DANIEL PRÉVOST FAIT AUSSI PLEURER

DANIEL PRÉVOST FAIT AUSSI PLEURER

On se souvient, avec le sourire, de Daniel Prévost reporter de Jacques Martin pour l’émission dominicale "Le Petit Rapporteur". Qui n’a jamais vu, au moins une fois, l’interview du Maire de Montcuq (prononcer montcuque) par le farceur et cynique Daniel Prévost qui était toujours prêt à faire un bon mot ou des bêtises dans lesquelles il n’hésitait jamais à se servir de son rire de baleine pour nous inviter à le rejoindre et à se bidonner avec lui.

Par contre on connaît moins la face cachée de ce bel acteur qui sait aussi être sombre et nous émouvoir dans "Le dîner de con" lorsqu’il interprète le contrôleur des impôts "Cheval" aux côtés de Jacques Villeret.

Le 19 septembre 2007, sur France 2 à 20h50, c’est une composition magistrale que Daniel Prévost nous a offert en jouant "Monsieur Joseph", tiré du roman de Georges Simenon "Petit Homme d’Arkhangelsk". Il y campe le rôle d’un homme issu de l’immigration, s’appelant en fait Youssef, qui a fait le choix de franciser son prénom afin de mieux s’intégrer dans la population locale. Monsieur Joseph tient une librairie dans un petit village du Nord de la France.

Joseph pourrait bien être notre voisin. Né d’un père Kabyle et d’une mère Française, il vit là depuis quarante ans et a réussi à faire oublier qu’il était le fruit d’un mariage mixte. Tout le monde semble apprécier ce Monsieur Joseph, passionné par les beaux ouvrages, affable, qui entretient de bonnes relations avec les commerçants et les habitants de cet endroit tranquille.

Joseph se marie avec une jeune femme de trente cinq ans sa cadette et tout semble se passer correctement (à part quelques railleries) jusqu’au jour où la jeune libertine oublie de rentrer au domicile conjugal.

C’est alors que les suspicions vont bon train et que certains se souviennent que Monsieur Joseph est d’origine arabe... donc certainement à l’origine de la disparition, voire du meurtre de sa femme... et pourquoi pas d’un crime non élucidé trois ans plus tôt. Les villageois ferment la porte au nez de Youssef et se réfugient dans une hypocrisie cruelle qui devient omniprésente.

Daniel Prévost nous emmène, pas à pas, dans l’émotion et la compassion liées à cette atmosphère pesante qu’il sait faire émaner de son personnage grave et sensible. Le racisme insidieux remonte à la surface et ses amis lui tournent le dos.

Ce climat malsain entraînera Joseph vers le suicide par pendaison... et laissera le téléspectateur dans l’angoisse du questionnement.

Mais pourquoi sommes-nous parfois si intolérants et tellement injustes avec nos semblables ? Comment se fait-il que même ceux, qui prétendent ne pas être racistes, basculent un jour dans l’horreur d’un jugement porté à la hâte et qui nous fait dire : "Le coupable... c’est l’étranger, celui qui n’est pas comme nous !". Et les vieux préjugés imbéciles, méchants et surtout non fondés s’emparent de nous comme des démons déchaînés.

Daniel Prévost sait nous faire comprendre tout cela au travers de ses mots qui sonnent justes et de ses silences lourds, dans lesquels nous trouvons nous-mêmes la bonne réponse à la détresse d’un homme injustement accablé.

Daniel Prévost est criant de vérité et il nous prouve qu’il est un incroyable acteur, capable de jouer des drames de cette ampleur-là.

C’est peut-être grâce à des compositions comme celle-là que les mentalités pourront, un jour prochain, évoluer et que le message passera... nous permettant ainsi une plus large ouverture d’esprit en se débarrassant définitivement de l’ombre laissée par les idéologies primitives et sectaires qui remontent trop souvent en nous.

Bravo, Monsieur Prévost... c’est certainement un de vos plus beaux rôles !

Daniel Prévost a été couronné "Meilleur interprète masculin" au Festival de La Rochelle.