Persécution meurtrière, quand le doute tue

Persécution meurtrière, quand le doute tue

La persécution est un sentiment pénible qui risque, éprouvé de manière récurrente, de mener vers des issues fatales. La persécution est l’idée dans laquelle la personne a la ferme conviction que son entourage essaie de lui nuire.

Ce sentiment, le plus souvent associé à des états démentiels, délires paranoïdes ou psychoses hallucinatoires chroniques, peut être éprouvé, quelquefois, par une personne saine d’esprit. Cependant, quand le vécu de l’individu tend à se focaliser sur ce sentiment funeste, les conséquences fatales, en l’absence de prise en charge sérieuse de l’état mental de l’individu, ne tardent pas à surgir.

L’histoire merveilleusement relatée par Robert Arthur, un écrivain américain de romans policiers, d’origine philippine, démontre à quel point le vécu de persécution peut mener sur les pistes du crime le plus ignoble. Le roman relate, en effet, l’histoire de Louise et Marta, deux vieilles sœurs célibataires, riches, seules et malades qui quittent leur luxueuse demeure, sur proposition de leur nièce Annie, pour que cette dernière puisse s’occuper d’elles.

Annie, seule héritière des deux tantes âgées, mène une vie dure auprès de son mari, fonctionnaire dans une pharmacie. Malgré les conditions financières déplorables du couple, ce dernier s’occupe tant bien que mal des deux vieilles, dont l’une est paralysée.

La quiétude de la vie familiale ne tarda pas à se transformer en un terrifiant cauchemar pour les deux sœurs qui commencèrent, sur la base de la survenue d’incidents bizarroïdes, à interpréter négativement toutes les attitudes du couple.

En effet, la mort d’un chat et la disparition d’un l’autre, les symptômes de la fatigue et de la maladie dont se plaignaient les deux sœurs, la disparition de l’avocat qui devait s’occuper de la gestion de leurs biens, étaient autant d’incidents qui ont provoqué la terreur chez les deux femmes.

La mise en vente de la maison luxueuse, dont avaient hérité les sœurs, par Ellen, est venue renforcer leur croyance. Nul doute, qu’elle désirait ardemment leur disparition afin de mettre sa main sur leur héritage. Son mari n’était autre qu’un complice qui mettait en œuvre les plans démoniaques de son épouse.

Croyant être les victimes des machinations machiavéliques du couple, Annie et Marta se sentirent menacées de mort. Du coup, les deux sœurs commencèrent à faire attention à leur alimentation et à éviter de rencontrer le couple « assassin ». Seulement, pour Annie, l’urgence était de sortir vive de cette maison et mettre fin à cet épisode cauchemardesque de son existence.

Mais, par quel moyen ?
Par une nuit pluvieuse, les deux sœurs demandèrent au couple de descendre à la cave pour chercher le chat disparu. Le couple s’exécuta. Les sœurs, effarouchées, renfermèrent aussitôt la porte de la cave, emprisonnant le couple. Elles s’enfuirent illico transportant leurs bijoux, sans oublier de mettre le feu à la maison, maquillant le meurtre en accident et mettant ainsi fin aux jours du couple. Le spectacle effrayant des flammes qui engloutissaient la maison réjouissait les sœurs heureuses de l’avoir échappé belle. Sans aucun regret, Annie et Marta, allèrent à la rencontre de leur avocat qui leur révéla la terrible réalité. En effet, après avoir découvert que les deux sœurs étaient ruinées, il contacta leur nièce qui, ne voulant pas les blesser, garda le silence sur cette réalité. Elle préféra vendre la maison aux enchères pour pouvoir subvenir à leur besoin.

Toutes les interprétations faites par les deux sœurs étaient donc erronées. Les scénarios effrayants auxquels elles avaient cru étaient complètement inexacts. Le pauvre couple avait alors payé de sa vie le prix de fausses interprétations fondées sur un sentiment incessant de persécution.

Cette histoire illustre remarquablement les conséquences de la persécution sur des personnes fragiles et l’altération du jugement des personnes qui y sont exposées.

Les sœurs étaient-elles victimes ou coupables ? Étaient-elles prédisposées à accomplir ce crime ? Le crime, n’a-t-il pas été envisagé dans la perspective de défendre son intégrité physique contre des personnes jugées potentiellement dangereuses ?

L’écrivain voulait certainement nous faire découvrir de quoi l’âme humaine est capable quand elle se sentait menacée. Se défendre n’est-il pas un droit ? Mais, il n’en reste pas moins que notre perception des signaux transmis par autrui et notre manière de les interpréter peut quelquefois être erroné.

La persécution, sentiment dangereux, dissimule le plus souvent une âme tourmentée et prédisposée facilement à glisser, à pas rapides, dans le délire ou les psychoses hallucinogènes. Notons, à la fin, que la persécution est souvent un symptôme indissociable à la maladie mentale, d’où la nécessité de rester attentif aux signes de désorganisation mentale