Dur d’être un héros

C’est ce que clamait d’une voix désabusée Jean-Patrick Capdevielle il y a à peu près vingt-cinq ans.
En ce qui le concerne, il voyait juste, car, en dehors d’une poignée de fans grisonnants qui n’écoutent que des vinyles et de quelques beautés de millésimes variables plaquées un matin au sortir d’une chambre d’hôtel à Malibu ou à Bourges, plus personne ne se souvient de lui. Est-il encore de ce monde ? on l’espère vivement pour sa personne, mais, pour ce qui en est du superworld du chobize, il est à l’évidence naze complet, ou presque, car après tout Renaud est bien revenu des morts …

C’est à lui que je pensais en lisant ou écoutant ces jours-ci Jean-Louis Murat en tournée promotionnelle et Charlélie Couture dans une redif’ de « La route » à lui consacrée sur Canal Jimmy.
Les deux, artistes par ailleurs plutôt brillants et protéiformes (aujourd’hui, ça ne suffit plus d’être un auteur-compositeur-interprète : si tu n’es pas en plus peintre, photographe, romancier et cinéaste, c’est que t’es nul), gémissent tout de même beaucoup de n’être pas davantage « reconnus », à savoir fêtés et retribués au prorata du génie qu’ils possèdent.

Et l’un de se plaindre de vendre à peine cent mille exemplaires de ses disques (mazette !) et d’être obligé de coucher en tournée dans des Formule1 de prolos, et l’autre de déclarer à sa compagne de voyage que devant tant d’ingratitude des médias comme du grand public, il se sent parfois prêt à changer de métier !
Hé ho, les gars (je me permets un peu de familiarité car nous sommes vous et moi de la même génération ou peu s’en faut) ! c’est si dur que ça d’être un artiste intègre qui vit confortablement de sa production ?
Qu’est-ce que vous vous racontez ? que vous êtes bien plus créatifs que Johnny et largement plus sophistiqués que Cabrel ( sympa ce garçon, d’ailleurs tout le monde trouve que je lui ressemble, mais un peu léger quand même, trop baloche et emballe Margot ) ?
Sûr, mes bons maîtres, sûr ! d’accord avec vous !

Et puis ? la rigueur se paie : les meilleurs poètes (une chanson n’est pas un poème, c’est nettement plus fastoche, n’en déplaise à vos thuriféraires) ou les peintres les plus confidentiels claquent du bec au érémi dans l’indifférence générale, dont la vôtre. Quand, comme Murat, on met en musique Madame Deshoulières pour la chanter en compagnie d’Isabelle Huppert, c’est d’une grande élégance, d’une délicatesse qui cause aux esthètes dont nous sommes, mais ça ne risque pas de passer en prime time sur la chaîne de Bigard et de Pépédéha …

Vous vous en sortez bien, non ? la notoriété, le respect dû aux intransigeants, assez de blé pour bien vivre sans vous prostituer, la considération de vos pairs, la jalousie des médiocres parmi eux, les voyages, les filles qu’on refuse …

Vous êtes intelligents, aussi est-ce un peu déprimant de vous voir espérer encore que le système viendra à vous, quand il n’aime que le facile, le vulgaire et que, hélas, les masses qu’il façonne avec, il faut bien l’avouer, leur propre consentement, sont bien entendu à l’image qu’il souhaite, la sienne.

D’aillleurs, vendus comme des savonnettes et adorés par des débiles, vous vous flingueriez comme ce Renaud bien moins exigeant que vous, mais tellement plus commode à fredonner sous la douche !

Reste Souchon. Comment il fait Souchon pour rester clean tout en passant sur Airtéhel ?

Bossez donc sur l’équation.

Charlelie sur le net

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