Honneur à 302 dissidents.

Honneur à 302 dissidents.

Je ne serai pas député du Val d’Oise. Pas cette fois en tout cas. Pour ceux qui s’étonneraient que je n’aie obtenu que 1,23 % des suffrages exprimés (302 voix plus la mienne), l’explication est simple : la politique française est entrée dans une logique de partis et de bipolarisation. Sur les 16 candidats de la huitième circonscription du Val d’Oise, deux seulement ont dépassé le seuil des 5 %. Le PS et l’UMP se partagent donc le gâteau avec chacun 37 %.

Les autres, dont je fais partie, n’ont que des miettes. En ce qui me concerne, non seulement je n’appartenais pas aux deux partis dominants, non seulement je n’appartenais pas non plus aux partis subalternes, mais je n’appartenais qu’à moi-même. Mes électeurs n’étaient que des lecteurs. Avec l’investiture du MoDem, que François Bayrou n’a pas cru bon de me donner, j’aurais obtenu sans doute 8 à 10 % des suffrages. Je me demande si ce serait mieux. Avec celle de l’UMP 30 ou 40. On ne vote pas l’homme, on vote le parti.

Qu’on ne s’imagine surtout pas que je n’ai pas fait campagne. C’est tout le contraire. J’ai été entouré d’une équipe de bénévoles d’une extraordinaire pugnacité. Pendant trois semaines, nous avons distribué plus de trente mille tracts et collé mille affiches. Tout ce qui pouvait être fait sans moyens en une période aussi courte a été fait. Les électeurs étaient parfaitement informés. Ceux qui ont voté (un inscrit sur deux) l’ont fait en connaissance de cause. De fait, mes théories sur l’absence de « vote noir » et de « communauté noire » sont plus que largement vérifiées. Sachant qu’un votant sur trois était d’origine antillaise ou africaine, on ne peut pas dire que le scrutin soit forcément déterminé par la couleur (de peau) du candidat.

Ceux qui me détestent (et me connaissent bien mal) sont sûrement heureux à l’idée que je sois affecté par ce score infinitésimal et que j’aie à régler de ma poche quelques milliers d’euros. De fait, j’ai reçu un ou deux messages d’aigris qui ricanaient, sans se rendre compte que leur réaction trahissait leur surprise, ce qui est assez flatteur pour moi. Nul n’est méchant volontairement. Mais il y a eu d’autres messages d’amis désolés. Ceux qui m’aiment sont peinés et trouvent le résultat injuste. Il est juste, au contraire, car je savais ce que je risquais. Mais il est inquiétant. Non pas pour moi, mais pour les électeurs qui font confiance aux partis. Si je suis triste, ce n’est pas à cause d’un résultat qui ne me met évidemment pas en cause personnellement, c’est que je m’étais habitué à croiser les plus humbles, le matin, à la sortie des gares ou sur les marchés de Garges, de Sarcelles ou de Villers le Bel. Oui, j’y ai pris plaisir et ils vont me manquer. Mais qui sait… Je n’ai pas quitté pour autant la circonscription. Je m’y suis fait des amis et je continuerai à rôder dans ma "sweet banlieue pourrie".

Je remercie mes compagnons : et notamment Clément, Dadie, Benoît et James. Leur courage m’a surpris. Ils étaient vraiment dignes d’un candidat victorieux. Je remercie les 302 Valdoisiens qui ont voté pour moi. Je suis fier de ces voix et j’aimerais connaître personnellement celles et ceux qui me les ont accordées. D’aucuns me demandent quelle sera ma consigne de vote dimanche prochain. Quand on a aussi peu de voix, n’a-t-on pas intérêt à les garder pour soi ? Telle a été ma première réaction.

Mais les choses peuvent sûrement évoluer. François Bayrou, en tout cas, a été particulièrement déloyal dans cette affaire. Faute d’obtenir l’investiture par lui promise, j’aurais pu jeter l’éponge et me coucher. Ce n’est pas mon genre de renoncer. Je n’ai pas renoncé. Je ne renoncerai jamais. Et si c’était à refaire, je recommencerais dès demain matin. Même pour 302 électeurs. Merci à eux. Leur courage, c’est déjà une victoire.