

Au fil des pages le plaisir grandit : de Rocca Imperiale, village typique de Calabre, à la féerie du manoir de Saint-Pierre sis au Val d’Aoste ou à l’imposante "grande muraille" du fort de Fenestrelle au col de l’Assietta ; mais ce n’est rien comparé à Isola dei Pescatori sur le lac Majeur, bras tentaculaire qui s’impose sur les eaux avec ses toits aux tuiles romanes qui brillent sous le soleil ; et le palais des Borromées et ses célèbres jardins qui font la renommée des îles du même nom ; et Sirmione aux remparts mordant l’eau comme pour dire qu’ici la darse est inviolable ; et le pont en bois de Bassano qui enjambe le fleuve Brenta au nord de la ville de Vicence ; et San Gimignano qui incarne si bien ce mythique Moyen Age italien cristallisé dans une structure du XIIIème siècle ; ou encore, d’origine étrusque, Pitigliano, l’une des plus spectaculaires cités du tuf italiennes aux maisons bâties en surplomb sur un promontoire ; sans oublier la cathédrale de Spolète au dôme bleu ; et plus surprenant encore la cité médiévale d’Ostuni qui contraste avec ses maisons blanches que l’on se croirait en Grèce ; sans parler d’Erice (et de son château fort) qui se dresse au sommet du mont San Giuliano, et qui regroupe des maisons dotées de cours intérieures et de patios fleuris de type espagnol.
Puis l’on aborde les villages de bord de mer, tantôt festivals de couleurs, tantôt barrières d’immeubles jaune pâle figés au bord d’un golfe comme Camogli ; mais on retiendra plutôt Orbetello situé sur une fine langue de terre au milieu de la lagune éponyme ; ou Portoferraio dont le bourg est dominé par les forts Stella, Linguella et Falcone, reliés par des murailles et des bastions ; ou encore Sorrente, près de Naples, aux courtes plages écrasées par les à-pics vertigineux mais sauvée par ses parcs et ses orangeraies ; Castelsardo au sommet d’un mini cap qui domine la mer et qui a su conserver en l’état sa physionomie d’antan avec son château et ses bastions … Enfin, les villages de montagne parmi lesquels, le plus connu est Cortina d’Ampezzo (et qui n’est plus un village depuis que les JO se sont déroulés dans la région) mais qui a perdu son charme tandis que Brunico ou Dobbiaco demeurent dans leur écrin, surtout photographiés sous la neige. Tout comme Intro où l’un des nombreux châteaux valdôtains se dresse face à une nappe de brouillard dans le val de Rhêmes.

L’Italie gardera toujours une part de son mystère et c’est bien cela qui en fait tout son charme, car on n’y découvre toujours quelque chose de nouveau, d’un petit village des Abruzzes aux sites enchanteurs des grandes villes, jadis romaines. Mille identités se croisent sur ces terres, les traces séculaires s’inscrivent sur la pellicule comme un portrait géant, chaque ruelle, chaque toiture dessinant une ride, une marque du temps … L’Italie est à admirer, ce livre y contribue en nous racontant une histoire aérienne fascinante qui a le mérite de nous livrer des terres inconnues pour y célébrer le mariage de l’environnement et des hommes qui y vivent.

Gabriele Reina, Au-dessus des villages d’Italie – En vol sur les hameaux et les bourgades, photographies de Antonio Attini et Marcello Bertinetti, traduit de l’italien par Véronique Renucci, 290x200, relié avec couverture couleurs + jaquette couleurs avec rabats, Editions White Star, octobre 2007, 224 p. – 19,90 €

Les photos qui illustrent cet article ne sont pas tirées du livre (NDR)