La Colombie c’est la femelle de la colombe

Un bon titre ne fait pas un bon livre. Ca se saurait. Toujours est-il que ça compte tout de même un peu dans une société gouvernée par la Publicité, le septième Art, les texto, les brèves de comptoir et les formules choc. Le mieux dans le fond c’est lorsque le titre du bouquin reflète au mieux l’ambiance, la pertinence et l’impertinence de l’auteur. Enfin bref, on n’aime pas être trompé sur la marchandise lorsque l’on met 17 euros pour un livre. Pari réussi donc et belle cohérence artistique depuis le packaging avec cet ouvrage atypique et frais, en ces temps de canicule sociale et dépression météorologique.

Précipitez-vous sur Van de Putte, une littérature ouverte, accueillante et fantasque comme on aimerait en rencontrer plus souvent dans les librairies populaires, à la lumière tamisée, bordel de merde !

Comme nous le disions précédemment « La colombe c’est la femme du pigeon » ne prend donc pas les lecteurs pour des pigeons ; c’est un bon livre, original, drôle et exotique qui nous ramène à une tradition proche de Blaise Cendrars - auteur mal connu au blase sympathique, ce qui lui fait déjà trois points communs avec Christine Van de Putte - qu’à la tradition animalière en milieu hostile.

Et l’on se dit que la réalisatrice a été bien inspiré de choisir ce titre plutôt que celui d’un film de son amie comédienne et cinéaste Brigitte Rouan. Imaginez le désordre « Sa mère la pute » par Christine van de Putte. Non, ce ne serait pas sérieux... Fin de la digression.

La littérature française moderne mène à tout et même jusqu’en Colombie. C’est fort de café, ça monte et ça descend, ça prend de l’altitude mais c’est ainsi que débute ce joyeux « road movie » littéraire mené tambour battant par cette plume vive qui sait mettre en scène les faits et les dialogues comme personne. Certes le début est accrocheur et moderne mais ce n’est pas un leurre, ça dure sur 283 pages. On se surprend à ne plus lâcher le livre, emporté que nous sommes par les inventions perpétuelles d’un auteur comme on aimerait en lire plus souvent. Rien qu’avec les noms des héros il y aurait une thèse de poilade à faire ; Victoria et son absence de Bogota, Téfal un garçon au poil, Pablo le rigolo et Elnett, car il le vaut bien (...)

Christine Van de Putte écrit à l’oreille, capte le monde avec son regard mi-distant, mi-ironique, mi-critique et généreux. En dehors de toutes les coteries, elle créait un univers parallèle où la fantaisie se bat le premier rôle avec le sourire, fidélisant un lectorat très large, même si on en parle trop peu, bordel à queue.

Il serait presque anecdotique de tenter de paraphraser ce roman jubilatoire et attachant qui coupe les ailes à tout ce qui est attendu en Littérature.
Christine Van de Putte sait jouer avec les voix, les points de vue, sait retranscrire sur le papier couché ce monde qui bouge, les cocktails mondains, sachant regarder vivre le monde et lui inventant un langage qui lui ressemble. Elle ne racole pas avec des trompe-l’œil, des faux semblant de poseuse, elle écrit comme elle vit, comme elle parle, pense et envisage son humanité, se réfugiant dans les mots qui ne la trahiront pas. Avec beaucoup de pudeur aussi, derrière le masque de l’écrivain rigolarde.

Point besoin d’en faire tout un cinéma, toute bibliothèque qui se veut bien achalandée en produits vrais, sincères et déconnants se doit de commander illico presto les deux romans de Christine Van de Putte. Régalez-vous, vous allez aimer et traitez moi avec des noms d’oiseaux si vous n’aimez pas, je ne prends pas beaucoup de risque à ce niveau-là, c’est du tout bon. Si senor !

"La colombe c’est la femme du pigeon", Christine van de Putte, Flammarion, 282 pages, 17 euros.

"La colombe c’est la femme du pigeon", Christine van de Putte, Flammarion, 282 pages, 17 euros.