Appareillez pour les Contes de la Mer intérieure

Appareillez pour les Contes de la Mer intérieure

Jusqu’au 31 décembre, l’espace contemporain du Palais Bénédictine, à Fécamp, présente les Contes de la Mer intérieure. Un voyage insolite mis en scène par Gilles Ghez.

Véritables boîtes à rêves éveillés, petits théâtres flamboyants, reliquaires de fragments des années 30 et 50, les dioramas de Gilles Ghez attisent les sens des fans de BD, de romans d’espionnage, de fresques exotiques en technicolor, de voyages au long court, de mythologies maritimes. Petits ou monumentaux, les panoramas magiques racontent les tribulations de Lord Douglas Dartwood, un dandy aventurier.

Peintre ? Sculpteur ? Scénographe ? Bédéiste ? Romancier ? Gilles Ghez, né en 1945 à Paris, est tout à la fois. Ses contes nous plongent dans des ambiances qui rappellent Joseph Conrad, Hugo Pratt ou Alfred Hitchcock. Il y a aussi un peu de Rudyard Kipling, de Franz Kafka, d’Edgar-Pierre Jacobs et même de Jacques Lacan dans ses curieuses installations.

Les boîtes de Gilles Ghez sont les pages d’un journal de voyage plein de mystères et de dangers. Le sang coule parfois. Des dragons tourmentent les héros, petites figurines réalistes aux prises avec des situations surréalistes. Comme dans les romans noirs embrouillés, on croise des méchants pas beaux, des belles en fâcheuses postures et, ouf, des chevaliers servants très élégants. L’artiste lui-même rode dans les paysages. On l’aperçoit ici près des mines du roi Salomon ou là devant le Fuji Yama. Il est également dans cette œuvre bien nommée Où l’on voit le pingouin Alfred, Gérard Thalmann et Gilles Ghez sauver Nicolas Bouvier des griffes du poisson-scorpion. Tout un programme !

Ces histoires à dormir debout nous font découvrir des parties inconnues de la mer de Chine, de l’océan Indien. Sur les quais des ports, à bord de jonques, de cargos ou de transatlantiques, il se passe toujours quelque chose. Comme coupées en tranches, les scènes sur les cargos sont captivantes à l’ombre de majestueuses cheminées. L’Inde fantôme, œuvre monumentale à « lire » en marchant, associe procession d’éléphants, voiture de maharadja, défilé de cornemuses, espion cul-de-jatte dans une caisse à roulettes, mondanités snobinardes, charge de cavalerie contre une foule indigène… pour nous ramener aux affres de la période coloniale puisque cette agitation se produit très exactement le 11 mars 1932.

L’humour (british) et l’érotisme ne sont pas absents de l’univers de Gilles Ghez. Pour le premier, il suffit de s’arrêter devant Les chasses du major Key (où un officier en short, doté d’une clef dorsale, poursuit d’énormes papillons) ou devant La Psy qui chante, le patient lévite (où un analysé plane au dessus d’un divan).
Pour le second, conseillons L’Origine du monde (clin d’œil à Gustave Courbet, où un homme se rince l’œil devant un sublime et sombre abîme) et La Mère Noël (où une belle fort dévêtue créé l’événement sur le pont d’un paquebot).

Nez collé aux vitres des boîtes habilement éclairées, le visiteur se trouve en fait face à des fenêtres ouvrant sur un imaginaire fantastique presque enfantin. L’ensemble forme une sorte de kaléidoscope troublant. Les multiples facettes sont les épisodes d’un feuilleton aléatoire où il serait vain de chercher un début et une fin. A chacun(e) de trouver son/ses chemin(s) dans le fatras des sentiers ouverts par Gilles Ghez.

Après avoir accueilli des œuvres d’Andy Warhol, de Jean Dubuffet, de Combas, de Niki de Saint Phalle, de Miro…, le bel espace contemporain du Palais Bénédictine expose les œuvres du « conteur » Gilles Ghez. Pieds de nez affectueux à l’art « sérieux », les boîtes de Gilles Ghez inventent depuis une vingtaine d’années un genre nouveau, le « roman plastique ». A explorer en tapis volant.

Gilles Ghez, Contes de la Mer intérieure, jusqu’au 31 décembre 2007 au Palais Bénédictine, à Fécamp (Seine-Maritime). Tél : 02 35 10 26 10.
Entrée libre tous les jours de 10h45 à 12h30 et de 14h30 à 17h45 (sauf le 25 décembre).
www.benedictine.fr

L’exposition sera présentée à la collégiale Saint-Pierre-Le-Puellier, à Orléans, de février à mars 2008.

Pour en savoir plus sur Gilles Ghez : http://www.gillesghez.com/