Les hics du service public

L’autre soir dimanche, pour la milliardième fois, France Inter a ouvert son journal de 19H par un point sur les retours routiers du week-end afin de signaler ici et là un « bouchon », à la parfaite indifférence de 99% des auditeurs qui ne se trouvaient pas dans ladite obstruction du trafic, comme à la plus vive irritation du 1% qui s’y ennuyait et qui, conséquemment, n’éprouvait point le besoin que la radio du bord le lui rappellât.

Mission de service public, me direz-vous ? oui, mais cette charte date des années soixante, c’est-à-dire d’avant la révolution de la communication instantanée via les fréquences dédiées, la cibie, le portable, les services autoroutiers … Et, de toute façon, même il y a trente ans, ça ne te rendait pas plus savant qu’un mec bien au chaud à l’antenne nationale t’informe que t’étais planté dans un embouteillage monstre !

Autre chose : en règle générale, ce qui suit ce scoop ébouriffant (vous êtes pare-chocs contre pare-chocs sur le périphérique), c’est, dans l’ordre des priorités, le fait-div’ du jour (de préférence une mamie occise par des sauvageons), les résultats sportifs, la « petite phrase » toute faite de l’un ou l’autre politicien, puis les brèves concernant les sujets qui pourraient fâcher ou prendre la tête comme la politique internationale et la situation économique.

Autrement dit, sur le canal préféré des profs et des fameux CSP+, because la réclame y est à l’ancienne, discrète, les choix rédactionnels comme le langage à base d’expressions standardisées et autre locutions rabâchées à mort employées par les rédacteurs indiquent clairement ou qu’on prend l’auditeur pour le même crétin que celui qui fait le bonheur de TF1 et de la presse pipeule ou qu’on espère justement, vaine entreprise, attirer ce dernier.

Sans transition, la dernière phrase du paragraphe précédent nous permet de rebondir sur l’alter ego francedeuhesque de l’inaltérable et ô combien probe Pépédéha, je veux dire ce garçon aussi charismatique qu’un hareng fumé qui, le jour ou la veille de sa prise de fonction de grand prêtre de l’info publique, s’exclamait quelque chose comme « putain ! génial ! » en apercevant sur un écran un zinc gros porteur percuter une des tours jumelles d’un bled paumé nommé Manhattan.

Eh non, David ! ce n’était pas un effet spécial tiré de l’un de tes jeux vidéo préférés, mais la vérité vraie de la réalité toute nue !
Qu’après cela la direction de FranceTélévisions ne t’ait pas renvoyé illico garder des vaches en dit long sur la dérive d’une conception de l’information prétendument respectueuse du spectateur, mais en fait uniquement préoccupée de relations commerciales avec lui : viens voir ici mon grand toutes les belles niouzes que je garde pour toi dans ma boutique et surtout ne nous quitte pas avant la pub (dans ce cas-là, pourquoi embaucher un type qui ne parviendrait pas à vendre un récepteur grand format à des fans de Star Academy ? pour qu’il se fasse dézinguer quotidiennement par la rédac de France2, où, comme à LCI, pullule cette nouvelle mouture de journalistes qui, pour faire carrière, ont longuement hésité entre la banque, l’assurance et la télé, des bureaucrates propres sur eux parfaitement susceptibles de le remplacer ?) !

Par décence, on ne relèvera pas le nom des chroniqueurs boursiers, toujours et partout les mêmes, pour lesquels l’esprit critique n’est pas une tournure intellectuelle salutaire mais une maladie gravissime dont le traitement aléatoire ne s’opère que passé minuit dans des émissions médicales diffusées sur la câble à l’attention d’insomniaques masochistes.

Pour terminer, « sachez queu », ainsi que le répètent à satiété les bafouilleurs de notes et autres lecteurs de prompteurs avec la certitude de vous apprendre quelque chose puisqu’ils se trouvent dans le temple du savoir et pas vous, sachez queu … eh bien, sachez queu dimanche prochain un ralentissement est à prévoir en soirée du côté de la porte d’Orléans, et, attendez, de même qu’un coup d’Etat reste possible en Côte-d’Ivoire, mais ça, entre nous, on s’en fout , on ne sait même pas où ça s’trouve …